Le Plein pays (Antoine Boutet - 2009)

[Zahad le rouge]

Un homme vit reclus depuis trente ans dans une forêt en France. Il creuse en solitaire de profondes galeries souterraines qu’il orne de gravures archaïques. Elles doivent résister à la catastrophe planétaire annoncée et éclairer, par leurs messages clairvoyants, les futurs habitants.
Le film raconte cette expérience en marge de la société moderne, affectée par la misère humaine et la perte définitive d’un monde parfait.

Extraordinaire miracle que ce film sorte en salles, complètement autre, improbablement beau, quelque chose de Costa-esque, ode artisanale à la DV, au 4/3 et au son direct ; le documentaire qui clôt le bec à la vague de films post-apocalyptiques nuls façon Livre d'Eli ou The Road. À voir tant qu'il est encore temps.
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

[kleber]

C’est malin, je me prépare toute la journée à l’idée difficile d’aller voir La Région centrale le soir, et puis je tombe sur ce message et illico je change d’envie…

Mais je regrette pas, parce qu’effectivement c’est vraiment pas mal : comme une forme dissonante de cinéma direct, qui cherche à toute force (image et son) à préserver l’étrangeté de son personnage — quand les critiques s’efforcent au contraire de le ramener à du connu, Sisyphe, Beckett ou facteur Cheval. Les scènes s’accumulent et, petit à petit, on s’aperçoit qu’on a eu sous les yeux rien d’autre que la genèse d’une œuvre d’art, que des gestes apparemment sans but étaient en fait la part très concrète de la création.

Les plus beaux moments du film sont sans doute ceux où plusieurs régimes de son coexistent, par exemple celui où la voix (difficilement compréhensible) de l’homme accompagne la chanson de Brel et prononce « plein pays » pour « plat pays » : quelque chose comme le rappel que le cinéma, c’est l’impureté, c'est-à-dire ici la superposition. Même chose plus tard, lorsque l’homme enregistre le son de sa radio et que le magnéto le rejoue grésillant…

[Zahad le rouge]

Beau texte, Kleber, je te le pique
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

[Zahad le rouge]

Juste, rapidement, dans les références souvent citées, je suis d'accord avec toi, je vois pas bien ce que ça apporte de parler du Facteur Cheval, c'est presque un contre-sens. Celle qu'on entend d'autres fois, sous la plume de Rehm ou d'Ostria par exemple, avec Artaud me paraît mieux vue... (c'est p-ê aussi parce que j'ai revu récemment Le Procès de Jeanne d'Arc?)
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

[Pipi]

Bonne nouvelle : ça passe ce soir sur Arte à 0h15.
Ce sera sous-titré, je l'enregistre.

PS : la critique télé de télérama est beaucoup mieux que la critique ciné qui est crétine... c'est drôle comme leurs avis n'ont rien à voir.

[Bronislas]

Si jamais je n'arrivais pas à l'enregistrer dans mon trou à rat (Arte étant la seule chaîne que je capte mal là-bas... ), ça t'embêterait de m'en passer la copie ?

[Zahad le rouge]

alors ça, je serais curieux de voir comment ils l'ont sous-titré!
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

[Pipi]

[Zahad le rouge]

"comme des nazes"
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

[Pipi]

[Pipi]

Et sinon, je confirme, c'est un beau film. Aucun jugement sur Massou qu'il aurait été trop facile de filmer comme un personnage excentrique et décalé, une bête de foire, quoi... Le film enregistre vraiment une rencontre, sait prendre son temps, et parvient à capter un peu du mystère qui entoure ce personnage...

[Zahad le rouge]

http://www.cnac-gp.biz/Pompidou/Manifs.nsf/0/E8DDE9E80476CD7AC12577C40043C9C4?OpenDocument&sessionM=2.4.2&L=1&view=

Les repérages (si j'ai bien compris) du nouveau film d'Antoine Boutet seront montrés le 11 janvier prochain à Beaubourg.
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

[Carton]

J’avais pu lire ici où là certains reproches faits au film par ceux qui l’avaient aimé, une mise en scène qui ne tient pas son système, une picturalité des plans de nature un peu ratée, une gestion de la DV pas toujours réussie, des points de montage un peu bancals…
On regarde de ce côté-là peut être parce que le réalisateur est d’abord un plasticien, mais on aurait tort de chercher des poux cosmétiques à ce film qui par ailleurs réussit le principal, sa durée, son rythme et sa distance.
Durée parfaite des plans, rythme évident de l’ensemble, et surtout la juste place qu’il entretient avec Massou, dans une belle proximité tout en maintenant un certain respect pour son intimité, on peut s’approcher près du corps sans jamais être intrusif, sans que jamais la camera ne semble faire violence par sa présence (réussir ça avec un psychotique, c’est pas rien). Ce rapport là, brisé deux fois par un « vous venez avec moi ? » et un « tiens moi ça » (adresses à la caméra surprenantes et très belles), est une des forces du film.
Et si la mise en scène rompt souvent les parti-pris qu’elle paraissait s’être choisis (le son synchro puis désynchro, plans fixes au pied puis en mouvement à l’épaule, disparition de l’opérateur puis affirmation de sa présence, plans longs puis montage plus rapide et varié…), c’est toujours dans une parfaite compréhension de ce qui est filmé, toujours le meilleurs choix face à son sujet à ce moment là, comme une nécessité (y’a bien la magnifique scène du poste de radio qui se retrouve inexplicablement sur-découpée, mais qu’importe). C’est important de sentir que ce n’est pas une mise en scène posée sur un sujet, décidée à l’avance et immuable, mais plutôt une mise en scène dictée par le sujet, une esthétique plutôt que du plastique. Ce qui n’empêche pas le film d’être très cohérent, d’avoir une unité d’ensemble, quelque part entre le documentaire sur un fou et le film post apocalyptique. C’est con de dire ça peut être parce que ce film c’est encore autre chose.

Souvent je me méfie des films sur les fous, on risque la poésie bon marché et l’émotion putassière, où l’on nous montrerait de l'étrange et de la fantaisie là où surtout il y a de la douleur. Moi devant un psychotique ce que je vois d’abord c’est quelqu’un d’aliéné à son délire, un « inconscient à ciel ouvert » qui l’empêche d’être en contact avec le monde. Mais ce qui me touche aussi, c’est de voir les chemins que peut prendre l’humain, ou le vivant, ou ce truc que je ne sais pas nommer qui ressemblerai à un élan vital, une expression ou une énergie, bref cette chose qui prouve qu’« il y a quelqu’un là dedans ».

Le film avance alors petit à petit dans cette direction, d’abord un personnage fermé, qui marmonne des choses incompréhensibles, intouchable, seul, puis petit à petit on s’approche, on découvre sa grande œuvre, et on se met à comprendre ses mots (c’est comme un miracle), son histoire. Le film fonctionne comme une lente découverte du personnage, une progressive approche de quelque chose de puissant chez lui, pieds dans la terre, tête baissée et butée, le paysage immobile et lui qui le travaille, son rapport à la musique (le son du film c’est assez magistral), violons à fond et Aznavour qui gueule, et là c’est quand même une émotion incroyable, quand Brel se met à chanter et lui par dessus tu chiales parce qu’il y a une beauté folle là dedans et à partir de là ça s’arrête plus, la sidération devant la grotte, son message à la petite fille, son désir d’éternité, sa tristesse pour les hommes qui ne font que mourir et les femmes qui ne font que se salir à cause d’eux. A un moment ça prend une ampleur dingue, les forces telluriques, la boue et le cosmos, la fragilité et la force, la fin du monde et lui qui l’enterre, qui creuse son ventre et y inscrit les signes de son existence.

Le miracle c’est aussi que ce film soit sorti au cinéma, et qu’il soit passé à la télé. Ça contredit tous les choix qui sont faits par ailleurs dans la diffusion en France, on peut se dire qu’il y a encore de l’espoir.
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La Quadrature