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Carton dans le coma profond

Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
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Posté le: Mar Avr 05, 2011 17:14 Sujet du message: The Way Back (Peter Weir, 2011) |
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A un moment dans Masters and Commanders, les marins stoppent leur poursuite du bateau ennemi pour débarquer le docteur souffrant sur une île pleine d’iguanes. Le film se met en pause, on reprend des forces, on oublie l’impératif guerrier pour seulement prendre du bon temps entre amis. Ce moment de vacance est le plus beau du film, où Weir, comme le personnage principal, se permet de stopper la logique de la course pour recentrer son attention sur les rapports entre les hommes, et surtout sur des sentiments et les gestes qu’ils peuvent avoir les uns pour les autres. Douceur et amour là où on ne les attendait pas, le militaire bourru fait soudainement preuve de finesse et de tendresse.
Dans The Way Back (le titre français est trop con), Weir fait du principe de cette scène tout le projet de son film. Soit un groupe d’hommes, dans un camp en Sibérie durant la guerre. Ils s’échappent, et se mettent à parcourir des centaines de kilomètres à pied pour pouvoir enfin trouver un territoire qui ne soit pas communiste ou nazi. Ça part sur un air bien connu, la nature est hostile, et la survie a ses propres règles (« kindness can kill you »). Quand la nana débarque de nulle part, on se dit évidemment qu’elle va se faire violer, parce que les hommes sont comme ça, surtout parce que les scénario de ce genre de films sont comme ça, et que le propos est toujours de montrer jusqu’où on peut aller pour survivre, jusqu’à quelle sauvagerie on peut descendre dans ces circonstances.
Sauf que Weir s’en fout du film de survie, lui il fait un film sur la bonté.
C’est hyper casse gueule sur le papier, et c’est toute la grandeur du film de réussir à travailler sur des choses aussi compliquées et potentiellement cucul que l’empathie, la gentillesse, la solidarité.
L’équilibre que Weir arrive à trouver, c’est de ne pas aller vers la spiritualité ou la religion, il n’est pas question d’âme, de rédemption, de foi ; ni d’aller vers une animalité de l’homme, dans une situation où ne compterait que le corps et l’instinct. Il s’agit plutôt d’un état, d’une disposition de l’homme donnée comme un fait, une modalité d’être au monde. Weir ne questionne pas la bonté, il la montre de la manière la plus douce et la plus fine possible, par petites touches, presque de manière abstraite.
D’abord dans un principe de retranchement. Il retranche de son film toute idée de lutte interne, de rapport de force, il refuse le spectaculaire de la survie, nous donne la fin du film dès le départ et réduit le plus possible les péripéties de son scénario jusqu’à s’approcher d’une épure, un groupe marche dans une nature immense, et c’est tout.
Il retranche aussi la psychologie. On ne sait que peut de choses des personnages, ce qu’ils pensent. Ce ne sont pas tant des archétypes (les caractérisations sont faibles, voire inexistantes) que des personnages dont on n’effleure qu’une surface, quelques mots, quelques données, et c’est bien suffisant. Du coup pas de révélation, pas de grand retournement ou d’évolution des individus, mais l’installation d’un visage, d’une attitude, d’une souplesse aussi.
Weir retranche enfin ce qui semble être le principal dans un film de survie : il enlève petit à petit le corps, la douleur, le viscéral. Les blessures sont bien là, la faim, la soif et l’épuisement, mais comme une donnée, jamais vraiment prise en charge par la mise en scène qui se désintéresse de tout dolorisme ou d’une valorisation de l’effort physique (étonnant pour le récit d’un tel exploit). C’est d’ailleurs presque toute idée de réel qui disparaît, le monde est un paysage et le temps est à la fois une dilatation et une compression (les ellipses sont toutes magnifiques, à la fois heurtée et complètement fluides).
Après avoir retranché, Weir met en relief ce qui reste. Au bout d’un moment, le film ne raconte que l’apparition du lien entre les personnages, d’un état solidaire qui s’est installé entre eux mine de rien, sans démonstration, presque sans réelle progression. Arrive un moment du film où les personnages sont unis dans un même mouvement, une même compréhension de leur situation, un même regard sur le monde. C’est alors cette scène incroyable dans le désert, comme une ballade d’anglais en vacances, d’une douceur inouïe, étonnamment émouvante. La beauté de ça innerve tout le film finalement, il n’arrivera rien d’autre que l’union et l’empathie, et le geste du réalisateur à la fois gratuit, libre et évident. The Way Back a travaillé à installer quelque chose d’apaisé et de tendre dans un film qui raconte la lutte et l’obstination, une douceur surprenante qui fait que les larmes furtives de Ed Harris quand on lui lave les pieds ou la marche finale à travers l’histoire évitent la lourdeur et le ridicule pour toucher à quelque chose de bouleversant. _________________ La Quadrature |
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Zahad le rouge dans le coma profond

Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 1968
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Posté le: Mar Juin 28, 2011 1:55 Sujet du message: |
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Complètement d'accord, il y a une douceur, un humanisme, une bonté immenses dans ce film, je lisais sur le forum maudit un crétin regretter qu'il n'y ait pas d'engueulades et puis pas de viol non plus. Plus loin, un lapsus lui faisait écrire que le film manquait de cohésion, il voulait bien sûr écrire cohérence ; car la cohésion du groupe, au contraire, est le plus beau du film.
C'est autre chose que le Skolimowski, pour sûr!
(merci pour ton post, Toncar, je n'aurais jamais tenté le coup, sinon) _________________ "Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses." |
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Carton dans le coma profond

Inscrit le: 09 Fév 2010 Messages: 1952
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Posté le: Mer Juin 29, 2011 17:35 Sujet du message: |
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Et bin je suis bien content qu'on se retrouve là dessus. A lire les textes ailleurs, je me demandais si j'avais rêvé le film que j'avais vu. _________________ La Quadrature |
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