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Les super héros faits par les autres.
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Oxyure
dans le coma profond


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MessagePosté le: Jeu Déc 16, 2010 10:59    Sujet du message: Répondre en citant

Zahad le rouge a écrit:
tu vois que tu ne m'as pas prêté tous les love and rockets!


Carton est un scandale !

Il prête pas !!!
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Oxyure. Joue la carte Cow-Boyienn​e de l'obsession

"Liber sed fidelis"
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Oxyure
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MessagePosté le: Sam Avr 23, 2011 16:35    Sujet du message: Répondre en citant

Cartographie des Super Pouvoirs :

Spoiler:


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Carton
dans le coma profond


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MessagePosté le: Dim Mai 15, 2011 16:31    Sujet du message: Répondre en citant

Pour un auteur français, c’est presque parler une langue étrangère que de faire une bande dessinée de super héros. Le comic super-héroïque est un genre typiquement US, dans son regard sur la nation, sa mythologie de l’individuel et de la collectivité, ses décors, son idée de la puissance et du droit, surtout il y a une idée du gigantesque et du grandiose à l’intérieur d’un monde quotidien partagé par tous. On voit bien en quoi un frenchy qui s’attellerait au genre aurait du mal à se dépatouiller du syndrome Superdupont, un hiatus, un décalage grotesque.
Mais les super héros c’est un peu comme le McDo, il s’est très bien exporté, en masse, sur plusieurs média, et la culture populaire de ce côté ci du monde l’a complètement intégré. Les adultes d’aujourd’hui ont grandi avec superman et les X-men, bien sûr que certains seraient intéressés par donner leur interprétation du genre. De plus le super héros, mine de rien, est très malléable, et s’il connaît une écriture de base connue de tous (l’origine story, découverte des pouvoirs, questions philosophiques quant à sa place dans le monde et sa responsabilité d’être exceptionnel, apparition du super méchant…), ce canevas permet par ailleurs toutes les torsions et transformations. On attend d’un français qui ferait son super héros qu’il colle à l’ossature classique et qu’il y ajoute une spécificité qui serait bien de chez lui. Pour faire vite, un récit de l’intime, un super héros à échelle humaine, Iron Man qui va acheter sa baguette, Magneto qui parle d’amour aux terrasses des cafés, Marvel chez Truffaut.

Un livre qui colle pas mal à cette description, c’est le Cycloman de Berberian et Mardon.



Berberian, co-auteur de Monsieur Jean, auteur spécialisé du bobo français et des déboires amoureux du trentenaire, n’a jamais caché son amour pour Batman par exemple, il réalise ici certainement un fantasme d’enfant. Et effectivement, ce super héros là se retrouve dans les décors parisiens, s’engueule avec sa copine et sauve une grand-mère qui revient de chez son boulanger. Berberian sait qu’il lui faut du souffle et d’autres décors, il sait qu’il lui faut construire une mythologie autour de son personnage, une Némésis, un passé, une malédiction, qu'il doit sortir de Paris pour aller vers l'Amérique. Et petit à petit le récit va s’acquitter de tous ces passages obligés.
Résultat, l’histoire court après le genre, cherche à s’en démarquer autant qu’à s’y inscrire, on saute d’une situation à une autre le plus rapidement possible et au final on est devant un livre qui ne trouve jamais son ton, un croisement entre un archétype français et un archétype américain plutôt bancal et tiédasse. Mardon fait son boulot, un dessin classique mais dynamique, agréable mais sans génie. On se dit que cet Iron Man en chambre de bonne était un bon départ, et que finalement, à trop vouloir jouer dans la cour Marvel tout ça s’essouffle bien rapidement.




Un autre essais, bien plus concluant, c’est le Prestige de l’uniforme de Micol et Loo Hui Phang.



Peut être parce que l’histoire ne cherche pas à coller aux canons du genre et que le récit ne se déplace vers celui du super héros qu’in fine, peut être parce que le dessin de Micol nous installe directement dans une ambiance sombre et dépressive, que le tout va d’abord vers une mise en forme plutôt statique là où on attend du mouvement, peut être aussi parce que faire du personnage un homme-lichen, un homme-champignon, va à l’encontre de l’idée que l’on peut se faire du dynamisme super-heroïque, en tout cas ce livre court et dense réussit parfaitement sa visite dans le genre. Prestige de l’Uniforme travaille en priorité sa singularité et son propre propos avant de se poser la question de correspondre ou non aux attentes, il s'intéresse plus au malaise et à l'étrangeté qu'à l'héroïsme et à l'action.
Et c’est une histoire centrée sur deux ou trois personnages, complètement du côté de l’intime, la société n’apparaissant que dans les dernières pages.




Chez les super héros, l’intime est toujours articulé avec la société, l’intérieur est toujours en confrontation avec l’extérieur. C’est complètement le cas dans Cycloman, ça ne l’est pas du tout dans Prestige de l’uniforme, c’est peut être l’échec du premier et la réussite du deuxième. Est-ce que ça veut dire que le super héros français se casse la gueule dès qu’il sort de la chambre à coucher ? C'est surtout que chez Micol et Loo Huy Phang, l'intime n'a pas de nationalité, le quotidien du personnage n'est pas plus français qu'autre chose et au bout du compte il ne s'agit pas tant d'un décalage que d'une lecture personnelle, moins un exercice de style qu'un livre qui tient tout seul, sans référence ni collage à un kitch pré-établi.

(Oh monsieur Bicéphale, ce court texte n’est qu’un prétexte pour revenir vers vous. Vous m’aviez parlé de super héros chez Picture Box. Je me suis souvenu de CF, dont j’ai lu le premier Powr Mastrs, très intrigant. Mais vous parliez d’un deuxième auteur dont le nom m’échappe. Si vous lisez ces lignes et que vous vous souvenez de qui il s’agit, n’hésitez pas à me le redire (vous l’aviez décrit comme un enfant de Kirby sous acide, c’était très alléchant)).
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Bicéphale



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MessagePosté le: Lun Mai 16, 2011 14:27    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:
(Oh monsieur Bicéphale, ce court texte n’est qu’un prétexte pour revenir vers vous. Vous m’aviez parlé de super héros chez Picture Box. Je me suis souvenu de CF, dont j’ai lu le premier Powr Mastrs, très intrigant. Mais vous parliez d’un deuxième auteur dont le nom m’échappe. Si vous lisez ces lignes et que vous vous souvenez de qui il s’agit, n’hésitez pas à me le redire (vous l’aviez décrit comme un enfant de Kirby sous acide, c’était très alléchant)).


Sous acide, je ne sais pas, mais j'avais évoqué Kirby et Gary Panter comme papas putatifs, je crois. En tout cas, l'auteur dont on avait parlé est Brian Chippendale et son livre, Ninja sorti chez Picturebox. Son tout dernier album, If ‘n Off, m'aura paru plus décevant, mais Ninja, Maggots et ses deux Battlestack Galacti-Crap sont véritablement passionnants. Quant à savoir si accoler à ce travail une étiquette de super-héros (comme je l’ai fait lors de notre rencontre, pour attirer sournoisement votre attention) n’est pas affreusement tiré par les cheveux, voire foncièrement ridicule... On dira que Chippendale part sans doute, à un moment donné, de cet endroit, y retourne régulièrement (son blog critique, Marvelous Coma, malheureusement en veilleuse, vaut le coup d’œil), mais ensuite, hein, dire de Chippendale qu’il fait du super-héros… C’est un peu le même souci qu’avec Combats de Yokoyama. On peut s’amuser à dire, pourquoi pas, que c’est du comics de super-héros (le meilleur du monde qui plus est : des costumes et des combats, sans rien qui ne vienne parasiter nos doux appétits de castagne globale). Mais alors, soudain, ce n’est pas tant un "autre" qui fait du comics de super-héros que le comics de super-héros qui devient tout "autre". Ce dont on ne va sûrement pas se plaindre, loin s’en faut…

Sinon, je pensais il y a peu à vous, cher Carton, et plus particulièrement à ce sujet du forum, en commençant à lire le vaste ensemble des Spirit réalisés par Eisner après-guerre. Le Spirit est une série vraiment passionnante, entre autre par rapport à l'affaire qui vous occupe ici et les frontières poreuses que vous évoquiez rapidement dans votre critique du Strange Tales.

Eisner, dès 1945 (et peut-être même avant, je ne sais pas, je n'ai pas lu les Spirit d'avant-guerre), entreprend très volontairement d’élargir le champ des possibles au sein du territoire de création pour le moins étroit et astreignant qui lui est alloué (sept pages hebdomadaires consacrées à un super-héros qu'on dira basique). A la lecture, je dois souvent me remettre en mémoire le fait que ces planches datent des années 40, afin de ne rien perdre de leur singularité historique : Eisner était terriblement inventif et planait très haut au-dessus de la majorité de ses contemporains (une lecture réalisée en parallèle des travaux de Kirby de la même époque s’avère à ce titre très douloureuse). Et nombre des tentatives de relecture "alternative" actuelle, au final, on les retrouve déjà, en germe ou bien plus largement développées dans ces pages brillantes du Spirit. Le Spirit fouine et invente à tout rompre (et invente d’abord Eisner lui-même, tel qu’on sera tout étonné de le découvrir des décennies plus tard, dans Un Contrat Avec Dieu et les livres qui suivront). Et beaucoup d’essayer, jusqu’à aujourd’hui, de récupérer quelques miettes du festin d’inventions premier.

Tout ça pour dire aussi, quitte à ouvrir des portes ouvertes (et sans doute m’entendez-vous venir de loin avec mes gros sabots qui claquent...), qu’il m’apparaît, au vu des livres abordés dans le sujet (à l'exception notable du travail essentiel des frères Hernandez), que les relectures du comics de super-héros les plus marginales ou, tout du moins, les plus divergentes, les plus inventives, sont peut-être à rechercher, aussi paradoxal que ça puisse paraître, chez les "uns" plutôt que chez les "autres" (pour reprendre ici la séparation opérée par vos soins en titre de sujet) : ainsi, pour ce qui me passe en tête là tout de suite, l’ignoble et jouissif Dark Knight Strikes Again de Miller et Varley, l’étouffe-chrétien Promethea de Moore et Williams III, l’Hellboy à l’os de Mignola (jamais aussi bon, je trouve, que dans ces récits courts dégagés de toute continuité), certains épisodes du Shade The Changing Man de Milligan et Bachalo, l’explosif numéro de la série Solo réalisé par Brendan McCarthy, le Bacchus d’Eddie Campbell, les Flex Mentallo et We3 de Morrison et Quitely et, dernière couche massive pour clore cet échantillon un peu rébarbatif d’une liste qui reste ouverte, nombre des séries tardives réalisées par un Jack Kirby enfin débarrassé de Stan Lee (son Silverstar, par exemple, étrange bombe morbide).

Je sais bien qu’avec de tels livres, créés pour la majorité au creux du cœur de l’industrie par des employés consciencieux, on déborde dangereusement du programme annoncé (les super-héros faits par les "autres"), mais justement, les frontières dans cette affaire pourraient s’avérer si poreuses que les "uns" et les "autres" se révéleraient être des catégories un poil problématiques.

Ainsi, souvent, on verrait les "autres" se transformer, lorsqu'ils posent pied sur le territoire économique balisé du comics de super-héros, en des "uns" un peu vains, ratant la cible, peinant à faire plus qu’un tour de piste ironique ou nostalgique et aussi essentiel parfois, c’est peu dire, qu’un comics de super-héros de base (dévoilant peut-être aussi, pour l’occasion, à quel point leur altérité est finalement toute relative). Tandis que les "uns" se découvriraient (aussi momentanément et involontairement que ce soit, ce qui ne change absolument rien à l’affaire) "autres" au gré d’un passage dégagé, d’une diagonale ouverte dans un espace commercial pourtant des plus cadenassés.

Par exemple (le dernier, c’est promis), Frank Miller et Bill Sienkiewicz en 1986. Auteurs de super-héros ayant tous deux accumulé à l’époque plusieurs centaines de pages produites au rythme soutenu que nécessite la douce tradition de la parution mensuelle. Miller et Sienkiewicz, des "uns" incontestables, des purs, des durs, soldats vaillants de l’industrie, enfants chéris du Big Boss, et qui, le moment venu, dévient férocement avec Daredevil : Love And War et Elektra Assassin (remarque en passant : pour les besoins de la cause, je simplifie honteusement le processus en jeu, puisque les deux bonshommes s’étaient mis en fait à dévisser bien avant ou plutôt à dériver plus ou moins discrètement, page après page, Sienkiewicz avec Moon Knight et les New Mutants, Miller tout du long, en un lent et consciencieux programme de déviance dont on pourra reconnaître, dans les deux œuvres précitées réalisées en commun, le point de plus haute intensité).

Autrement dit : des "uns" qui se révèlent, ici et maintenant, tout "autres", dégageant un espace d’altérité, temporaire et fugitif, ligne de fuite au cœur d’un système usuellement clos (la fuite étant par ailleurs aussitôt colmatée, bien entendu, le nouvel espace digéré, puisqu'aucune explosion ne saurait perdurer plus d'un instant en ce bas monde sans faire place aux vautours) ; le Trondheim américain Kochalka, face à l’opération réalisée et son produit, pouvant, je le crains, aller se rhabiller. Tout ça pour dire, au fond, qu’il nous faut peut-être considérer encore et toujours qu’il n’existe pas tant des auteurs "marginaux" (ainsi, la marginalité de Kochalka, j’avoue, je peine le plus souvent à la percevoir, mais la marginalité des Kirby, Moore ou Miller plus ou moins docilement nichés au cœur du système, aussi, bien sûr) que des œuvres marginales (le Silverstar du Kirby usé en bout de course très loin par-delà Super F*ckers), sporadiques et imprévisibles, dont on ne peut jamais trop savoir de quel coin elles vont surgir pour nous péter au visage.

Sinon, et pour finir, avez-vous eu l’occasion de lire ce Batman "pirate" réalisé par Josh Simmons ? je ne l’ai pas lu pour ma part, mais ai entendu dire de bonnes choses à son sujet. Peut-être le trouverez-vous intéressant. Ou peut-être sera-ce une énième entourloupe. A vous de nous le dire si l’envie vous en prend.
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Carton
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MessagePosté le: Lun Mai 16, 2011 16:32    Sujet du message: Répondre en citant

Ça lui pendait au nez à ce topic que la question de la frontière arbitraire entre les uns et les autres soit soulevée. C'est vrai qu'elle est poreuse, et c'est surtout vrai que la production la plus intéressante se trouve certainement à l'intérieur de l'industrie plutôt que dans ses marges. La question de départ, c'était de voir ce que l'indépendance faisait du superhéros, qu'est ce que ça devient entre ses mains libres et critiques. Alors oui, souvent, c'est de la parodie ou de l'ironique, du superhéros sans avoir l'air d'y toucher, et effectivement les réinventions les plus aiguës et les plus fortes se font de l'intérieur, je suis complètement en accord avec l'ensemble de votre texte.
Certainement que c'est bien logique, qu'il faut un minimum de sérieux face à l'objet traité pour bien en comprendre les enjeux et les potentiels, pour y trouver la sève intrinsèque et la vivacité nécessaire à un superhéros digne de ce nom, et que c'est quand le travail se fait à l'intérieur même du genre que le résultat peut être à la hauteur. Alors oui, Elektra, Prométhéa, le Dark Knight Strikes Again, je suis d'accord, c'est là où il se passe des choses.

D'ailleurs ma connaissance de cette portion là de la production a ses limites, et je découvre que Campbell a fait Bacchus, je découvre l'existence de Shade the changing man et de Flex Mentalo, si un jour vous avez le temps de nous en parler n'hésitez pas.

Pour en revenir à cette différence entre les uns et les autres, pour moi elle est d'abord économique et contextuelle. Certains font du superhéros à l'intérieur de l'industrie du comics, d'autre en font ailleurs. La différence ne peut effectivement pas être qualitative, et on en est réduit à tracer des lignes là où elles auraient encore du sens (en même temps on n'est obligé de rien).
Et je me rends compte que j'avais ouvert un topic, encore flou et mal défini, mais qui était une porte ouverte à la discussion autour des superhéros industriels :

http://enculture.free.fr/viewtopic.php?t=289

Je propose donc de parler dans ce dernier topic des We3, Silverstar et autres Spirit (ou des New Mutants de Sienkiewicz qui avaient perturbé mon enfance), et ici de continuer à parler des superhéros faits à la marge.
D'ailleurs je viens de lire le Batman de Simmons. Et si l'histoire d'un batman fou et dépressif n'est pas nouvelle, le traitement rythmique et graphique (toute la première partie muette) est magnifique, presque parfait. Encore un bonhomme que je ne connaissais pas.
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Mathurine
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MessagePosté le: Jeu Mai 19, 2011 15:22    Sujet du message: Répondre en citant



Puisqu'on parle des super-héros faits par les autres, je bafouille sur une lecture récente, bafouille basée sur les trois premiers volumes (sur six qui forment un récit complet), les seuls disponibles à la bibliothèque de Plougastel pour le moment.

Il s'agit donc d'un "comics" fait en France, édité par la librairie l'Atalante (sise à Nantes) dont la particularité serait d'ériger Alan Moore en "genre", les auteurs veulent faire du Moore aussi bien que Moore, en n'opérant que de légers déplacements (culturels, l'action se situe à Paris et non dans Albion, les personnages participent de la culture "populaire" franco-allemande surtout) et stylistiques (la mécanique est bien huilée mais grince différemment ce qui n'est pas forcément un mal).

Que dire? Que c'est très bien écrit. Très cultivé, très cohérent, construit avec une montée dramaturgique tuilée dont on sent que la résolution ne sera pas un pétard mouillé (me reste à lire les trois derniers tomes). L'ampleur du récit est parfaitement maîtrisée, c'est une lecture vraiment réjouissante. Comme chez Moore, les références foisonnent, mais enrichissent le récit plus qu'elle ne décore son indigence ou l'étouffe (on pense à Forty Niners, la prequel de Top 10, et à la League, surtout). On oscille entre la fascination et le rire franc face à une Marie Curie héros de la science, dont le visage est un copié/collé presque systématique. Le récit s'ouvre sur une longue citation du Zarathoustra de Nietzsche, fort à propos.

Pourtant le travail graphique pêche un peu. Il n'est pas indigent, mais faible, le comparer à Mignola ou Gene Ha ou O'Neill ne serait pas en faveur de Gess. On sent la nécessité d'un rythme soutenu de production, avec un maniement des outils informatiques de mise en couleurs et d'agrandissement qui sont parfois à la limite du bâclé, en tout cas immaîtrisés. Les polices informatiques sont pour la plupart, hormise celle des dialogues, atroces. Un seul exemple.



On regrettera en fait, malgré le foisonnement de références, un manque de singularité graphique (plutôt que de courir après Mignola ou Ha faire quelque chose d'un peu plus nourri de la culture graphique européenne non pas dans les références mais dans la morphologie et le trait).

Globalement, me voilà face à un beau projet de "comics" européen continental - et même quelque part breton - qui veut marquer sa singularité, bourré de trouvailles qui réjouissent, mais bancal dans sa forme, clopin-clopant sur une jambe de bois graphique. Ce qui recoupe encore la question de la qualité de ce qui se fait à la marge de l'industrie du comics - ici en Bretagne par de vieux lecteurs de Strange - qui s'organisent comme ils peuvent pour offrir quelque chose à leur yeux d'une qualité équivalente, au-delà de leur propre force? Le comics anglo-américain contient déjà sa propre critique depuis longtemps, de 2000AD au Dark Knight, peut-être aussi son propre achèvement? L'analyse critique du comics ou son aboutissement peuvent-ils s'opérer en marge nostalgique ou satirique du "genre"? Je laisse ces questions en suspend.

Je poursuivrais néanmoins cette lecture très agréable, qui me rappelle ma jeunesse, quand la sève irriguait encore mon corps aujourd'hui flétri, et en mémoire de cette jeunesse, j'ai toujours le bibliothécaire de Plougastel dans la poche.
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Carton
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MessagePosté le: Jeu Mai 19, 2011 16:44    Sujet du message: Répondre en citant

Je nourrissais des grands espoirs pour cette série, vu les éloges que j'ai pu entendre un peu partout. D'ailleurs même si le dessin n'est pas à la hauteur, je suis bien content de lire que c'est quand même de qualité dans l'ensemble. Impossible chez moi de trouver les premiers tomes en bibliothèques, ils sont tous réservés pour les 10 ans à venir. J'attendrai une intégrale.
Pour le dessin, si ce n'est pas du niveau de Ha ou de Mignola, c'est quand même au dessus de pas mal de trucs produits par l'industrie non ? (y'a des comics vraiment hideux qui me sont passés dans les mains)
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Mathurine
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MessagePosté le: Jeu Mai 19, 2011 23:22    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:

Pour le dessin, si ce n'est pas du niveau de Ha ou de Mignola, c'est quand même au dessus de pas mal de trucs produits par l'industrie non ? (y'a des comics vraiment hideux qui me sont passés dans les mains)


Je ne veux pas seulement enfoncer le clou, Gess est un bon dessinateur, ses crânes sont toujours très réussis, qu'ils soient pourvus de peau ou non. Ce n'est pas un faiseur, comme on peut en croiser dans l'industrie (et après tout Moore a travaillé avec des dessinateurs médiocres, un dont j'ai oublié le nom sur Top Ten). Le dessin pour la Brigade Chimérique n'est pas indigent, il y a une grâce, vraiment, parfois. Mais aussi des choses qui affaiblissent l'ensemble, j'ai trouvé, tous les immeubles sont mous, par exemple, et certaines pages me chient à l'œil, pour parler comme vous les jeunes. J'en ai scanné deux, pour votre éducation artistique. Je me crois plus belle que ça, alors que nombreux sont ceux qui se moquent.


Le filtre photoshop a un effet catastrophique, je suis désolée...


C'est horrible, je n'aurai pas d'autre mot. Ceci n'est pas un dessin, mais une accumulation d'effets informatiques ratés. C'est la pire illustration de ces trois volumes, notez bien. Mais pour une illustration en tête de chapitre...

Enfin bref, des faiblesses graphiques, mais qui ne sont pas rédhibitoires.
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Zahad le rouge
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MessagePosté le: Ven Mai 20, 2011 0:44    Sujet du message: Répondre en citant

Je confirme que c'est vraiment chouette.
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Conufs
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MessagePosté le: Ven Mai 20, 2011 3:58    Sujet du message: Répondre en citant

http://www.l-atalante.com/catalogue/flambant_9/la_brigade_chimerique_i/48/625/serge_lehman_fabrice_colin__gess/revue.html
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Bicéphale



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MessagePosté le: Ven Mai 20, 2011 23:09    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:
La question de départ, c'était de voir ce que l'indépendance faisait du superhéros, qu'est ce que ça devient entre ses mains libres et critiques. (...) Je propose donc (...) de continuer à parler des superhéros faits à la marge.


L’arrivée en ces pages de la flamboyante Brigade Chimérique me conduit à prolonger mon interrogation. Le problème qui me taraude, c’est sans doute cette histoire de marge. La marge, s’il doit y en avoir une, c’est celle qui participe d’un double mouvement : centripète (en tant qu’elle définit les limites d’un espace donné avec lequel elle est par conséquent en connexion) et centrifuge (en tant qu’elle fuit inlassablement ce même espace puisqu’elle en pointe aussi l’extériorité), à la fois dedans (le Combats de Yokoyama : c’est rien que des personnages costumés qui se bastonnent, donc du super-héros) et dehors (Yokoyama : c’est une infinité d’autres choses, et la définition de la parenthèse précédente est irrecevable).

Si dire « Chippendale, CF ou Yokoyama font du super-héros », ça ne veut rien dire (ou a contrario dire quelque chose, mais surtout de celui qui le dit, et d’assez peu recommandable qui plus est : une sale petite volonté de faire se recentrer la marge qui échappe), on pourra tout de même se risquer à énoncer que, quitte à se mettre en quête d’une altérité qui vienne creuser en profondeur le comics de super-héros, quitte à chercher l’hétérogène qui ne transige pas mais trafique librement avec la chose (pas tant, comme je disais plus haut, un « autre » qui fait du super-héros que soudain le super-héros qui devient tout « autre »), autant s’en aller visiter cette « marge », telle que la dessinent peut-être le Combats de Yokoyama, peut-être le Mauretania de Chris Reynolds, peut-être le Ninja de Brian Chippendale.

Et si j’insiste sur le peut-être, c’est qu’il se dégage bien sûr de ces travaux une résistance essentielle à être inclus dans cet espace. Et que l’on pourra par conséquent tout à fait considérer qu’ils n’ont rien à voir avec lui, et que cette limite comme je la trace, elle est en fait déjà dehors, totalement ailleurs. Mais il faudra (peut-être) aussi savoir repérer, dans cette résistance, l’indication d’un état donné poussé à sa limite (et donc, oui, en effet, en situation de crise, de rupture).

On aurait donc ainsi découvert deux lieux particulièrement propices aux traitements les plus incongrus : le centre (pure détermination économique : les plus gros éditeurs nord-américains) en tant qu’il est l’espace industriel paradoxal de (rares) échappées miraculeuses, et la marge, état-limite réticent par essence à l’épinglage, où s’ébattent (peut-être) à l’occasion CF, Yokoyama, Gary Panter, Reynolds, Chippendale et d’autres.

Viendrait s’intercaler, entre ces deux lieux, entre le centre et la marge, l’espace spécifique qui émerge avec ce sujet du forum, et que je nommerai entre-deux ou espace intermédiaire plutôt que marge, puisqu’aucun de ces travaux (sauf peut-être le Prestige de l’Uniforme que je n’ai pas lu) ne va, me semble-t-il, jusqu’à pousser l’affaire qui nous concerne à sa limite, à son point de rupture.

Si l’on doit alors s’interroger sur ce troisième espace en se demandant « ce que (cette) indépendance fait du super-héros, ce qu’il devient entre ses mains libres et critiques », il me paraît nécessaire de questionner ce qu’on entend ici par indépendance, liberté et critique. L’indépendance, il semble falloir convenir de la réduire, comme le veut la coutume marchande bien établie, à des critères économiques : autrement dit, l’indépendant sera celui qui possède des moyens financiers restreints par rapport aux structures dominantes du marché. Liberté (à moins d’en faire un simple synonyme d’indépendance économique) et critique me semblent devoir appartenir à un autre champ, en tant qu’elles engagent si ce n’est l’homme du moins l’œuvre, et ce que celle-ci produit, découvre, machine, compose, etc. Ainsi, tout le monde tombera d’accord pour dire qu’allouer de facto à quiconque se targue d’une qualité d’indépendance (économique) des capacités de liberté et de critique, prête à discussion : c’est qu’il ne suffit malheureusement pas d’être pauvre pour être libre.

D’où l’intérêt de ce sujet du forum, des livres présentés et des analyses qui les accompagnent (histoire de dire très clairement, et pour éviter tout malentendu, à quel point je ne cherche pas là à remettre en cause le choix des livres effectué ou ce qu’il en est dit, mais m’interroge bien plutôt à partir d’eux) : on pourra remarquer que ces super-héros faits par les autres, autres en tant qu’ils obéissent pour la plupart aux règles de bon aloi de l’indépendance économique (lorsque l’on résume celle-ci au fait que les artistes ou ceux qui les publient ne font pas partie des plus gros poissons du marché), sont, en ce qui concerne liberté artistique et capacité critique, aussi éloignés de la marge qu’ils sont proches du centre, en une position légèrement décalée par rapport à lui peut-être, mais sans que ce décalage ne soit foncièrement signifiant.

C’est que cet entre-deux semble le plus souvent adopter un programme a minima : celui du petit pas de côté, du « j’y suis sans y être », du « pareil » qu’on accouple à un « mais » plus ou moins appuyé (La Ligue mais avec Marie Curie, Superman mais dans ma cuisine, Spiderman mais sans être dupe, des Superpouvoirs mais Lewis Trondheim, etc.) ; le Strange Tales exposant à quel point pareils décalages sont très aisément assimilés par le centre, quand il ne les a pas lui-même déjà conçus et déclinés à l’envi depuis belle lurette.

Et l’adjonction dans le sujet de la (si bien nommée… ) Brigade Chimérique d’enfoncer le clou très profond… Alain Moure et Michel Miniola ? D’accord, pourquoi pas, clonage et industrie du comics vont de pair depuis le début, ce n’est pas une première et ça peut même parfois dériver de manière surprenante (ainsi Sienkiewicz à l’origine, clone de Neal Adams).

Mais où réside l’altérité présupposée dans tout ça ? On a en effet tant de mal à la dégager qu’on se retrouve forcé d’octroyer quelque qualité distinctive à Lehman, Colin et Gess sur la base de leur origine extra-anglo-saxonne ; drôle d’idée que de s’essayer à tailler, à coups de cartes d’identité nationale, les contours d’une altérité artistique. Et puis, quelle indépendance chez l’Atalante ? Celle d’avoir publié un comic-book comme on en croise cent mille (un peu mieux, un peu moins biens, un peu pareils) chez Marvel ou DC, alors qu'elle ne possède pas la puissance de feu économique qui lui permettrait, à l’aune des grands maîtres, d’en submerger la planète ? Les considérations économiques amènent décidément à de drôles de renversements, quand l’idée d’indépendance ne rime plus qu’avec moyens financiers réduits. Et puis, enfin, quelle liberté ou critique en ces pages de comic-book ? Tout juste un programme de plagiaires que Mathurine aura très justement pointé dès son introduction lapidaire : la particularité de la Brigade, c’est d’«ériger Moore en genre». Où indépendance, liberté, critique et altérité se conjuguent soudain en une méchante affaire de clonage industriel…

Et à cet instant précis, décidément, désolé, mais ces histoires de cachets d’indépendance délivrés selon des facteurs économiques ou contextuels, je n’y arrive plus tant ça me fait violence. Tout comme il me sera difficile de me résoudre à accepter que la qualité essentielle d’« une bande dessinée de super-héros réalisées par les autres » puisse être son absence totale d’altérité (sinon son portefeuille un peu à plat, sinon son drapeau).
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MessagePosté le: Mer Mai 25, 2011 11:01    Sujet du message: Répondre en citant

C’est une mise au point bien utile, d’autant plus que je ne m’étais pas vraiment posé les choses en une topographie aussi dessinée, et au fond je vous rejoins encore une fois sur l’ensemble de votre texte. La marge dont je parlais était à prendre surtout dans le sens de « au bord », « dans les contours », c’est à dire des auteurs à l’extérieur de DC/Marvel mais qui cherchent à s’approprier le genre, à s’en approcher le plus possible. Du coup, effectivement, pas nécessairement de crise, de critique ou de rupture, mais plutôt l’examen au cas par cas de ce qui est proposé, quelles sont les modalités de cette approche ? quels choix sont faits dans les différents codes à utiliser ? qu’est ce qui survit du superhéros et qu’est ce qui est transformé ? Et donc cette liberté et cet esprit critique étaient surtout un présupposé plutôt qu’une qualité admise : quelqu’un qui travaille en dehors de ça mais qui d’un coup décide de s’y frotter franchement, qu’a-t-il a en dire ? Pour quoi faire puisque rien ne l’y oblige a priori, et qu’il jouissait apparemment d’une liberté au moins éditoriale à ce niveau là ? Cette indépendance était effectivement octroyée bien vite, mais il me semble que c’est nécessaire d’avoir ça en tête lorsqu’on aborde un livre comme Cycloman, où les auteurs n’ont pas de compte à rendre à l’industrie des superhéros. Cette indépendance supposée les oblige plus que ne les dédouane, en gros : si on fait le choix de s’approcher d’une forme dominante à laquelle on n’a pas à faire en temps normal, on a bien intérêt à avoir quelque chose à en dire d’un peu consistant. Et le seul « pas de côté » proposé ici, le petit décalage dont vous parlez, est du coup décevant, et apparaît d’autant plus comme une allégeance un peu molle au genre (alors que rien ne les y oblige), qu’un décadrage qui produirait du sens.

De ce point de vue, cet entre deux dont vous parlez semble bien fade et vain, c’est vrai, à tel point qu’on peut bien se demander à quoi bon continuer à lister et à parler de cette production qui n’aurait rien d’autre à offrir qu’un mimétisme mâtiné d’ironie ou de nostalgie, assemblages de variations et de collages plus ou moins grands. Et peut être que les rares réussites produites par cet espace là de la création sont forcément moins saillantes et radicales que chez un CF ou un Yokoyama, et ont moins de sens que chez un Moore ou un Miller. Le risque, c’est d’avoir un topic qui ne soit au fond que déprimant, une succession de rapport d’échec.

Mais je me dis qu’il est possible pour un auteur de partir du genre superhéros pour y travailler sa singularité et y développer un esprit critique, ou une étrangeté, ou un contre-pied (à condition peut être de se débarrasser d’une volonté de « faire comme » ou « à la manière de »). Il y a bien des auteurs pour faire aux superhéros ce que Léone ou Jarmush ont fait au western ? Prestige de l’uniforme me semble un exemple plutôt humble mais sérieux, et il faudrait que je relise Le Rayon de la mort de Clowes, qui dans mes souvenirs utilise bien le background superhéros pour mieux creuser un récit sur l’impuissance et l’apathie. Le « pas de côté » peut être un aveu d’impuissance, mais il peut être aussi GéBéien, producteur de poésie et moteur d’invention (je suppose en tout cas, c’est vrai que pour l’instant aucun exemple ne me vient à l’esprit). Il me semble important d’affirmer que ces auteurs ont cette liberté là a priori, et de voir ce qu’ils en font, tout comme il est utile de se rappeler que Miller et Sienkiewicz ne l’avaient pas forcément, et ont réussi à se créer cet espace.
Alors bien sûr tout ça est très arbitraire et ne tient pas forcément la route après examen du nombre important de contre-exemples et d’une réalité bien plus plastique que ce que j’ai pu en dire. Tracer des frontières et nommer les camps, c’est toujours un peu absurde.
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MessagePosté le: Lun Juin 06, 2011 21:43    Sujet du message: Répondre en citant



Mwouahahahahahahaaaaaaaaaaaa

Trop bon, du super Mahler !

Engelmann est un nouveau super-héros. Ses super-pouvoirs sont l’émotivité, l’ambivalence et surtout le terrible "savoir-écouter-les-autres".

Cette bd est admirable d'intelligence...

Comme souvent avec Mahler, je me suis bien marré (intérieurement).

Huhuhu, j'adore !
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MessagePosté le: Dim Juin 26, 2011 18:06    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:
Tracer des frontières et nommer les camps, c’est toujours un peu absurde.


Toujours un peu absurde, peut-être. Mais si l’on se retrouve à découper des espaces, tracer des frontières, définir des camps, c’est aussi qu’il existe effectivement des luttes et des tensions, ici comme ailleurs, qui requièrent de tels repérages. Il est donc bon d’interroger inlassablement la manière que nous avons de nous livrer à ces opérations, de nous demander sur quels critères nous nous basons pour établir liaisons et séparations. Et au fond, une telle pratique réussira peut-être à éviter l’absurdité si elle reste consciente de son caractère nécessairement transitoire et de ses approximations forcées. Et surtout si elle n’oublie pas sa fonction première : nous aider à penser.

Ainsi, pour ce qui est du centre, de l’industrie du comics. Noter une énième fois son incroyable capacité d’extension ou plutôt de dilatation au sein d’un espace pour le moins exigu : le super-héros, rien que le super-héros, jusqu’à la nausée. Le noter pour se demander alors si ce que l’on considérait plus tôt comme dérives, ouvertures, lignes créatrices singulières au sein de l’industrie, ne manifesteraient pas une drôle de double nature en tant qu’elles seraient aussi les plus efficientes des machines à coloniser. C’est que l’on aura beau s’enthousiasmer, éternels candides, lorsque l’industrie paraît se faire violenter par ses enfants terribles (Moore le rebelle, Miller le rebelle, des rebelles partout, dans tous les bureaux, à tous les étages, graffitant sur les tables en attendant leur chèque), il faudra aussi, peut-être, renverser l’équation et se dire : ces échappées, ce n’est jamais que l’industrie qui trace des voies en direction de la marge, dans le but d’occuper de nouveaux espaces. Moore et Miller comme ingénieurs des ponts et chaussées… On pourra alors être tenté de relativiser l’importance de l’échappée (« Moore, c’est jamais rien que le super-geek postmoderne terminal et Watchmen une grosse baudruche qui vaut pas tripette »), mais je crois que ce serait une erreur. Il faudra bien plutôt conjuguer cette double lecture : fuite hétérogène qui déborde sur l’inconnu et machine homogène qui colonise. Moore, l’un des plus grands scénaristes de bande dessinée et Moore, l’un des prospecteurs les plus efficaces de l’entreprise DC Comics.

Et lorsque Moore, à la fin des années 80, déserte DC pour créer sa propre maison d’édition (Mad Love, une expérience rapidement avortée), DC file en Angleterre chercher Delano, Gaiman, Morrison, Ennis et Milligan. C’est qu’un nouveau terrain de possibilités s’est ouvert, et l’on cherche à embaucher des mains aptes à le faire fructifier. On appellera ça la « Brit Invasion ». Étrange renversement de qui envahit quoi : ce ne sont pas les britanniques qui envahissent DC, mais bien plutôt DC qui tente d’envahir l’espace Moorien. Pour reprendre ce que disait Mathurine dans sa critique de la Brigade Chimérique, DC veut « ériger Moore en genre », multiplier les petits pains, faire boutonner la singularité à coups d’injections de compatriotes (la branche Vertigo de chez DC, créée quelques années après le départ de Moore, en sera la forme éditoriale achevée). Où comment les échappées tracées par Moore permettent, au final, à l’industrie du comics américain de se dilater encore plus large : Sandman, Preacher, Arkham Asylum, autant de très bons coups post-Moore pour DC.

Et puisque multiplier les petits pains ne se fait jamais sans perte (hors le récit originel), on pourra alors s’amuser à relever la suite logique Moore-Morrison-Ellis-Millar, autrement dit relater l’histoire de la dégénérescence du greffon scénaristique anglais en terre américaine. Avec Alan Moore en père fondateur (échappée maximale) qui engendre Grant Morrison (un scénariste passionnant mais moins fondamental que Moore, parce que plus complaisant) qui engendre Warren Ellis (potentiel puissant, affligé d’un syndrome de dilution rapide) qui engendre Mark Millar (bébé quasi mort-né mais qui piaille fort post-mortem). Une drôle de lignée où chaque ego fantasme très fort d'être celui qui le précède : ambition affichée chez Morrison, dont le conflit avec le "père" Moorien est l'un des moteurs revendiqués de l'œuvre ; volonté sous-jacente chez Ellis qui emprunte les mêmes sillons que Morrison mais avec infiniment moins de brio (voir, par exemple, une série aussi malingre que Doktor Sleepless où quelque chose du travail de Morrison se résout en une simple revue de presse de concepts mystico-scientifiques paresseusement agencés, version affreusement dégradée de l’essoreuse originale) ; tentation rapidement oubliée chez Millar, dont le travail remarquable mené sur The Authority avec Frank Quitely sera le chant du cygne (mais c’est qu’à l'époque, Millar se projette encore avec ardeur en Ellis qui se projette en Morrison qui se projette en Moore).

Une longue chaîne d’épuisement donc, une de plus, mais qui me parait intéressante à relever si on la considère aussi en tant que processus de fixation, d’ancrage de l’industrie en de nouveaux territoires : Watchmen, V for Vendetta, Miracleman de Moore délimitent un espace vierge où viendront s’inscrire The Invisibles de Morrison (une bonne récolte) puis, moins robustes, The Authority et Planetary, pour aboutir à des choses aussi malingres que The Ultimates ou Kick-Ass. Moore à l’origine aspirait sans doute à bien d’autres résultats, à bien d’autres répercussions ; il énoncera d’ailleurs de nombreuses fois sa déception (éternel candide, lui aussi). Mais cet épuisement n’est jamais que le signe effectif d’une réussite d’un autre ordre : l’industrie a colonisé pour de bon le nouvel espace ouvert par Moore, en le peuplant d’une foule d’imitateurs déficients et de tâcherons chargés d’en extirper les richesses. Et si, trente ans plus tard ou presque, Morrison et Quitely s’apprêtent à réaliser une sorte de reprise par la bande du Watchmen de Moore (un Watchmen fait par les autres…), c’est que là-bas ça travaille toujours, ça continue à gratter, sans arrêt, dans tous les coins, à recycler la poussière. Moore, lui, s’en est allé voir ailleurs …

Ce processus d’expansion, c’est ce qu’on retrouve lorsque Bagge ou Millionaire pointent chez Marvel à l’occasion du Strange Tales : l’industrie qui grignote, l’industrie qui colonise. Car ce ne sont pas tant Bagge et Millionaire qui passent dire bonjour à Iron Man et Hulk que l’entreprise Marvel qui vient prospecter chez Bagge et Millionaire. Pour l’instant, ballon d’essai sous forme de Strange Tales, demain peut-être un développement plus conséquent, un nouvel espace investi.

En 2007, enfin, dans le septième numéro de la série Omega the Unknown publiée chez Marvel, on retrouve cinq pages de Gary Panter (qui réalise aussi pour l’occasion la couverture). Panter que j’avais décrit ailleurs, avec son Jimbo en tête, comme la marge la plus lointaine, férocement hétérogène, impossible à intégrer. Pas tant que ça en fait. Une sonde a été lancée, centre et périphérie brièvement se rejoignent. Il est bien sûr permis de se demander s’il faut se réjouir d’un tel mouvement...



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MessagePosté le: Mer Juin 29, 2011 17:33    Sujet du message: Répondre en citant

On peut dire que DC/Marvel fonctionnent comme Hollywood de ce point de vue, avec le besoin d'aller chercher de la chaire fraiche ailleurs si ils ne veulent pas mourir, et d'en faire des systèmes esthétiques reproductibles par d'autres pour pouvoir digérer tout ça.
Sauf que j'ai l'impression en lisant ton texte qu'Hollywood se débrouille mieux et a une plus longue habitude de la pratique (von Stroheim, Lubitsch ou Lang à l'époque, les anglais et les australiens régulièrement, le cinéma asiatique dans les années 90) pour un résultat quand même moins sclérosé.

Sinon le cas Moore me semble intéressant aussi dans son espèce de tango avec DC/Marvel, toujours insatisfait, toujours fuyant, mais toujours revenant alors que les autres se sont très bien installés dans l'industrie pour ne pratiquement plus en sortir. J'ai l'impression que Moore est plus méfiant, qu'il y a un rapport amour/haine assez étonnant (pareil dans son traitement des super-héros à la fois critique et passionné) qui fait que sa place dans l'industrie n'est pas figée, encore aujourd'hui.

Et Omega the unknown, c'est bien ? J'ai vu quelques couvertures sur le net et c'est assez intrigant.
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