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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Ven Nov 18, 2011 11:23 Sujet du message: L'Ordre et la Morale (Mathieu Kassovitz, 2011) |
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Entre les deux tours des élections présidentielles de 1988 opposant François Mitterrand et son premier ministre Jacques Chirac, un capitaine du GIGN tente de négocier avec des indépendantistes kanaks qui retiennent en otage une trentaine de gendarmes dans une grotte de Nouvelle-Calédonie.
Voix off caverneuse et lancinante, percussions menaçantes et lointaines, réminiscences traumatiques au ralenti, visage du héros en gros plan écrasé par le dilemme du combattant, avions qui décollent au petit matin... L'ordre et la morale essaie dans ses premières minutes de nous entraîner dans les moites tourments du petit blanc en treillis plongé dans l'épouvante de la jungle. Ça sonne malheureusement comme une parodie d'Apocalypse Now.
On est étonné de voir Mathieu Kassovitz, réalisateur que j'imaginais instinctif et djeun pour l'éternité, convoquer des moyens d'expression tragiquement désuets: résumé du contexte politique énoncé par une radio providentielle, compte-à-rebours interminable (on commence à J-10) plaqué sur l'écran, indications de lieu qui s'incrustent avec cet effet "machine à écrire", lettre par lettre, en faisant tiguidic tidic...
Quand le casting débarque, ça empire. A gauche, des autochtones qui ne jouent pas très bien (mais on pardonne: qui, à part des Kanaks, pour avoir une gueule de Kanak ?). A droite, de vrais militaires qui jouent comme des merdes. Leurs déplacements qui sentent les marques au sol, leurs aboiements raides dans les séquences d'opposition et leur façon de se précipiter pour se débarrasser de la scène ne permettent pas au film de quitter le registre de la parodie. Entre Kanaks et soldats, on est dans la "reconstitution avec des acteurs locaux", bref dans l'exorcisme. La fiction va-t-elle prendre ?
Quelque chose pourrait peut-être se décanter si les autres choix de casting ne venaient pas contredire le premier dispositif, comme par exemple l'idée de faire jouer le Commandant Prouteau par un acteur de la Comédie Française (Torreton) qu'on peut trouver talentueux mais qui a une fâcheuse tendance à interpréter ses rôles.
Autre souci de casting dans le réalisme à l'oeuvre: choisir pour commander sur place les musclors du GIGN deux comédiens taillés comme des crevettes: Mathieu Kassovitz et Malik Zidi. On se sent alors englué dans les contradictions de Kassovitz, pris en tenaille entre sa volonté d'en être ("C'est moi et personne d'autre qui joue le Capitaine Legorjus") et son envie de se défiler (l'étrange réticence du personnage à porter l'uniforme). On se dit que, d'une manière générale, les réalisateurs de cette génération (je pense aussi à Jean-François Richet) ont du mal à concilier dans leur cinéma leur engagement citoyen, souvent mis en avant, et leur fascination profonde pour la machinerie militaire. Moralistes, mais tendance James Cameron. Voir les plans (toujours les mêmes, en plus) sur les hélicos qui décollent, cameraman couché dans l'herbe pour une contre-plongée spectaculaire.
Mathieu Kassovitz, qui est de tous les plans, joue le négociateur, c'est-à-dire (comme il le répète souvent) le type qui est chargé de faire descendre la pression. Bref, il travaille contre le film (et à perte, puisqu'on sait tous comment finit l'histoire). Il y a alors un peu d'intérêt à voir son immense cinégénie se vautrer dans l'emploi masochiste du type qui va échouer, accumuler les erreurs et les trahisons. Evidemment, on n'y croit pas une seule seconde: comment Kassovitz, qui a désormais la gueule de celui qui fume trois joints au réveil, pourrait bien être un Capitaine du GIGN ? Impossible.
Pour le reste, on subit la tyrannie du plan-séquence tourbillonnant tendance Gaspard Noé du pauvre, démonstration laborieuse d'une maestria de mise-en-scène qui est loin d'être flagrante (répétition de longues scènes "résumé de la situation" entre deux personnages qui parlent en marchant, steadycam en travelling). C'est quelquefois ridicule, comme la scène de reconstitution de l'attaque de la gendarmerie avec Kassovitz en direct dans le plan, rattrapé plusieurs fois par la caméra ("Waouh, quand j'étais hors-champ je suis allé rapido me mettre dans mes marques !").
On a le sentiment que tout cela n'a servi qu'à mettre en scène un seul plan, celui de l'assaut de la grotte vu par les yeux du GIGN. On voit alors Kassovitz diriger ses acteurs dans le plan, les faire avancer sous les balles, les placer autour des cadavres. Il habite magnifiquement la séquence en jouant le gars qui commande mais qui semble dépassé, tétanisé, accablé. Il ressemble alors au réalisateur meurtri de "Fucking Kasso", le making of qu'il a mis en ligne le jour de la sortie de L'ordre et la morale.
1-2/6 _________________ Personne nous piquera Kitty! Il est à nous désormais. Il va falloir raquer cher pour un transfert , ne serait-ce que d'un post. Kitty, mon jouet star de Noël. |
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stef
Inscrit le: 04 Juin 2011 Messages: 14
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Posté le: Sam Nov 19, 2011 9:55 Sujet du message: Re: L'Ordre et la Morale (Mathieu Kassovitz, 2011) |
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Hello--Kitty a écrit: | les réalisateurs de cette génération (je pense aussi à Jean-François Richet) ont du mal à concilier dans leur cinéma leur engagement citoyen, souvent mis en avant, et leur fascination profonde pour la machinerie militaire. |
l'engagement citoyen de Kassovitz, pour ce que je peux en connaître, doit s'arrêter à sa collaboration avec Chris Marker sur un dispositif plus que surprenant pour lui quand on regarde sa filmo. Kassovitz c'est une trajectoire incompréhensible pour moi, de Marker à son concours sur les "fameux" Apocalypse de Clarke et Costelle. |
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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Lun Nov 21, 2011 16:17 Sujet du message: |
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Comment pouvez-vous critiquer un film que vous n'avez pas voulu voir en salle?
Bernard Pons : Parce que je sais ce qu'il contient. J'ai lu le vingt-quatrième scénario. Je sais, par exemple, que j'y apparais en robe de chambre dans mon bureau en train de fumer un cigare. Je n'ai jamais fumé de ma vie. |
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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Mar Déc 13, 2011 15:07 Sujet du message: |
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Photo de Alain Duplantier :
stef a écrit: | sur un dispositif plus que surprenant pour lui quand on regarde sa filmo. |
Son papa est réalisateur, c'est peut-être pour ça qu'il a atterri là. |
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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Jeu Déc 15, 2011 16:18 Sujet du message: |
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Le chef opérateur raconte l'autre jour le tournage du fameux plan-séquence de l'assaut.
Ça a pris quatre jours.
Le premier jour, Kassovitz n'a pas d'idées. Il retourne se coucher.
Le deuxième jour, il a des idées. On regarde ce que ça donne: c'est naze. Merde merde merde.
Le troisième jour, il dit: on va tout faire en plan-séquence avec l'appareil-photo. Du coup, il y a du travail pour les artificiers, on peut pas tourner tout de suite.
Le quatrième jour, ils tournent. |
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Bite Astrale dans le coma profond

Inscrit le: 02 Mar 2010 Messages: 1063
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Posté le: Jeu Déc 15, 2011 20:00 Sujet du message: |
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On s'en fout, la scène est bien. |
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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Jeu Déc 15, 2011 20:07 Sujet du message: |
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Parce que c'est le problème ? |
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Bite Astrale dans le coma profond

Inscrit le: 02 Mar 2010 Messages: 1063
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Posté le: Jeu Déc 15, 2011 20:12 Sujet du message: |
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Disons que je préfère juger un film plutôt que les conditions de tournage. |
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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Jeu Déc 15, 2011 21:02 Sujet du message: |
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Il ne s'agit pas des conditions de tournage.
Pourquoi ce plan tout seul au milieu du film, plutôt bien d'ailleurs, voire super (je pense l'avoir dit dans ma description du film au 1er message), et qui a l'air mis en scène de manière différente ?
Ça peut s'expliquer par des questions de récit: Kassovitz ne sait pas ce qui s'est passé pendant l'assaut, alors il ne peut rien montrer. Et il est obligé d'endosser comme metteur en scène l'impuissance du Capitaine pendant l'assaut (on me tire dessus, je vois rien), ou de mettre en scène l'impuissance du Capitaine pour régler son problème de metteur-en-scène. Le problème du récit devient le problème de la mise-en-scène.
Alors par exemple, si tu réfléchis deux secondes au lieu de me sauter dessus comme un type qui n'a pas l'habitude de cogiter, tu lis ce que j'écris du tournage et tu te dis: tiens, c'est marrant, quand il met en scène Kassovitz fait des allers-retours entre la grotte et la base, exactement comme son personnage (et la structure de son scénario à chier).
Voilà. C'est le plan. C'est le film. C'est pas "les conditions de tournage" ou "l'anecdote de tournage".
A la limite, on pourrait parler production. |
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Bite Astrale dans le coma profond

Inscrit le: 02 Mar 2010 Messages: 1063
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Posté le: Jeu Déc 15, 2011 21:10 Sujet du message: |
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Je suis d'accord avec ta description, c'est d'ailleurs en cela que j'ai apprécié le film (cette focalisation sur le point de vue de Legorjus).
Je pensais que tu balançais juste l'anecdote en mode "regardez-moi ce blaireau de Kasso". |
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