Cinéma du réel 2011

kleber · dans le coma profond Inscrit le: 07 Nov 2010 Messages: 212

Le programme est absolument dément : des rushes (je crois) de Pierre Clémenti, un Brakhage rare, un Welles « invisible », un Cartier-Bresson sur la guerre d’Espagne, 32 short films about Glenn Gould, Leighton Pierce, les derniers Mekas et Wilkerson, des docs américains contestataires, etc, de loin le meilleur festival en France :

Spoiler:

J'ai mis en gras ce que j'essaierai de voir, si vous avez des suggestions allez-y. Conufs, je t'ai pas dit, mais le film des deux japonais dont tu m'avais parlé (section 'Hors Pistes') était pas mal du tout.

Le programme détaillé : http://www.cinemadureel.org/IMG/pdf/DP_cinema_du_reel_2011-2.pdf

Hello--Kitty · dans le coma profond Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053

kleber · dans le coma profond Inscrit le: 07 Nov 2010 Messages: 212

Pour cause de programmation "Musique et cinéma".

Merci, je rajoute au programme. Tu l'aurais vu, par hasard, le film de Clarisse Hahn, Kurdish Lover ?

Hello--Kitty · Posté le: Dim Mar 06, 2011 7:31 Sujet du message:

kleber · dans le coma profond Inscrit le: 07 Nov 2010 Messages: 212

kleber · dans le coma profond Inscrit le: 07 Nov 2010 Messages: 212

Notes rapides sur quelques films, c’est parfois un peu nébuleux :

Aux rêveurs tous les atouts dans votre jeu – Mehdi Benallal

Des surréalistes auxquels il emprunte son titre (ça vient de Ralentir travaux), Benallal a peut-être hérité la poétique de l’union libre, de l’image immotivée – du hasard objectif. Les plans du dehors, autour d’un aqueduc, où les hommes ne forment que l’arrière-fond, alternent avec ceux du dedans, plans fixes d’intérieurs où quatre ami(e)s racontent chacun un de leurs rêves. Union libre, parce qu’entre ces deux régimes de plan il n’y a de lien que celui que chacun veut bien tisser ; l’aqueduc, avec ses courbes, ses droites et ses ouvertures, figure idéalement les dérives de la pensée dans les interstices creusées par le montage. Bel emblème de circonstance, aussi bien, pour utopies rêveuses refusant de se couper du monde. Mallarmé : Mais, chez qui du rêve se dore / Tristement dort une mandore / Au creux néant musicien // Telle que vers quelque fenêtre / Selon nul ventre que le sien, / Filial on aurait pu naître.

A Child’s Garden and the Serious Sea – Stan Brakhage

Brakhage est le seul cinéaste que je connaisse dont chaque film réinvente le monde. Oui oui. Tout simplement. Et qui donne envie d’être lyrique. Il y a donc peu à dire qui n’amenuise pas cette évidence de la sensation retrouvée. Juste : 1) Brakhage ne filme pas la mer parce que c’est joli ou poétique, mais pour capter des nuances de bleu, de noir et de mouvement qui ne se trouvent que là et uniquement à ce moment donné. Cf. infra pour exemple inverse. 2) Si la mise en scène est un art de l’architecture, alors Brakhage est le metteur en scène ultime, puisque nul ne sait comme lui relier les formes, moduler les couleurs, bref : orchestrer des étincelles de hasard.

An Essay on Death : A Memorial to John F. Kennedy – Leo Hurwitz

Aurais-je manqué de sommeil la nuit dernière (moustiques, et voisins nymphomanes) ? Parce que c'est franchement pas terrible, et ça ne fait que mieux ressortir tout ce qui fait le prix de Brakhage. La voix off bande les muscles, crédite Rilke, Bergson, des tas d’autres, mais c’est dit sur un ton si pontifiant, ça retient de ses modèles des conclusions si niaises (tempus fugit mon bon monsieur, nous sommes bien peu de choses ma bonne dame, et par ailleurs vous a-t-on signalé que vivre c’est apprendre à mourir ?) – que bien vite on ne l’écoute plus. Côté images, Hurwitz confond, c’est répandu, poésie et scoutisme. Lorsque, las d’interroger les mystères de l’univers infini (ah, ces étoiles : mortes, qui sait, quand nous les regardons – ce genre de poncifs, obsolètes de naissance), il incline vers le microcosme ses yeux de grand poète, c’est pour s’attendrir béatement sur une biche ou un hérisson (la salle de se pâmer) ; et lorsqu’un père se penche sur son fils pour le libérer d’une aiguille laissée là par la bestiole susnommée, le film ne fait même plus d’efforts pour masquer de rhétorique sa vraie nature de réclame griffée Baden-Powell.

Pipi · dans le coma profond Inscrit le: 11 Mar 2010 Messages: 829

J'ai l'intention d'y aller mais quels sont les incontournables?

Conufs · Posté le: Lun Mar 28, 2011 16:04 Sujet du message:

(Décevant El Sicario, Room 164 de Gianfranco Rosi)

Hormis ceux déjà cités part Kleber, je conseille celui de Ben Rivers* , à savoir Slow Action.

(je ne connais pas les autres)

*

Spoiler:

kleber · dans le coma profond Inscrit le: 07 Nov 2010 Messages: 212

Pour les films nouveaux, j'attends surtout le Mekas et celui de Travis Wilkerson (spécialiste de Santiago Alvarez, et par ailleurs auteur de An Injury to One, qui m'avait pas mal soufflé l'an dernier à ce même festival, un docu sur l'écrasement du syndicalisme de gauche aux USA dans les années 10-20, mis en relation avec les "métamorphoses du paysage", filiation un peu Straub-Huillet/Benning, en plus explicitement politique. Dis comme ça c'est pas très bandant, mais c'était vraiment un film très attentif à une certaine matérialité du souvenir, avec des chansons ouvrières qui remplissaient le cadre, bref...)

Et vendredi, 16h, ils passent le film la poétesse iranienne Forough Farrokhzad, La Maison est rouge, que je vais donc découvrir et qui je crois vaut vraiment le coup.

Zahad le rouge

J'ai peut-être une tête de cochon mais pour l'instant, le Réel ne m'épate pas. J'ai vu beaucoup de films résumables à leur principe, à leur concept, à leur fermeture en somme, assez étonnante tout de même pour un cinéma censément ouvert sur le monde. Ce que j'ai vu pour l'instant reste en effet assez clos, Me llamo Roberto Delgado en est l'archétype, portrait d'un type et d'un quartier via sa géolocalisation Google Street View, film exaspérant, qui m'a laissé dans une dépression telle que j'ai eu du mal à aborder le reste. Son petit frère Me llamo Peng, par exemple, qu'Independencia a adoré mais qui ne m'a pas sorti de cette impression gluante d'un enfermement du monde dans le cadre, plutôt que d'une libération d'icelui sur l'écran.

D'où que le Dumora (cf ici : http://enculture.free.fr/viewtopic.php?t=720&highlight= )m'a été d'un grand bol d'air. A ses meilleurs moments, le Dumora déborde du monde et ne s'en étouffe pas. J'y rattacherai I Cani abbaiano, court métrage certes systématique, mais ouvert, pas incroyable, mais qui dépasse sur la durée son système de ping-pong entre deux semi-clochards voisins. Et pour l'instant pas grand chose d'autre.

Coming Attractions m'amuse, pas très longtemps, m'agace vite, ne va nulle part ailleurs que son expérimentation très limitée, du Tcherkassky en petite forme, sans malaise, aimable comme tout.

Avec toute l'estime que j'ai pour Mehdi Benallal, dont j'adorais le blog, son Aux rêveurs tous les atouts dans votre jeu m'intéresse limite plus pour sa portion congrue que pour son principe de narration un brin précieuse de rêves. Très vite, le système est dévoilé, et très sincèrement, très vite je m'ennuie, ça ne m'intéresse pas, je ne les écoute plus. M'intriguent bien davantage les plans de l'aqueduc, l'incongruité de leur présence, l'étrangeté de leur place dans le montage. Là je suis troublé, là le monde m'appelle et brise mon confort, mon ronron de visionnage, là je me demande ce que je regarde.

Le reste du temps, je sais un peu trop ce que je vois, et c'est davantage le cinéaste qui s'applique que le monde qu'il travaille à montrer.

Bon il faudrait que je ne voie pas que les courts aussi, mais le temps me manque...
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"Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."

kleber · dans le coma profond Inscrit le: 07 Nov 2010 Messages: 212

J'ai pas trop suivi la compétition. De ce que j'ai vu, je pense la même chose de Roberto Delgado, et le Wilkerson (qui le suivait) m'a déçu, ou plutôt agacé, disons que l'ironie, la distanciation, m'ont semblé des moyens un peu faciles de pas trop prendre parti devant ce qu'il filmait - qui en attendait un, de parti. Impression désagréable d'un film "non-dupe" aux effets de petit malin (mais les bandes filmées par les GI sont fascinantes, terrifiantes).

I Cani abbaiano, je crois que je me suis braqué d'entrée devant ce que j'identifiais à un académisme international, celui qui filme en plan-séquence des gens taiseux et solitaires, croyant sans doute que c'est plus authentique. Le film de Pazienza est assez drôle, tourne en rond (mais c'est son sujet), trace de jolies arabesques sur le deuil, le vide, la disparition, et l'amitié dans tout ça, bon, Jacques Sojcher a des chemises aussi classes que les miennes mais plus de chapeaux, etc., c'est très honorable mais franchement inoffensif.

Coming Attractions, je trouve ça magnifique dans sa première moitié, beaucoup moins dans la seconde, plus paresseuse, notamment la scène de saxo et la dernière (qui convoque l'acteur de Pasolini). Par comparaison, le film de Ben Rivers est beaucoup plus généreux et son principe (= ethnologie fictionnelle post-apocalyptique, pour ceux qui ne l'ont pas vu) me touche plus, la voix off est très belle dans ses hésitations entre jeu et sérieux, mais j'ai l'impression d'être un peu passé à côté pour cause de fatigue et public de lycéens casse-burnes.

Le plus beau film que j'ai vu pour l'instant, c'est le Brakhage ; le dernier Mekas est plus sympathique qu'impressionnant, parfois magnifique et parfois très chiant (impression de défilé people), aux images assez banalisées par le numérique mais qui, du coup, y gagne une immédiateté appréciable dans la description, devenue synchrone aux images. Ça fonctionne au microrécit, à la surprise, comme les haikus sur cartons qui rythment le film, comme l'escargot sur le Mont Fuji, trivial et sublime.

Zahad le rouge

Kleber, tu as un mp Wink

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Zahad le rouge

Le Ben Rivers est intéressant et ambitieux, mais je n'aime pas sa manière, sa bande-son toute puissante qui impose et en impose, qui surconstruit, sa froideur théorique, sa distanciation tendant au cynisme. La tentative m'intrigue mais le film ne passe pas.
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Zahad le rouge

The Last Buffalo Hunt : spectaculosse aisé porté-zoomé de la chasse et du gore, ironie triste de la fin du monde naturel, voix off qui file en passant, interviews à l'épaule. Si j'en viens à décortiquer comme ça, c'est que je m'ennuie devant tant de platitude entendue et parfois complaisante...
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Zahad le rouge

Palazzo delle aquile, le Grand Prix de ce festival, est un formidable marathon documentaire de 2h, plus beau morceau de bravoure arraché au cinéma direct que j'aie pu voir au Réel cette année, Grand Prix mérité, donc.

Film d'action politique, trépidant, sans cesse surprenant dans sa complexité et sa qualité d'observation, et son extrême tenue esthétique (photo brun bronze superbe, utilisation impressionnante du 16/9 dans des plans à l'épaule composés pour le rectangle...).

Au plus on peut lui reprocher une pratique du plan de coupe superfétatoire, mais devant l'ampleur du projet du film, je lui pardonne aisément.

Je souscris à ce qui se lit à son propos sur ce blog, écrit par je ne sais qui : http://fromafog.blogspot.com/2011/03/cinema-du-reel-jour-2-new-castle-de-guo.html
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