|
|
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Carton dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
|
Posté le: Sam Nov 27, 2010 18:54 Sujet du message: Les super héros faits par les autres. |
|
|
On peut dire que la culture super-heroïque est une culture dominante en bande dessinée. C’est surtout vrai aux Etats-Unis où les comics de super héros sont la très grosse majorité de la production, c’est un peu vrai en Europe où la production du genre est bien plus faible mais constitue tout de même un référent que personne n’ignore (disons que c’est une référence exotique, qui regarde au fond très peu les auteurs, mais qui est tout de même réelle au niveau du marché).
C’est comme si en bande dessinée il existait deux mondes, celui des super héros, aux codes, à l’univers et à l’économie bien définis, et (pour le dire vite) les auteurs « indépendants » ou « alternatifs », dont les préoccupations n’ont pratiquement rien à voir.
(en francophonie, c’est plus compliqué que ça, la bande dessinée majoritaire de genre étant différente, de Spirou à Largo Winch, mais dans ce topic on va faire comme si ça n’existait pas).
Il n’est donc pas rare que parfois un auteur « marginal » éprouve le désir de se frotter aux super héros, d’en faire sa propre lecture, et les modalités de cette relecture sont assez vastes, de la parodie à l’hommage, en passant par l’exercice de style.
Ici, donc, un topic sur les bande dessinées de super héros réalisées par des auteurs de l’alternatifs, comment ils s’emparent du genre, comment ils le traitent, comment ils s’en servent.
Marvel et DC comme ennemis ou comme support d’autre chose.
Je commence avec ça :
SUPER F*CKERS de James Kochalka, chez Top Shelf.
Kochalka est un auteur américain qui nous a plutôt habitué à des récits autobiographiques évanescents, dans un travail surtout autour de l’anecdote et du minimalisme de la forme et du récit.
Les Petits Riens avant l’heure, racontés petitement, sans virtuosité du dessin, dans une extrême simplicité qui peut dérouter au départ, l’impression qu’il ne se passe rien, mais qui prend sens dans un ensemble plus vaste (un blog, un livre, voire l’œuvre de l’auteur dans sa globalité).
Qu’est ce que Kochalka peut bien faire alors d’un groupe de super héros ?
Super F*ckers raconte la vie d’un groupe d’adolescent aux super pouvoir, en costume, et habitant tous ensemble une base/QG.
Sauf qu’aucune mission ne vient troubler le quotidien, ces héros là n’ont pas d’ennemis, pas d’objectifs hormis celui de jouer à la console ou d’humilier leur camarade. Kochalka installe tous les éléments du genre, costumes, dimension parallèle, lutte de pouvoir, bagarres, mort et résurrection des personnages, sauf que rien de dynamique ou d’épique n’advient, aucune aventure, ces héros là sont avant tout des adolescents laissés à eux même. Et ce désoeuvrement est assez pathétique, drogue, murge, sadisme et vulgarité tout le temps. Bêtise aussi, beaucoup. C’est un portrait de l’adolescence plutôt noir, dont l’humour vient principalement du décalage entre une attitude héroïque que le lecteur est en droit d’attendre et les comportements déplorables qui ont finalement lieu, et aussi entre le trash des situations et des dialogues, et le dessin enfantin aux couleurs flashies.
Et parfois, Kochalka se sert de l’univers fantastique à sa disposition pour faire surgir des moments de grâce et de poésie. Ainsi le personnage Vortex qui ne se sert de son pouvoir sur la réalité que pour capturer un moment précis de son enfance, le mettre en boite et l’observer continuellement avec mélancolie.
Outre la beauté de l’image, c’est aussi un commentaire sur le rapport nostalgique que peut entretenir le lecteur de BD avec les super héros, lecture favorite d’une période bénie et perdue de sa vie.
Plus tard, Vortex se détachera de son enfance pour vivre une histoire d’amour. Passer de l’enfance à l’âge adulte, du geek neurasthénique à un individu mature ouvert sur le monde. Avec ses allures de sitcom outrée et vulgaire, Super F*ckers est une BD plus subtile et sensible qu’elle peut paraître au départ. En cela, c’est bien une œuvre de Kochalka, qui arrive à faire apparaître une émotion et une profondeur avec des moyens a priori réduits et superficiels. _________________ La Quadrature |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Oxyure dans le coma profond
Inscrit le: 08 Fév 2010 Messages: 2623 Localisation: Fortress of PATERNITY, lvl 2
|
Posté le: Sam Nov 27, 2010 22:02 Sujet du message: |
|
|
J'aime Kochalka. Je suis Fan. Je suis un Super-vendu.
Merci pour cet article Carton. _________________ Oxyure. Joue la carte Cow-Boyienne de l'obsession
"Liber sed fidelis" |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Youkali dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1009 Localisation: Presque au bout du monde
|
Posté le: Dim Nov 28, 2010 0:37 Sujet du message: |
|
|
Variante:
I love unicorns! |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Oxyure dans le coma profond
Inscrit le: 08 Fév 2010 Messages: 2623 Localisation: Fortress of PATERNITY, lvl 2
|
Posté le: Dim Nov 28, 2010 0:57 Sujet du message: |
|
|
Un trauma "Mon Petit Poney" pour Youka' ? _________________ Oxyure. Joue la carte Cow-Boyienne de l'obsession
"Liber sed fidelis" |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Youkali dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1009 Localisation: Presque au bout du monde
|
Posté le: Dim Nov 28, 2010 1:21 Sujet du message: |
|
|
Non mais je suis contente, j'ai un nouveau truc à base de licorne à ajouter à ma collec! |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Oxyure dans le coma profond
Inscrit le: 08 Fév 2010 Messages: 2623 Localisation: Fortress of PATERNITY, lvl 2
|
|
Revenir en haut de page |
|
|
Carton dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 12:17 Sujet du message: |
|
|
STRANGE TALES, collectif, chez Marvel.
Les Super héros sont si prédominants aux états unis que la limite entre les majors et l’underground peut se faire poreuse. Et dans les deux sens, après tout Sienkiewicz, Mc Kean ou Mazzucchelli ont commencé en dessinant des super héros, et parfois Marvel ou DC invitent les auteurs indépendants à se pencher sur leurs franchises.
C’est le cas avec cet album collectif, qui réuni des auteurs aussi différents que Jason, Peter Bagge, Kochalka, Tony Millionaire, Jeffrey Brown, Junko Mizumo ou Paul Horschenmeier.
Des « histoires étranges », surtout un étrange objet, dont on ne voit pas bien a priori la finalité et le projet. C’est le flou total au niveau éditorial, ne serait ce que dans le choix des auteurs invités. Certains sont de vrais auteurs alternatifs, publiés dans un circuit commercial parallèle et s’adressant à des lecteurs qui n’ont rien à voir avec ceux des comics de Marvel, mais d’autres sont des auteurs ayant déjà tâté du super héros, comme par exemple cette boursouflure de Paul Pope. Et de quoi s’agit il ? Faire de la parodie ? Un Hommage ? En quoi cela est différent d’une série comme « What If ? », quel avantage à aller chercher des « artistes » alors que Marvel a déjà dans ses placards des pages de Kirby, Ditko, ou Steranko ? Et puis quels critères pour choisir les auteurs invités puisqu’ici les meilleurs côtoient de violents tâcherons ?
L’ensemble voudrait alors nous faire croire qu’il y a d’un côté le mainstream (Marvel dans sa production classique) et de l’autre « tout le reste » (les invités de ce collectif), que ce « reste » serait une bouillie informe où cohabiteraient Tony Millionnaire et une purge du genre de Corey Lewis, ou la platitude d’une Becky Cloonan.
Il n’y aurait alors une échelle de valeur qu’au niveau de l’économie de la production, au niveau de l’industrie t’es in ou t’es out, tout le reste se vaut. Les riches ou les pauvres, le talent n’ayant rien à faire dans l’histoire.
On s’en doutait déjà, mais enfin le cynisme de ce livre fait un peu mal. Le projet de Marvel est très clair, faire du fric, et Strange Tales n’est pas une récréation, un à-côté, il fait bien partie d’un mouvement général qui consiste à occuper toute la place, toute l’étendue du marché, et si d’aventure il existait des crétins de geek à la culture en bande dessinée un peu plus large, voilà enfin un produit qu’il pourront acheter. Une niche du marché vient d’être couverte, bien joué.
On peut alors décider que ce collectif est une saloperie qui ne mérite pas le coup d’œil.
Mais le fait est qu’il y a des gens bien dans la liste des artistes, et dans le détail certaines histoires courtes valent le détour. Vite fait puisqu’il s’agit de récits entre 2 et 4 pages généralement, pas de quoi développer un univers fort ni de franches embardées vers l’inconnu, mais certains valent le détour et s’en sortent bien. Pour la curiosité de quelques essais :
La veuve noire de Matt Kindt :
Le Spiderman de Jason :
Le Wolverine de The Perry Bible Fellowship :
Le Diablo de Paul Hornschemeir (qui reprend aussi L’Homme Molécule, le super vilain qui me fascinait quand j’étais petit) :
Le Dr Strange de Dash Shaw (peut être l’histoire courte qui trouve le plus juste équilibre entre parodie et hommage) :
Et puis au milieu de tout ça, une histoire de 8 pages de Tony Millionnaire sur Iron Man, qui dynamite tout, explose les limites imposées par le genre, semble s’en foutre complètement du personnage et part dans un absurde poétique imprégné d’un univers XIXeme siècle, gravures + Méliès, du n’importe quoi saisissant, beau, déjanté et jubilatoire :
Et Kochalka, qui en trois histoires courtes sur Hulk travaille (très à l’aise) sur l’idiotie du personnage. Comme à son habitude, un sentiment d’abord de futilité, puis au final une vraie émotion, quelque chose comme le tragique de la colère et de l’inaptitude du personnage à comprendre le monde :
A la fin de ce collectif, étrangement, 48 pages signées Peter Bagge, 24 sur Spiderman et 24 sur Hulk. Et là, un vrai truc se passe, Bagge s’empare des personnages et travaille à une vraie relecture, entre cartoon outré et finesse psychologique. Ni caricature ni vraiment une parodie, Bagge imagine le parcours psychologique et affectif de ses personnages sans ricaner, de leur jeunesse jusqu’à leur retraite. Dans l’histoire sur Spiderman, il y a même une certaine mélancolie derrière son trait élastique et son ton humoristique. Une vraie réussite inattendue qui m’a donné envie d’en savoir plus sur son travail.
Un collectif bien putassier, mais qui recèle quelques travaux intéressants. J’invite tous ceux qui sont intéressés à emprunter le livre ou à le voler.
Un tome 2 est édité en ce moment, et il faudra le voler aussi puisque Gilbert Hernandez y participe :
_________________ La Quadrature |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Oxyure dans le coma profond
Inscrit le: 08 Fév 2010 Messages: 2623 Localisation: Fortress of PATERNITY, lvl 2
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 12:45 Sujet du message: |
|
|
Je pourrais te le voler alors ? _________________ Oxyure. Joue la carte Cow-Boyienne de l'obsession
"Liber sed fidelis" |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Carton dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 12:53 Sujet du message: |
|
|
Je te le prête avec plaisir, je sais que les histoires de Bagge t'intéresseront. _________________ La Quadrature |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Oxyure dans le coma profond
Inscrit le: 08 Fév 2010 Messages: 2623 Localisation: Fortress of PATERNITY, lvl 2
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 12:55 Sujet du message: |
|
|
Alors mes chouchoux Bagge et Kochalka ont fini te te convaincre ? _________________ Oxyure. Joue la carte Cow-Boyienne de l'obsession
"Liber sed fidelis" |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Bite Astrale dans le coma profond
Inscrit le: 02 Mar 2010 Messages: 1063
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 13:08 Sujet du message: |
|
|
Lol pour le Gurewitch. |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Carton dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 13:11 Sujet du message: |
|
|
Oxyure a écrit: | Alors mes chouchoux Bagge et Kochalka ont fini te te convaincre ? |
Petit à petit, j'y viens. _________________ La Quadrature |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Carton dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
|
Posté le: Mer Déc 01, 2010 13:13 Sujet du message: |
|
|
Bite Astrale a écrit: | Lol pour le Gurewitch. |
Oui, c'est celui qui réussit le mieux la parodie, et c'est très proche de ce qu'il fait par ailleurs.
Y'a une deuxième planche sur hulk, moins bien. _________________ La Quadrature |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Carton dans le coma profond
Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
|
Posté le: Mer Déc 15, 2010 18:07 Sujet du message: |
|
|
TI-GIRLS ADVENTURES (Love & Rockets new stories, n°1 et 2), de Jaime Hernandez, chez Fantagraphic Books
Dans la fratrie Hernandez, je parle peu de Jaime. D’abord parce que je trouve son univers moins fort, moins troublant que celui de Gilbert, et que ses récit articulent un rapport au réel assez binaire, c'est-à-dire un monde quotidien parfois troué de surnaturel et de super héros, sans qu’aucun trouble ne survienne, sans qu’on ait le sentiment que quelque chose bascule (alors que chez Gilbert, le fantastique et la science fiction font toujours apparaître quelque chose de l’ordre du cauchemar ou de la folie, une zone d’ombre qui est aussi la promesse d’un bouleversement si on y plonge).
Les frère Hernandez ont entrepris de sortir une nouvelle série Love & Rockets, à raison d’un épais fascicule tous les ans. Et dans les deux premiers numéros, Jaime se lance dans une histoire strictement super-héroïque.
C’est à la fois une évidence, puisque les deux frères ont toujours flirté avec le genre, et un étonnement de voir Jaime plonger totalement dans le super héros alors même que lui et son frère ont dû se battre contre pour trouver une place éditoriale au début des années 80. On peut se dire que Jaime avait trouvé une distance, un frôlement avec le collant en lycra qui fonctionnait bien, pourquoi basculer maintenant ? et surtout comment se fait ce basculement ?
Rien à faire, dès qu’on aborde ce genre de récit, on se place forcément par rapport à l’industrie et aux canons DC/Marvel, et on se plie forcément à une lecture qui se fera à travers le prisme de ces canons, quels décalages et quels hommages, quels références, quels concessions ou transgressions…
La réussite la plus flagrante de Jaime, c’est justement de n’être que très peu tributaire des conventions. On peut compter quelques couvertures/pastiches de comics, là un personnage qui fait penser à Batman/The Shadow, ici un savant fou ou un double maléfique, et c’est presque tout. Jaime ne joue pas au plus malin pourtant, il enchaîne les scènes de baston ou de poursuite, ajoute une pincée de post-modernisme à la mode, il fait bel et bien du comics de super héros, et pourtant c’est autre chose qui se passe. D’abord, encore une fois, c’est un monde qui semble être dominé par les femmes, seuls super-héros présents dans son récit. Et puis, c’est surtout le récit d’une femme qui devient folle après la perte de son enfant, et d’un groupe d’amies qui se retrouvent pour l’aider. Il n’y aura finalement aucun autre ressort à cette histoire, pas d’autre enjeu, que celui des relations de ces femmes entre elles, les vieilles amitié et celles naissantes. La narration elle aussi s’affranchit du genre, plutôt portée vers un léger absurde poétique que vers un esprit d’aventure ou d’action.
Jaime est donc très à l’aise dans ce cadre qu’il s’est choisi, et développe un récit pas très différent de ce qu’il fait habituellement, profitant de l’occasion pour souligner des métaphores et des rapports surréalistes (un bébé qui tient dans la paume d’une main, un bras gauche qu’on laisse à regret), et pour déployer son style graphique très classe, avec de jolis noirs. Il réussi à maintenir un certaine distance, jamais parodique ou ironique, plutôt amusée en fait, dont ressort une liberté tranquille, et une certaine humilité. Jaime se place à coté du comics de super héros, ni avec ni contre donc.
Ça fonctionne comme une récréation, un exercice casse gueule qui réussi à garder un équilibre fragile et assez beau. Et ça ne dure que sur les deux premiers numéros, preuve que Jaime a conscience de la limite du projet et qu’il faut à un moment passer à autre chose. _________________ La Quadrature |
|
Revenir en haut de page |
|
|
Zahad le rouge dans le coma profond
Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 1968
|
Posté le: Jeu Déc 16, 2010 9:04 Sujet du message: |
|
|
tu vois que tu ne m'as pas prêté tous les love and rockets! _________________ "Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses." |
|
Revenir en haut de page |
|
|
|
|
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum
|
|