L’obsédé en plein jour (Oshima Nagisa sensei, 1966)

[Kuni l'hungus]

Dès le début, les plans de coupe, à la fois gracieux dans l’image, et violents dans leur rythme, nous montrent la pulsion sans possibilité de s’en échapper. Nous sommes pris dans le rythme des images, jetés en pâture à devant une monstruosité. Pourtant, coupables et victimes tiennent le choc, incroyablement stoïques devant ce qui ne semble se jouer qu’autour d’eux. Les plans, souvent fixes et très découpés nous montrent une réalité qui ne colle pas, qui ne tient pas, un puzzle que les personnages vont essayer de reconstituer, mais se prendre à nouveau en pleine face. Ainsi vont les premières scènes préparant un viol et un meurtre qui n’auront lieu que hors-champ. Ainsi vont aussi les explications successives des deux femmes protagonistes, dont les flashbacks, plus lents se rejouent par morceaux toujours plus prompts, pour arriver d’abord à cette scène nocturne magistrale, sur un pont d’Osaka, puis, à une nouvelle liaison, là encore dans un mouvement de caméra ad hoc, avec des rotations de caméras qui s’alternent et se croisent. Toute situation, tout moment de la reconstitution a son rythme, son montage, et son type de plan propre. Tout y prend sens et jamais Oshima ne se prend les pieds dans ses procédés.

De cette tentative de retisser une histoire faite de morceaux déchirés, qui l’avait déjà guidé au procédé de narration de Nuit et brouillard du Japon, Oshima tire une nouvelle forme de montage, dont chacun des très nombreux plans semble étudié pendant des heures, et dont l’agencement permet de faire émerger un film-monstre. Monstre par son procédé, par la violence dans laquelle il nous installe, et dans la manière de nous y installer.
Jamais on n’a l’impression d’être en face d’un simple truc de montage simpliste, du genre, "je vais faire un montage cut pour un film choc".
Il arrive à montrer les morceaux vécus d’une histoire qui semble pourtant ne se jouer que dans ses interstices, là où cela ne colle pas.
Après avoir tissé l’histoire des mouvements étudiants tués par la bureaucratie (Nuit et Brouillard du Japon), Oshima met en place un nouveau type de narration, essaie de filmer chaque situation pour elle-même dans leur espace et leur rythme propre, et de construire l’effet d’ensemble à partir de là.

Au final, de tous les morceaux, aucun ne collera réellement, et il ne restera que l’illustration des ravages d’un homme réifié en monstre par des morceaux mal recollés.

Tragédie qui crée des formes/6

Pour rappel mon top Oshima

Nuit et brouillard du Japon 20/20
L’Empire des sens 20/20
Furyo 19/20
L’obsédé en plein jour 19/20
Les Plaisirs de la chair 18/20
L’Empire de la passion 16/20
La cérémonie 15/20
Tabou 13/20
Max mon amour 8/20
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