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Je voudrais aimer personne (Marie Dumora, 2010)

 
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Carton
dans le coma profond


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MessagePosté le: Mer Mai 19, 2010 15:55    Sujet du message: Je voudrais aimer personne (Marie Dumora, 2010) Répondre en citant



Je voudrais aimer personne suit la vie de Sabrina, mère de 16 ans, en foyer avec son enfant, débutant un travail de femme de ménage dans un hôtel Mercure ou faisant baptiser son môme. On voit aussi sa famille, sa cité alsacienne, une fête foraine…

Le gros point fort du film, c’est d’abord combien la réalisatrice a su entrer dans le quotidien de ses personnages, la générosité des gens à accueillir la caméra, le naturel extraordinaire de sa présence parmi eux, qui font que les moments ne sont jamais volés, le regard jamais indécent, ce qui est une gageure vu le degré d’intimité auquel ont a accès, vu l’aisance dont la caméra peut faire preuve à se déplacer parmi eux, sans jamais déranger, avec une présence qui semble être une évidence pour tout le monde. Il y a quelque chose de très beau alors dans cette relation entre la caméra et la famille de Sabrina, une proximité jamais fausse non plus, parce qu’il ne s’agit pas non plus de faire partie de la famille, ni d’être leur ami, juste être là, dans une entente intelligente.
C’est aussi ces moments où Sabrina parle à la caméra, elle parle à l’équipe qui tourne, aux gens derrière la caméra (pas aux spectateurs) parce que Marie Dumora ne fait pas semblant de ne pas être là, elle n’est pas effacée, elle est présente réellement, en tant que réalisatrice au travail, et acceptée comme tel. Ça donne par exemple une scène très belle où Sabrina tente de faire un plan, commente la lumière et la beauté du décor, place sa sœur au mieux dans le cadre et déclare que le plan est magnifique (et sa sœur de dire que non, que c’est dégueulasse. Ce qui est d’autant plus fort c’est que le plan lui-même est neutre, ni beau ni moche, qu’il accepte et intègre les deux regards). Ce genre de scène montre bien le joli équilibre qui a été trouvé par la réalisatrice et ses personnages, une intimité partagée mais sans jamais oublier qu’il y a une caméra, que c’est enregistré, voire qu’il y a une mise en scène qui se fait sur le moment.

(d’ailleurs c’est certainement ce qu’il y a de plus fort dans le genre documentaire en général, le fait que des gens acceptent l’intrusion d’une caméra, qu’ils acceptent de donner à voir leur vie, et l’énorme confiance que ça sous entend. Parfois, comme dans ce film, cette confiance est bouleversante)

A l’intérieur de ce cadre, le film développe souvent des scènes très fortes, laisse les situations s’installer et se développer, et par exemple une scène comme celle du père qui téléphone à sa famille, et chacun de se passer le portable pour lui parler, pour le convaincre de venir, ça dure longtemps, ça prend une proportion folle, ça devient presque épique. Je vais pas faire l’énumération des séquences puissantes du film, il y en a plein, il y a presque que ça d’ailleurs, le film fait 1h50 et n’a pas de gras, tout est nécessaire, tout est pertinent

J’ai juste une réserve. Avec ce matériau dense, cette liberté de tournage que Dumora a su créer, je trouve que la mise en scène se permet un peu trop parfois de prendre les habits de la fiction. C’est un cadrage ou un montage de temps en temps qui fait mine de construire une situation, qui se montre un peu trop volontairement comme faiseur d’ambiance ou de dramaturgie, comme si le réel ne suffisait pas et qu’un raccord bien mené allait faire monter une sauce qui n’existerait pas. C’est d’autant plus troublant pour moi qu’il est évident que cette « sauce » prend de toute façon, que la séquence serait forte en elle-même (la majorité du film le démontre très bien), alors parfois un montage qui gère une variation d’échelle de plan qui appuie une dramaturgie trop formelle par ci, une musique qui démarre trop tôt pour nous diriger artificiellement vers une émotion par là (en plus la musique est toujours bien choisie, et souvent elle a raison dans la direction qu’elle fait prendre à la scène, mais alors pourquoi le faire aussi visiblement, aussi « forcé » ?), des cartons de chapitres au goût un peu trop démiurge pour moi, ça m’a parfois dérangé, j’ai mal compris à ces moments l’empressement de la réalisatrice à fabriquer ou à souligner des choses.
C’est fait avec sensibilité, et puis ce sont des choix qui peuvent se justifier, mais c’est tellement pas l’esprit du reste du film (la scène de la foire par exemple, très belles, très cinématographique, mais jamais on n’a un plan d’avance sur les personnages à ce moment là, tout se joue à l’instant, pas de travail visible de la post prod ou du cadrage qui nous ferait dire que la réalisatrice est trop consciente de ses effets) que ça m’a parfois sorti du film.

Il faut dire par ailleurs que mine de rien le film est très fort esthétiquement, qu’il tente énormément de choses sans se la ramener (et si certains choix m’ont dérangés, je m’incline quand même devant l’ambition de l’ensemble) qu’on garde en bouche une forme assez musicale, rock, dans les très gros plans ou les plans d’ensemble, ça vibre bien, y’a une belle énergie un peu punk.

Et puis bon bien sûr c’est un film très politique, qui place en son centre la précarité, le manque d’argent et de perspective, tout semble être une impasse, la fatigue psychique, la rudesse, une violence des relations dans l’amour comme dans l’animosité.
Le personnage de Sabrina au milieu de ça est beau à pleurer, elle qui dit qu’elle ne voudrait aimer personne, c’est une phrase terrible et en même temps c’est l’aveu que justement elle aime, c’est chez elle qu’on sent le plus fort un désir de douceur et d’amour, c’est elle qui écrit des poèmes et qui donne son argent aux autres sans compter. Et régulièrement, elle sort des phrases d’une beauté à tomber.
Spoiler:

La fin, qui la voit désespérée et au bout du rouleau, est un crève cœur.



5/6
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MessagePosté le: Mer Mai 19, 2010 19:47    Sujet du message: Répondre en citant

Avant que Zahad ne vienne te dire que ton texte "c'est très clair, c'est très simple, c'est très juste, c'est fort beau", je me permets de dire que je le trouve très bien aussi, et que je pense pareil sauf sur les réserves. Smile
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MessagePosté le: Mer Mai 19, 2010 20:08    Sujet du message: Répondre en citant

(lol, le gars qui lâche rien)
Tu noteras que mes réserves se sont allégées depuis lors Very Happy
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MessagePosté le: Mer Mai 19, 2010 20:12    Sujet du message: Répondre en citant

Oui j'avais noté, après notre conversation d'hier je ne pensais pas voir un 5/6 de ta part. Le film a bien vieilli depuis hier ? Au final on met la même note.
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MessagePosté le: Mer Mai 19, 2010 21:05    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, disons que les réserves que j'avais font moins le poids rétrospectivement face aux réussites du film par ailleurs.
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2010 10:56    Sujet du message: Répondre en citant

Ce soir à la BPI, un autre Marie Dumora dans le cadre du Mois du Documentaire.
Phèdre et moi y serons, si ça vous branche de vous joindre à nous.

http://www.moisdudoc.com/?rubrique90&IDSeance=11590
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