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Mystère Orange dans le coma profond

Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 486
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Posté le: Lun Mar 14, 2011 1:25 Sujet du message: Une hache pour la lune de miel (Mario Bava, 1970) |
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Un nouveau concurrent au ZéroRéponseThon.
D'après la faible connaissance que j'ai du giallo, il m'a semblé pour l'instant, d'après les quelques film de Bava que j'ai vu que ce genre dont il est l'initiateur était pour lui le cadre prétexte idéal pour expérimenter cinématographiquement sur des émotions propres au thriller fantastique. Il n'y a qu'à voir les titres de certains films du cinéaste, qui contiennent le terme générique de ce qu'ils explorent (Opération peur, Les Trois visages de la peur qui sont des études directes sur le sentiment de peur au cinéma- et qui connaît une forme d'aboutissement dans le troisième segment de ce dernier). Ici, comme l'indique plus clairement le titre original italien (sous lequel était présenté le film à la cinémathèque bien qu'il était projeté en version anglaise!), Il Rosso segno della follia, avec l'accent s'il vous plaît, Bava explorera plus spécifiquement la folie cinématographique, ce qui donnera lieu à plein de joyeusetés baroques succulentes.
Donc exceptionnellement, dans ce giallo-ci, nous évoluons durant la totalité du film sous le point de vue d'un tueur psychopathe et fier de l'être comme il le dit lui même dans une voix-off étonnamment bien écrite et très drôle en début de film. Il ne peut s'empêcher de massacrer les jeunes femmes sur le point de se marier ce qui malgré la source évidente de plaisir lui fait se poser quelques questions sur l'origine du trouble qu'il cherchera à coup de meurtres (qui lui rendent petit à petit la mémoire sur l'évènement traumatique déclencheur dans son enfance) à expliquer.
Et ça démarre sur les chapeaux de roue avec un sublime meurtre très inquiétant dans un train, où l'on sent déjà poindre la folie formelle dans laquelle baignera tout le film, coupes rythmique dans l'axe qui suivent la musique (par ailleurs formidable mais j'y reviendrai), suspens hitchcockien et l'on remarquera la présence très angoissante d'un petit garçon blond qui viendra souvent hanter l'anti-héros de manière très passive (donc d'autant plus inquiétante), simple réminiscence de son passé (le garçon, c'est lui). La folie du personnage est en fait strictement égale à celle de la mise en scène car il semble en être le seul point de direction.
On aura ainsi moults zooms obsessionnels, une utilisation subjective de la musique, qui alterne entre deux thèmes, l'un angoissant et l'autre dramatique, l'un se succédant à l'autre quitte à faire éprouver des sentiments contradictoires au sein d'un même plan (je pense en particulier à la scène où le tueur amène une de ses victimes fraîchement abattue à son four crématoire personnel et où la musique dramatique a priori dissociée lui confère une atmosphère mélancolique absolument bouleversante).
La photographie voit tout rouge (comme indiqué dans le titre original encore une fois) ce qui, même si ce n'est pas le travail photographique le plus élaboré de Bava, a le mérite de coller parfaitement à la monomanie de son personnage, et l'utilisation du grand angle est terrifiante, car utilisé avant tout pour ses déformations de perspectives (et là encore je pense à une scène en particulier, où notre psychopathe évolue dans la pénombre de sa salle secrète où sont disposées ses plus belles robes de mariées sur des mannequins-car il dirige une franchise de haute-couture matrimoniale-son visage filmé en gros plans durant de très longues minutes passant de mannequin en mannequin jusqu'à ce que la coupe brutale découvre la salle complête donnant l'impression d'une véritable invasion de mariées qui par leur position et les déformations prend un atour franchement angoissant).
En fait dans la première partie du film, le psychopathe semble avoir un contrôle parfait de sa folie et de fait, Bava joue avec nous à travers lui-cf la scène racontée juste avant- avec une jouissance, malgré les failles qui menacent de s'ouvrir à tout moment, complêtement partagée (il n'y a qu'à voir ce moment hallucinant où le tueur répond à l'inspecteur chargé de l'enquête des meurtres que si dans sa serre les plantes poussent si bien c'est par qu'il y met le bon engrais-et pour cause il y disperse les cendres de ses victimes!).
Seulement les failles finiront par s'ouvrir suite au meurtre de trop (lui aussi sublime grâce notamment à un champ contrechamp sur les reflets de l'unique lame du hachoir du tueur, qui non seulement permet de cacher le travestissement du personnage mais donne une idée tout à fait poétique puisque le champ contrechamp s'arrête, la coupe s'opère quand l'objet est saisi pour trancher la victime, comme si le hachoir coupait la pellicule!), ou du moins de la mauvaise personne puisque c'est celle qui lui permettait de cadrer sa folie, et à partir de ce moment là, le film tombe de plus en plus dans la perte de contrôle et se permet absolument toutes les folies, qu'à présent le tueur subira. Ainsi la femme viendra le hanter mais d'une manière totalement inhabituelle puisque contrairement à la coutume ce sont les autres personnes et pas lui qui la verront, ce qui donne lieu à tout un tas de situations très cocasses et étranges puisque il n'est alors plus jamais seul, mais seulement aux yeux des autres! C'est la folie du film qui devient persécutrice du personnage. Il y a une scène assez représentative de ce changement de point de vue, ou du moins du rapport de force quant à la maitrise des éléments de la mise en scène. Le serial-killer dans sa chambre d'enfant intacte (où les jouets semblent possédés-d'ailleurs je crois avoir apperçu le singe fou joueur de cymbales si cher à Conufs!) remonte sa boîte à musique dont nous avons déjà entendu le son auparavant, qui joue alors le thème du film, on se dit qu'il s'agit du révélateur de la subjectivité musicale dont j'ai déjà parlé, sauf qu'en fait, et après que la femme qui tente de le séduire soit entrée dans sa chambre (d'ailleurs cette femme, dans la deuxième partie entre et sort de chez lui comme dans un moulin, bizarre!), nous nous apercevons que c'était un disque qui la jouait, disque qui s'enraye, bloqué sur les mêmes notes alors que la fille lui a mis le grappin dessus.
Le rythme du film devient aussi beaucoup plus chaotique (ce qui fait que cette partie est moins confortable à regarder), les liens narratifs sont de plus en plus flous, tout semble mener à un deux ex machina tentant d'enfermer entre ses griffes le tueur désormais victime du film qu'il semblait contrôler (et c'est drôle comme Bava met sa position en avant en n'hésitant pas à s'auto-citer, le personnage visionnant Les Trois visages de la peur à la télévision, qui sera pour lui un cadeau empoisonné, un faux-alibi orchestré sans aucun doute par Bava lui même!).
Bref vous l'aurez compris, sous ses aspects de série B baroque de qualité se cache en fait une vraie réflexion très approfondie sur la subjectivité au cinéma, sur la question du point de vue tant perceptive (visuelle et sonore) que narrative, ainsi que sur le pouvoir du grand imagier cinéaste sur la conscience de ses personnages et des spectateurs.
Et tout ça avec beaucoup d'humour et de sensibilité moi je dis: Grand film!
Maintenant que je me relis j'ai l'impression d'avoir passé mon temps à décrire des scènes, mais il y a tellement de choses exquises qu'il était difficile de résister! |
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Kuni l'hungus dans le coma profond

Inscrit le: 10 Fév 2010 Messages: 1789 Localisation: A votre avis? Enfin si je le trouve.
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Posté le: Lun Mar 14, 2011 20:37 Sujet du message: |
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Superbe film! Je suis d'autant plus gêné de répondre ou de ne pas répondre à cette bonne ouverture de sujet que j'ai voulu le lancer en Octobre dernier, et maintenant, je sais plus trop ce que j'aurais à dire. Si ce n'est que le parti pris est intéressant et bien traité, que l'immersion est bien plus forte que dans tous les machins acutels quiessaient pourtant de jouer sur cette corde là, que le travail sur la peur entre le pathologque et le mystique est, comme dans les meilleurs films de Bava, préciésment et exactement situé, ce qui s'illustre aussi bien dans l'écriture que dans chaque coupe, contre champ, ou rupture cinétique (à noter la sublime scène d'ouverture montant deux travellings entrecoupés, si mes souvenirs sont bons). Quand à l'apect giallique, l'enquête en elle-même, elle est milimétrée, le rythme et l'écriture étant encore une fois parfaits.
L'entrée dans le délire est soutenue jusque dans le décor, et à côté, ertains éléments (comme l'épouse) nous font le mélanger aux éléments les plus mystiques. Donc compostion absuolue de chaque plan, de chaque cadre, de chaque mouvement, et de chaque élément de décor pour nous faire entrer dans un cadre véritablement dérangeant.
Voilà, tout cela est très banal, et peu précis, mais c'est une vision de 6 mois. Et après tout, j'en ai fait pas mal pour un zéro-réponse-thonable. Bien placé dans mon top Bava.
Aliéné/6 _________________ Independent Film!! You know it's like killing babies. [...] If you kill babies and you don't believe in it then that's bad. [...] You know, if you are killing babies and you believe in it, then you are doing something you believe in. |
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Mystère Orange dans le coma profond

Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 486
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Posté le: Mar Mar 15, 2011 5:07 Sujet du message: |
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Kuni l'hungus a écrit: |
L'entrée dans le délire est soutenue jusque dans le décor, et à côté, ertains éléments (comme l'épouse) nous font le mélanger aux éléments les plus mystiques. |
C'est vrai que l'introduction du mysticisme est très intéressante dans ce film parce qu'entremêlé à la folie il perce sous des jours inédits (notamment dans la manière dont le fantôme vient le hanter comme j'en parlais dans mon premier message). Et comment ne pas parler de ce travelling sublimissime qui fait passer le personnage de mannequin en mannequin dans la salle consacrée à sa folie à un tout autre lieu et un tout autre temps puisqu'en fin de mouvement de caméra il prend place dans le public de la séance de mysticisme de sa femme (et ce travelling arrive juste après le plan large terrifiant dont j'ai aussi déjà parlé ce qui accentue encore le trouble).
C'est vraiment très représentatif de la parfaite alchimie entre les genres (ou devrais-je dire tonalités?), et du naturel de leur imbrication, on passe en un plan, en un mouvement de caméra à deux atmosphères très différentes.
Bref je crois que c'est ce que j'ai préféré de Bava jusqu'à présent avec le dernier segment des Trois Visages de la peur. |
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Kuni l'hungus dans le coma profond

Inscrit le: 10 Fév 2010 Messages: 1789 Localisation: A votre avis? Enfin si je le trouve.
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Posté le: Jeu Avr 14, 2011 17:28 Sujet du message: |
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Mystère Orange a écrit: | Kuni l'hungus a écrit: |
L'entrée dans le délire est soutenue jusque dans le décor, et à côté, ertains éléments (comme l'épouse) nous font le mélanger aux éléments les plus mystiques. |
C'est vrai que l'introduction du mysticisme est très intéressante dans ce film parce qu'entremêlé à la folie il perce sous des jours inédits (notamment dans la manière dont le fantôme vient le hanter comme j'en parlais dans mon premier message). Et comment ne pas parler de ce travelling sublimissime qui fait passer le personnage de mannequin en mannequin dans la salle consacrée à sa folie à un tout autre lieu et un tout autre temps puisqu'en fin de mouvement de caméra il prend place dans le public de la séance de mysticisme de sa femme (et ce travelling arrive juste après le plan large terrifiant dont j'ai aussi déjà parlé ce qui accentue encore le trouble).
C'est vraiment très représentatif de la parfaite alchimie entre les genres (ou devrais-je dire tonalités?), et du naturel de leur imbrication, on passe en un plan, en un mouvement de caméra à deux atmosphères très différentes.
Bref je crois que c'est ce que j'ai préféré de Bava jusqu'à présent avec le dernier segment des Trois Visages de la peur. |
En même temps,dans les deux cas, c'est la même chose en jeu, c'est une des caractéristiques de Bava, de naturaliser ce mysticisme, ou plutôt de les laisser aller complètement en parallèle, sans les séparer, sans les rapprocher, de jouer sur les deux tableaux à la fois, l'air de dire, "finalement, c'est la même chose", ou plutôt, "finalement, c'est pas le problème, l'important, c'est ce qu'il y a là". Du coup, on passe d'un plan à l'autre, on multiplie le même effet, on considère l'événement dans toute sa richesse. Le passage que tu décris me fait penser au dernier plan de La goutte d'eau, avec la surimpression sur la main de la vieille, qui disparaît d'un coup.
Du coup, c'est un des meilleurs bava, oui, même si je trouve que tout est résumé dans un plan de la goutte. En même temps, ce plan ne serait peut-être pas si riche sil n'avait pu donner tout ça. _________________ Independent Film!! You know it's like killing babies. [...] If you kill babies and you don't believe in it then that's bad. [...] You know, if you are killing babies and you believe in it, then you are doing something you believe in. |
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