Carton dans le coma profond

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Posté le: Ven Sep 23, 2011 11:20 Sujet du message: Habemus Papam (Nanni Moretti, 2011) |
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La première qualité de Habemus Papam est peut être de ne pas être une comédie. Enfin si, c’est une comédie, il y a souvent un postulat distancié ou grotesque, un humour des situations qui parcourt tout le long (en gros, tout le monde change de place, prend un masque ou un vêtement différent) mais ce n’est pas un film qui cherche d’abord à faire rire. Il y a même une gravité et un tragique auquel je ne m’attendais pas. Un point de départ comme « le nouveau pape fait une crise de foi, il va chez le psy », ça sentait surtout la farce appuyée et la critique du pouvoir rentre-dedans.
Même si le film est très différent du Le Caïman précédent, il partage avec lui le souci de ne pas prendre le chemin le plus évident. Là, Berlusconi était débarrassé de sa bouffonnerie pour mieux mettre en relief le prédateur politique, ici le Vatican est moins le terrain d’une grosse farce que le lieu du vacillement d’un ordre, d’une structure, d’une tradition, d’un emploi du temps. Pendant ce temps de vacance et de doutes, certains vont au théâtre, d’autres font du sport, et chacun d’expérimenter une occupation de son temps autre, une nouvelle liberté, de nouveaux possibles, ce qui aurait pu être ou ce qui pourrait devenir.
Dans cette nouvelle possibilité du monde, les situations sont abordées autant dans leur potentiel grotesque que dans l’ouverture tragique à une autre vie, tout autant joyeux et angoissé. Et souvent dans le même temps, une scène est à la fois drôle et glaçante, cynique ou pleine de joie. Lorsque tous les cardinaux prient en même temps pour ne pas être désigné pape, c’est d’abord drôle puis ça devient dramatique lorsque les prières emplissent la pièce comme un cri de terreur. Et lorsque qu’ensuite Piccoli est désigné pour prendre la place, il faut être bouché comme ma voisine de gauche au cinéma pour ne pas comprendre qu’on vient de le maudire, qu’en quelque sorte il va payer pour les autres et que les larmes du personnage n’ont rien de légères (ils étaient plusieurs ce soir là au mk2 Gambetta à être venu voir un autre film, une franche comédie sur la religion j’imagine, et à rire bizarrement à n’importe quel évènement du film un temps soit peu absurde ou relevé, à ricaner comme s’ils voulaient absolument figer le film à sa compréhension la plus pauvre).
La mise en scène de Moretti est assez impressionnante et précise, qui impose un rythme très beau, évident, et donne une sorte de mouvement intérieur constant entre burlesque et mélancolie, désir de liberté et sidération froide. _________________ La Quadrature |
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