Posté le: Dim Jan 09, 2011 11:45 Sujet du message: Somewhere (Sofia Coppola, 2011)
Agréablement surpris après la tonne de critiques négatives. Le film n'est pas le chef-d'oeuvre que décrivent certains mais il a de grandes qualités. J'aime bien l'approche de Sofia Coppola sur ce film par rapport à ses précédents, qui, bien que je ne les déteste pas, menacent d'être agaçants à la revoyure. Ici, l'épure commande la mise en scène car il s'agit de montrer le vide existentiel d'un homme. Tout le début est un peu facile à cet égard, Sofia Coppola n'ayant quand même pas inventé la roue lorsqu'elle pose sa caméra devant son sujet pour un plan de deux minutes. Mais petit à petit, le film trouve son ton propre, original, quelques moments privilégiés (la scène de la patinoire, Guitar Hero, toutes les séquences de bagnole, le magnifique zoom arrière au bord de la piscine) viennent perturber cette situation initiale de décrépitude. Il se passe des choses dans ce film, seulement Sofia Coppola pousse ici à son paroxysme le principe selon lequel un être humain ne passe pas d'un état routinier à un autre de façon démonstrative. Surtout lorsque l'état routinier en question est la vie morbide d'un acteur rendu plus passif qu'actif par le système.
La chose la plus précieuse du film est de ne pas faire de concession avec le vide existentiel tout en ne versant pas non plus dans le pathos. La tristesse du protagoniste principal et celle de sa fille ne font surface qu'une seule fois chacun (même si la longueur du plan montrant Dorff pleurant m'a gêné), et globalement ce qui prime, malgré la dépression, c'est la douceur, certes oppressante (encore une fois j'insiste, toutes les fois où le protagoniste se déplace en voiture, dans les rues d'un LA ensoleillé mais désespérément terne, sont très belles, et m'ont parfois rappelé Mulholland Drive dans leur capacité à capter dans l'instant l'horreur du rêve américain incarné par Hollywood) mais aussi envoûtante (et cet envoûtement débouchera sur la séquence finale, chevauchée fantastique du héros pour son salut: quelle maestria dans cette succession de plans sur la voiture, tous plus beaux les uns que les autres, avec un travail sur le son raffiné).
4,5/6
Posté le: Dim Jan 09, 2011 14:23 Sujet du message: Re: Somewhere (Sofia Coppola, 2011)
Ca fait plaisir de lire une critique positive sur ce film si violemment détesté (la critique de Chronicart est d'une bêtise, c'est presque comme si Sofia Coppola n'avait plus le droit de parler d'elle-même).
Posté le: Dim Jan 09, 2011 16:10 Sujet du message:
Citation:
(il aurait été tellement plus fin de montrer le type abandonner sa voiture sans le faire applaudir par la musique, dans un silence ironique et cruel)
Oui cette toute fin n'est pas top, on est d'accord. On dirait presque une pub. Ca montre clairement les limites de Sofia Coppola: elle a un talent affirmé pour créer des ambiances et incarner ses personnages dans un décalage avec le monde, mais son propos, sur tous ses films, est au fond très banal et assez vite versé dans la niaiserie.
Posté le: Lun Jan 10, 2011 10:01 Sujet du message:
Pipi parle plus sur facebook.
Citation:
Même si "Somewhere" n'invente peut-être pas de nouvelles propositions de mise en scène, c'est vraiment un film radical et fascinant dans sa personnalité unique. J'aime beaucoup comment Sofia filme le vide existentiel de Johnny Marco, elle parvient ça à rendre ça avec sobriété et sans jamais tomber dans le pathos ou le désespoir. On baigne dans une ambiance vaporeuse et dépouillée pendant que tout semble tourner autour de l'artifice et de la superficialité.
En fait, le vrai sujet de "Somewhere", c'est le pouvoir de fascination à travers les images. Est-ce qu'une star (ou même Hollywood tout court) a encore la même fascination qu'avant? Qu'est-ce qui produit la fascination d'une image, qu'elle soit sincère ou fabriquée? Pourquoi est-ce qu'il suffit que Johnny Marco regarde sa fille en train de faire du patinage pour être enfin fasciné et éprouver les sentiments qu'il lui manquait? (scène incroyablement belle, je m'en remets pas encore...)
Cette question de la fascination s'applique également aux lieux : Pourquoi le Chateau-Marmont exerce-t-il plus de fascination qu'un hôtel trop luxueux et bling-bling? De même, Sunset Boulevard est filmée comme une avenue banale, démythifiée. On y ressent l'atmosphère terne et un peu déshumanisée de la Californie, ces autoroutes qui traversent le désert de la Californie jusqu'à Las Vegas (carrément démythifiée). A la toute fin du film, il y a une belle accumulation de plans sur des routes de plus en plus désertes, et c'est finalement la route déserte où s'arrête Johnny Marco à la fin du film qui lui semble la plus "vivante" (ce qui explique selon moi pourquoi il s'arrête pour marcher un tour, mais ce n'est que ma propre interprétation).
Je pense que c'est faire un faux procès au film que de lui reprocher de se focaliser sur des petits problèmes de riches et de porter un regard superficiel et condescendant sur le monde, ou d'accumuler les scènes où il ne se passe rien pour bien expliquer au spectateur qu'en effet, il ne se passe rien dans la vie de Johnny Marco. Alors pourquoi est-ce que le film me fascine autant?
Là où Bill Murray dans "Lost in Translation" suscitait immédiatement la sympathie par son humour pince-sans-rire et détaché face aux japonais hystéros, je trouve Stephen Dorff plus attachant, plus humain, car beaucoup plus fragile aussi. Et cette fragilité-là a sans doute irrité les détracteurs du film, qui se sont soudain sentis avoir une longueur d'avance sur un personnage aussi immature et superficiel, rendant donc le film pénible à leurs yeux.
Exemple : la scène de lapdance (les deux, en fait). Evidemment, on comprend tout de suite l'intention (comme dans tout le film), mais là n'est pas l'important : la beauté de la scène vient aussi de la fascination purement artificielle qu'exerce la danse pourtant "mécanique" des jumelles blondes (alors qu'il serait facile d'y voir une redondance, un effet facile ou un manque d'inspiration du genre "ouais c'est bon Sofia, on a compris il est déprimé et regarde du pole dancing, okay, sale gosse de riche, on peut passer à la scène suivante?"). Mais Sofia ne triche pas avec ça, je la trouve parfaitement honnête et inspirée en faisant bien durer certains plans, alors même que son film semble au premier abord ne pas être du tout inspiré ! Il suffit de voir juste après ce plan tout à fait ironique des jumelles qui remballent leur matériel après avoir fait leur taf, sans oublier le fait que Marco s'endorme la première fois mais se montre enthousiaste la seconde fois quand elles ont leurs tenues de tenniswoman.
Il y a surtout cette incroyable douceur tout au long du film, et surtout ce sens du burlesque qui peut surgir à tout moment sans que ça dénote avec le ton du film (les reproches qu'on fait sur la caricature des italiens sont aussi bidons que ceux qu'on faisait sur les japonais de "Lost in Translation". Je l'ai déjà dit mais ça me surprendra toujours qu'on puisse en même temps adorer "Lost in Translation" et détester "Somewhere". Ces films sont aussi différents que similaires mais ils sont tous les deux stimulés par un même plaisir total de cinéma.
Même le tout premier plan, qui apparaît comme le symbole trop évident d'une "voiture qui tourne en rond pour résumer la vie qui tourne en rond", je suis fasciné pour sa science du cadre qui réussit pour moi à concilier le burlesque (la contradiction dans la profondeur de champ, impression d'une vitesse différente alors que non) et le mythologique : le cadre choisi évoque clairement le mythe de Sisyphe, là où un médiocre cinéaste aurait juste filmé en plan large une voiture qui tourne en rond, ce qui aurait été insupportable....
Quant à Elle Fanning, elle n'est jamais agaçante dans le rôle casse-gueule de la petite fille qui fait la cuisine pour son papa paumé (et donc la scène où Dorff revient tout seul au Marmont et cuisine des pâtes, ça peut sembler démonstratif, mais je trouve ça très beau, très simple, pas du tout lourd, allez savoir pourquoi...). Leur relation à eux deux est merveilleuse, et je crois que ça me touche encore plus que Murray-Johansson, qui fonctionnait plus sur une forme de séduction décalée (mais j'adore les deux films, hein...)
Posté le: Lun Jan 10, 2011 11:31 Sujet du message:
Bah voilà, pourquoi il détaille pas comme ça sur les forums?
Je suis pas d'accord avec ce qu'il dit mais au moins son avis a un minimum de poids comme ça.
Posté le: Lun Jan 10, 2011 12:21 Sujet du message:
Car c'est un tocard qui pense qu'il sera plus "in" si il s'exprime sur facebook. Puis comme ça il drague ses contacts femmes qui s'en foutent un peu du ciné et qui le prennent pour le messie. _________________
Posté le: Lun Jan 10, 2011 12:52 Sujet du message:
Phèdre a écrit:
Car c'est un tocard qui pense qu'il sera plus "in" si il s'exprime sur facebook. Puis comme ça il drague ses contacts femmes qui s'en foutent un peu du ciné et qui le prennent pour le messie.
Posté le: Lun Jan 10, 2011 15:49 Sujet du message:
Pipi a écrit:
et donc la scène où Dorff revient tout seul au Marmont et cuisine des pâtes, ça peut sembler démonstratif, mais je trouve ça très beau, très simple, pas du tout lourd, allez savoir pourquoi...
Ça m'a rappelé une autre scène (plus ou moins le même cadre d'ailleurs). La scène la plus bête et la plus bouleversante du monde: quand Dustin Hoffman prépare des pancakes avec son fils pour la dernière fois dans Kramer contre Kramer. Quand on arrive à te faire pleurer avec des choses prosaïques, au cinéma, c'est que c'est quand même pas mal.
Posté le: Lun Jan 10, 2011 15:53 Sujet du message:
Bite Astrale a écrit:
Ah oui exact. J'avoue avoir pouffé...mais je me suis aussi demandé si c'était vraiment censé être drôle.
Ce qui frappe surtout, c'est que l'ex aurait pu dire ça de façon sincère, en voulant donner un conseil sans chercher à vanner. C'est le genre de réplique qui sort naturellement chez certaines personnes. Ce n'est pas drôle en soi, mais c'est drôlement cruel quand on le replace dans le contexte, à la fin du film. Non que ça fasse forcément l'éloge du bénévolat.
Posté le: Lun Jan 10, 2011 15:54 Sujet du message:
Hello--Kitty a écrit:
Ça m'a rappelé une autre scène (plus ou moins le même cadre d'ailleurs). La scène la plus bête et la plus bouleversante du monde: quand Dustin Hoffman prépare des pancakes avec son fils pour la dernière fois dans Kramer contre Kramer. Quand on arrive à te faire pleurer avec des choses prosaïques, au cinéma, c'est que c'est quand même pas mal.
Grave.
C'est d'ailleurs une des influences de Sofia Coppola, avec "La Barbe à Papa" de Bodganovich.
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