kleber dans le coma profond

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Posté le: Ven Nov 26, 2010 16:33 Sujet du message: Quinze jours ailleurs (Vincente Minnelli, 1962) |
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Un acteur en préretraite, vaguement alcoolique, est invité à Rome pour jouer un petit rôle. Il y retrouve d’anciens amis, d’anciennes amours, d’anciennes querelles. Etc.
De mémoire : « I’ve been faking so much that I can’t do anything true » : la phrase pourrait être de n’importe quel personnage d’artiste minnellien, elle est ici prononcée par un réalisateur perdant le contrôle de son film ; faking, c’est une des constantes de l’univers de Minnelli, à la fois mode d’être de ses personnages et principe directeur de sa mise en scène. Celle-ci se résume simplement par : maximisation de l’artifice, exacerbation des couleurs. Procédé dans la lignée de la tradition du paysage-état d’âme, mais c’est à la fois ça et beaucoup plus que ça ; qui d’ailleurs peut prétendre que telle couleur traduirait exactement tel sentiment ? La couleur agit plutôt comme contrepoint, voir comme intrigue parallèle, et le film n’est jamais aussi beau que lorsque les deux intrigues se croisent. Ainsi, descendant, de nuit, une ruelle romaine, Kirk Douglas et sa maîtresse de quelques soirs croisent trois cardinaux vêtus de rouge pétant, incongrus, presque dérangeants ; l’importance dramaturgique est au premier abord nulle, elle se révèle pourtant à la scène suivante : le même rouge revient (en tant que papier peint), il accompagne un malheur, c’est donc que ce malheur était déjà en germe.
Faking, c’est l’art de l’acteur. Ingrid Bergman à Hitchcock : I don’t feel like it, I don’t think I can give you that kind of emotion. Réponse : Ingrid, fake it. Quinze jours ailleurs décrit une troupe hollywoodienne exilée à Cinecitta ; comment vit un acteur hors de la scène ? Simple : il n’y a pas de hors scène. Minnelli croise ici la vieille analogie du théâtre et du monde avec sa mélancolie personnelle, nuancée de fatalisme : vers le milieu du film, Kirk Douglas reprend à Rome une scène de Gene Kelly dans Un américain à Paris : il se mêle à des enfants qui jouent au foot. Gene Kelly était porté en triomphe, lui reçoit des coups. Qu’est-ce qui s’est passé ? L’acteur a voulu sortir de son rôle, agir sans préméditer, « de bonne foi », mais les dés étaient pipés : croyant cesser de jouer, il se met à rejouer. On ne vit pas hors de son milieu, de son monde, c'est-à-dire pour Kirk Douglas : Hollywood comme théâtre de masques clos sur lui-même, en pleine déréliction, où les stars commencent à vieillir, les maquillages à craquer, Cyd Charisse à enlaidir. La mélancolie (ou l’ironie, au choix) veut que malgré cela tout recommence, que la machine se remette en marche, comme Fred Astaire remontant sur scène dans The Bandwagon. Moralité : Hollywood selon Minnelli, c’est un peu « l’approbation de la vie jusque dans la mort ». |
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