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Carton
dans le coma profond


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MessagePosté le: Mer Mai 05, 2010 9:26    Sujet du message: Répondre en citant

Oxyure a écrit:
Toujours de Greg Shaw, un extrait de son album Frotte-Motte :



http://enculture.free.fr/viewtopic.php?p=6702#6702

(en bas de la page)
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Carton
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MessagePosté le: Dim Jan 09, 2011 18:30    Sujet du message: Répondre en citant



Samedi 7 janvier, à la Sorbonne, Jean-Christophe Menu est devenu Docteur en « art et science de l’art – arts plastiques », mention très honorable avec les félicitation du jury à l’unanimité.

Il y a au moins deux points notables dans cet événement, ou disons un seul point qui fonctionne sur deux niveaux. C’est une légitimation universitaire, l’institution reconnaît le médium en tant que sujet d’étude pertinent, et distingue aussi le travail de Menu qui achève sa thèse après 20 ans d’études. Une médaille pour la bande dessinée, une autre pour Menu. Ça résonne de manière particulière, parce qu’en ce moment (mais ça dure depuis un certain temps), la bande dessinée est en guerre, et Menu aussi. C’est une guerre un peu romantique, comme on en fait plus dans les autres arts, genre modernes contre anciens, artistes contre marchants du temple. Il faut lire le livre de Groensteen sur la bande dessinée comme objet culturel non identifié pour voir combien la bande dessinée n’en finit plus de chercher une reconnaissance institutionnelle et peine à faire valoir ses potentiels face à l’université, le musée et les médias. Il faut lire aussi les articles de Didier Pasamonik sur Actuabd.com, pour comprendre combien la part puissante, majoritaire et œcuménique de la BD ne s’empêche pas pour multiplier les charges contre un désir et une prétention des alternatifs à creuser une différence et une pratique singulière. Menu est un des guerriers les plus actifs, actif sur un double front, celui institutionnel et celui de la production, et samedi ce furent la bande dessinée et la démarche de Menu qui furent adoubés à la Sorbonne.
Une même médaille pour les deux, car tout est lié, Menu lui-même écrit dans sa thèse que lui et la bande dessinée sont ontologiquement reliés, que la bande dessinée est sa langue maternelle. Retour rapide sur le travail théorique et militant du monsieur.

Dans les premières années, ce fut Glob off, fanzine satirique en marge du festival d’Angoulême, qui critiquait l’académisme de la manifestation à la fin des années 80. Puis il a participé à l’unique numéro de la revue Labo, qui débouchera sur la création de la maison d’édition L’Association.



A partir de là, c’est surtout l’édition et la promotion d’une bande dessinée différente qui mobilisera Menu, la théorie et la critique étant laissées de côté au profit d’une mise en œuvre des principes des fondateurs de l’Association.

Le retour à une écriture critique se fait en janvier 2005, alors que l’Association crée une collection théorique nommée Eprouvette, où Menu sort un pamphlet, Plates-bandes.



Il y décrit les avancées éditoriales, met en avant la qualité du catalogue de L’Association et relève la tendance des grandes maisons d’édition à récupérer les signes extérieurs du travail des alternatifs (autobiographie, format, pagination, noir et blanc) pour produire des livres qualitativement discutables à seule fin d’occuper ce nouveau marché.
Menu trace une ligne de démarcation entre les alternatifs et les autres, fustige les démarches mercantiles et tire la sonnette d’alarme sur la surproduction du moment qui risque de faire s’écrouler le marché dans son ensemble et empêche les livres plus difficiles de trouver leurs lecteurs.
Ce livre a fait date dans le milieu de la bande dessinée en formulant un état des lieux très peu discutable, et en renvoyant chacun face à sa pratique éditoriale. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que le portrait que fait Menu de l’état de la bande dessinée en 2005 n’est pas une grande révélation, c’est une situation alors connue de chacun des acteurs du milieu, et ce qu’écrit Menu alors n’est ni une révélation, ni une analyse très profonde. Par contre, son livre a le mérite de formuler tout ça, et semble briser un pacte tacite de non-agression. Le livre fait scandale surtout parce qu’il dit ce qui ne doit pas se dire, et on peut être étonné devant les cris d’orfraie que ça a pu susciter, preuve de l’hypocrisie du microcosme et de l’industrie de la bande dessinée. Plate-bande lance une démarche qui n’a plus peur de dire sa radicalité, ni de chercher à se positionner en dissidence.

A partir de là, Menu n’a plus arrêté son travail critique, relayé l’année suivante par la création de la revue L’Eprouvette, j’en parle ici :
http://enculture.free.fr/viewtopic.php?t=34&postdays=0&postorder=asc&start=0
Entre temps, L’Association a édité deux livres hors commerce écrits par Menu, d’abord son Mémoire de maîtrise qui date de 1988, édité en 2003.



Deux mouvements importants : tout d’abord l’affirmation d’une subjectivité forte à l’intérieur même d’un travail universitaire. Menu y parle à la première personne, principalement de son parcours d’auteur encore jeune, a une démarche de bilan et d’analyse sur son propre travail, le tout manuscrit et agrémenté de planches de bandes dessinées, sous la forme d’un carnet intime au jour le jour, sur une période de trois semaines.
Deuxième mouvement, ce qui découle de tout ça est une sorte de programme : création d’une maison d’édition, promotion de la théorie et de la critique, création d’un OuBaPo, des choses qui se mettrons en place les années suivantes (et qui forcent l’admiration face à autant de cohérence dans le parcours).



Et en 2007, ce sont ses cours écrits pour le CNED en 1990 pour la licence d’arts plastiques de Paris I. Un cours bien fait qui porte autant sur la théorie que sur la pratique, un peu daté aujourd’hui au niveau technique.



Surtout c’est encore un travail universitaire complètement subjectif, avec une page hommage à Chaland écrite à la mort de celui-ci, avec des exemples de planches tirées de son panthéon personnel (Gébé, Caro, Forest, Masse), le tout réalisé en bande dessinée trois ans avant la publication du travail de Scott McCloud.



Et puis donc sa thèse/synthèse présentée Samedi.



Ça a fait un peu l’effet d’une boucle qui se ferme, un aboutissement de tout ça. Encore une fois un retour sur sa pratique d’auteur/éditeur, et un regard qui ferait l’état des lieux sur ce qu’est la bande dessinée, d’où elle vient et où elle va.
Et là aussi, visiblement, une très forte présence de la subjectivité. Ce qui a pu mettre en relief, face aux réactions du jury, la force et les limites de la démarche de Menu.
Je n’ai pas lu le mémoire (il sera publié en début d’année apparemment), je rapporte donc les dires du jury qui semblent valoir pour le travail critique de Menu en général.

Il y a d’abord eu les éloges, longs et nombreux, unanimes donc, pour saluer un travail rare et instituant dans sa dimension polémique même, intéressant dans sa réflexion sur la production et la création en bande dessinée en ce qu’elle cherche des voies obliques ou marginales pour exprimer la vie.
Il y a eu deux types de critiques, principalement relevées par Groensteen et Emmanuel Souchier. La première fut sur l’aspect égocentré du travail, qui pose les goûts, les préférences et les choix de son auteur comme base à toute réflexion ; et la deuxième, plus intéressante, notait que parler de soi, à partir de soi, autour de soi, pouvait être un problème au niveau de la méthode et de la scientificité de la recherche. Ainsi, Souchier regrettait une sorte de frustration à voir que la thèse ne passait pas à un niveau théorique supérieur, et que certains thermes mal ou peu définis faisaient qu’on mélangeait par exemple langue, langage et écriture (ou bien la confusion entre multi-cadre et hyper-cadre) et que cela provoquait une certaine perméabilité théorique.
C’est peut être là la limite du travail de Menu, qui en tenant absolument à rester dans un geste subjectif et personnel rencontre parfois une limite au niveau d’une démarche purement universitaire. Dans un élan fortement affectif, il n’est pas étonnant d’y trouver quelques fautes techniques.
Mais c’est aussi sa force il me semble, de ne pas forcément chercher à tenir le cadre à tous prix, de se mettre d’abord soi même en jeu et en danger. Il y a quelque chose de très beau, et on aurait tort de reprocher à Menu de mélanger travail universitaire, pamphlet et autobiographie. C’est crispant, mais c’est aussi singulier et enthousiasmant, de voir combien Menu représente à lui tout seul quelque chose de la bande dessinée jusque dans ses grand écarts et ses contradictions, mélange d’avant-garde et d’enfance, de désir de rupture et de filiation, de respect et d’irrespect envers les mythes de la bande dessinée. Celui qui se bat contre les classicismes tout en se mettant en scène tel un personnage franco-belge (son t-shirt à rayure en guise de costume de groom) est peut être un théoricien quelque peu approximatif (reste à lire la thèse tout de même, pour l’instant je ne fais que supposer) mais il se pose comme un formidable dynamiseur/dynamiteur qui porte haut une ambition pour la bande dessinée jamais démentie, capable d’être fidèle à une pensée et à un mouvement viscéral sur plus de 20 ans, et sur des niveaux d’action multiples.
On peut regretter sa tendance à pratiquer souvent ce qu’il appelle une egoarchéologie, on peut soupirer à le voir complètement buté comme une mule face à Internet, mais on peut aussi accepter que le personnage soit faillible, qu’il a sa mauvaise foi et ses aveuglements. Faire la part des choses, ne pas voir sa parole comme celle de l’évangile, c’est aussi remettre à sa juste valeur sa contribution à l’histoire de la bande dessinée (c'est-à-dire indéniable et énorme), et se rappeler qu’une vitalité comme celle là dans le travail et la pensée de quelqu’un, autant de nerf dans l’œuvre d’une vie, c’est quelque chose de rare et de précieux, surtout en bande dessinée.

Edit : j’ai oublié aussi le petit livre écrit avec Christian Rosset, Corr&spondances, sur le corps au travail. Trop court mais intéressant, à mettre sûrement en rapport avec le livre à venir de Rosset qui compilera ses entretiens avec des auteurs de bande dessinée (et qui parlaient souvent de la question du corps) pour l’émission radiophonique Les Passagers de la Nuit.
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Dernière édition par Carton le Lun Jan 10, 2011 2:51; édité 1 fois
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Oxyure
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MessagePosté le: Dim Jan 09, 2011 20:32    Sujet du message: Répondre en citant

C'est pratique d'écrire sa thèse sur 20 ans.... t'as le temps de devenir pôte avec les membres du jury

Razz

I <3 ce vieux ronchon de Menu.
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MessagePosté le: Dim Jan 09, 2011 20:50    Sujet du message: Répondre en citant

XKCD mon amour :


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MessagePosté le: Lun Jan 10, 2011 3:06    Sujet du message: Répondre en citant

Ah ouais, vachement bibliothèque théorique comme strip.
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MessagePosté le: Lun Jan 10, 2011 7:54    Sujet du message: Répondre en citant

Il faut bien des bonus !

(bon, ok, je me suis lamentablement trompé)
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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2011 13:25    Sujet du message: Répondre en citant

Alors voilà, la thèse est parue. Finalement, elle correspond assez à ce que qu’on avait pu en comprendre durant la soutenance. Il y a donc ce double mouvement, d’un côté Menu opère un retour sur son travail d’auteur, d’éditeur et de critique/théoricien ; de l’autre il tente de décrire et de définir ce qu’est le double de la bande dessinée, c'est-à-dire la bande dessinée dans ses marges, là où elle serait la plus vivante et la plus aigüe. Sur le premier point, la thèse fait franchement suite à son Mémoire de Maîtrise, à la conjonction de l’autobiographie, du bilan artistique et des ambitions pour la suite. Pour le deuxième aspect, le passage le plus original et le plus intéressant est peut être la continuation de ce qu’il avait entrepris dans la revue L’Eprouvette, à savoir « l’érosion progressive des frontières », où Menu s’emploie à décrire en quoi la bande dessinée devient passionnante lorsqu’elle flirte avec les autres arts, en dehors de son carcan formel et éditorial (bande dessinée dans l’espace, récits infra-narratifs, propositions graphiques fortes, regard vers la peinture ou la musique…), et en quoi elle révèle alors à la fois son essence et ses potentiels.

Bien sûr, ces deux pôles sont continuellement entremêlés et mis en tensions, et c’est bien naturel puisque cette thèse s’est faite dans un cursus qui avait à cœur de lier pratique et théorie. Le travail de Menu, dans sa subjectivité, sa façon de se pencher de la même manière sur sa production et sur le médium dans son ensemble, est parfaitement cohérent (et s’il est taxé aujourd’hui d’égocentrique et de pervers narcissique, il serait mal venu de lui faire ce procès là à cet endroit).
Dans son ensemble, le livre s’avance moins comme un travail universitaire et théorique que comme une réflexion personnelle et panoramique sur une vie passée à travailler la bande dessinée. De part son aspect étonnamment intime, il s’agit peut être plus d’une étape majeure dans l’œuvre de Menu qu’un jalon important dans la littérature savante sur le médium.
Cela dit, je ne cherche pas à minimiser l’apport théorique de la thèse qui est bien réel. Le livre décloisonne pas mal les territoires de la bande dessinée, et la démarche de l’aborder par ses contours est assez passionnante. Il revient par ailleurs sur l’idée d’hypercadre (la confusion avec le multi-cadre, relevée par Groensteen, semble avoir été corrigée) pour en réfuter de façon convaincante son caractère fondamental dans une définition de la bande dessinée, et il relativise l’importance ontologique de la narration (là encore c’est assez convaincant même si une définition de « narration » aurait été bienvenue, on peut très bien par exemple imaginer qu’elle existe à partir du moment où il y a séquence ; dans ce cas l’idée de « narration comme supplément » de Groensteen tient encore la route). Et surtout il approche la question de l’essence de la bande dessinée par son versant esthétique et sensible, loin des démarches sémiologiques ou systémiques des autres livres (sans non plus les réfuter). L’importance que Menu peut donner au carnet datant du XIII ème siècle de Villard de Honnecourt tout en écartant la tapisserie de Bayeux (avec pour principal motif son rapport esthétique et affectif à l’un et pas à l’autre), fait de La Bande Dessinée et son Double un travail éminemment personnel, qui travaille plus sur l’idée d’expression et d’expérimentation que sur celle de la signifiance. Ainsi, c’est par la réinterprétation graphique d’une planche de Herriman, recommencée en 12 variations, que Menu atteint une compréhension nouvelle du travail de l’auteur de Krazy Kat, une compréhension plus intime et plus physique, qui passe par la main et le geste d’abord, puis une formulation intellectuelle dans un deuxième temps. C’est presque toute la démarche de Menu ici, dans un aller-retour entre pratique et théorie, entre travaux personnels et considérations générales, et c’est d’autant plus passionnant que Menu porte à la fois les casquettes d’auteur et d’éditeur, et qu’il ne sort jamais la bande dessinée de ses conditions de production.
Un livre hybride et multiple et paradoxal, en cohérence complète avec la nature de l’objet étudié et la démarche de l’auteur.

ps : Le livre est parsemé de documents intéressants et pertinents, mais on soulignera surtout la présence des deux exercices de réinterprétation, celui sur Les 7 Boules de Cristal, et celui sur Krazy Kat (complètement inédit pour le coup).

ps2 : Il est dommage de finir pratiquement la thèse sur un passage étonnamment crispé au sujet d’Internet. Au lieu d’y voir là aussi un potentiel au niveau d’un nouvel espace d’expression (pas de feuilleté, verticalité, etc…), Menu s’enferme dans une défense du livre comme avenir éditorial et veut à tout prix prouver qu’Internet ne prendra pas sa place. Dommage de voir ressurgir là l’éditeur défendant ses choix et ses préférences plutôt que le théoricien étudiant sans a priori les spécificités d’une autre modalité de la bande dessinée.

ps3 : bien sûr, c’est un peu étrange de lire les pages sur l’Association au moment même où celle-ci est en crise structurelle et humaine. Les moments où Menu semble vouloir affirmer sa paternité sur la structure en remontant l’origine du projet à son fanzine Le Lynx, sont un peu gênants (même si pas forcément faux).
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MessagePosté le: Sam Mai 14, 2011 18:01    Sujet du message: Répondre en citant

En 1990, la revue CinémAction sort un hors série sur les rapports entre cinéma et bande dessinée. C’est peut être l’ouvrage le plus complet et le plus sérieux sur la question, coordonné par Gilles Ciment avec son copain Groensteen. Les ouvertures de chapitre sont dessinées par le jeune JC Menu.



Séparée en 7 chapitres (Théorie comparée, Focalisations, Echanges, Adaptations, Intersections, Confrontations et Extrapolations), L’ouvrage tente de faire le point sur les lieux de rencontre, de dissension et de variation entre les deux médiums, dans leur langage et dans leurs pratiques. La revue réussit à être pertinente même dans les axes de réflexion les plus attendus, elle aborde ainsi les questions de représentation par l’image, de cadrage et de montage pour montrer en quoi cinéma et bande dessinée ont une parenté forte mais aussi des différences fondamentales (le passage sur les points de vue et la focalisation est à la fois évident et intéressant), et se penche sur les endroits ou chacun se met en scène et se regarde (bande dessinée au cinéma, cinéma dans la bande dessinée). On nous rappelle évidemment que les personnages et les artistes sont souvent passés d’un média à un autre. L’approche théorique et esthétique des premiers chapitres est peut être la plus convaincante, mais on peut apprécier aussi le choix de multiplier les lectures et les démarches autours des différents champs investis.
Le plus intéressant reste l’esprit général qui tend à montrer que les différences sont plus nombreuses et plus fondamentales que les ressemblances, tout ce qui touche au temps, à la représentation, au rythme et au mouvement creuse finalement les spécificités de chaque art, et l’on peut voir que chaque effort d’un médium pour singer l’autre est voué à l’échec et à la caricature.



(ici une planche de Zig et Puce de Alain Saint-Ogan (fin des années 20), qui montre qu’en se rapprochant de Muybridge et de Matrix, la représentation du mouvement perd en dynamisme. Saint-Ogan privilégie ici la lisibilité plutôt que l’action, c’est une solution de l’ordre de l’idée plus que de l’image. L’attention à la compréhension du mouvement relève plus d’un rapport narratif que d’un rapport graphique à l’action)

Il s’agit finalement d’un ouvrage qui a à cœur de mettre en évidence en premier lieu la singularité de la bande dessinée, à une époque où celle-ci est encore considérée comme le cinéma du pauvre, ou comme le disait René Clair : « la bande dessinée, cinéma inanimé ». Et l’on passe beaucoup de pages à relever et contredire les clichés encore en place face à la bande dessinée, légèreté, superficialité, rapidité, narration elliptique, sont à la fois des qualités qui existent autant dans le 7eme que le 9eme art, et ne relèvent d’un « esprit BD » que dans les pires caricatures cinématographiques. A l’heure où les musées cherchent à hisser la bande dessinée au niveau des autres arts en la couplant, « bande dessinée et architecture », « bande dessinée et art contemporain » (et ne réussissent en fait qu’à poser sur elle un regard complaisant), marrant de voir que c’est en la dissociant, en explorant ses singularités plutôt que les points de rencontre, qu’on peut lui rendre justice et mieux faire apparaître la spécificité de chacun.

On pourra faire un reproche principal : la revue en est encore à dater la naissance de la bande dessinée à la fin du XIXeme siecle, simultanément à celle du cinéma. Du coup, on peut lire que la bande dessinée parfois mime le cinéma lorsqu’elle use de l’insert ou du travelling, en oubliant que ces procédés étaient utilisés par McCay avant que Griffith ne les « invente » pour le cinéma. Quelques années plus tard, la bataille autour de la naissance de la BD (Töpffer contre Outcault) remettra les pendules à l’heure.

Ce numéro est à remettre dans le contexte de son époque, il accuse quelques approximations théoriques qui seront corrigées plus tard, mais permet de mettre en relief la parenté toute relative des deux médiums, de mettre à mal certaines idées reçues pour mieux ouvrir des champs nouveaux de réflexion (autour du « jeu d’acteur » par exemple, ou de la temporalité dans la vidéo).
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MessagePosté le: Jeu Mai 26, 2011 0:43    Sujet du message: Répondre en citant



Ce livre essaie de répondre à cette question: qu'est-ce que la bande dessinée? On part du tout début: quelles sont ses caractéristiques propres en tant que medium, et quelles sont ses points communs avec les autres formes d'expression?

L’œuvre a le mérite de ne pas trop se concentrer sur la conception américaine récente de la BD, mais d'explorer un cadre beaucoup plus large, aussi bien géographiquement qu'historiquement.

Conceptuellement brillant, pédagogiquement limpide, pas trop long, idéal pour les néophytes comme moi. A lire (et à relire) absolument.
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Mathurine
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MessagePosté le: Jeu Mai 26, 2011 9:15    Sujet du message: Répondre en citant

Oui j'ai adoré l'Art invisible, c'est un peu comme si le Reader Digest avait consacré un article à la Galaxie Gutenberg de Marshall McLuhan, avec de jolies illustrations (enfin j'ai trouvé le dessin un peu moche parfois). Il ne m'a donné aucune migraine, et j'avais l'impression d'avoir appris plein de choses intéressantes, comme cet article sur les signes secrets du panthéon égyptien. Il m'a aussi rappelé le livre d'André Castelot sur François 1er dans lequel j'ai découvert ma fonction et mon origine, un must.
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Zagriban
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MessagePosté le: Jeu Mai 26, 2011 16:35    Sujet du message: Répondre en citant

Pour tous ceux qui comme moi n'ont pas tout compris:

Reader's digest

Citation:
Le Reader's Digest (Sélection en France et pour la version française canadienne) est un magazine familial, généraliste et mensuel. Leur format type (5½ x 8¼ pouces) du magazine a donné le terme Digest (petit format), c'est la taille d'un roman.







Galaxie Gutenberg de Marshall McLuhan
Citation:

La « Galaxie Gutenberg » est un essai du sociologue et philosophe Marshall McLuhan, l'un des fondateurs des études contemporaines sur les médias. Cet ouvrage est la traduction de l'édition originale:The Gutenberg Galaxy: The Making of Typographic Man, University of Toronto Press, 1962.

Dans cet ouvrage, McLuhan annonça que nous quittions la « galaxie Gutenberg » pour entrer dans la « galaxie Marconi ». Certains en conclurent que c'en était fini de l'information imprimée… Or, ce fut le contraire qui se produisit. C'est en effet dans les pays où elle était le plus diffusée que la presse quotidienne, malgré l'essor de la télévision, a continué à se développer le plus. Car, en délivrant une information plus rapide mais plus brute, les médias électroniques ont augmenté le besoin de vérifier et d'étayer. À ce propos, des spécialistes ont établi que vingt minutes de journal télévisé correspondaient seulement à trois colonnes de texte d'un quotidien…



André Castelot - François Ier



http://quelqueshistoires.centerblog.net/2178329-%C2%AB-Francois-1er-%C2%BB-Andre-Castelot
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Mathurine
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MessagePosté le: Ven Mai 27, 2011 0:10    Sujet du message: Répondre en citant

Reader's Digest, en effet, j'ai arrêté mon abonnement il y a quelques années, depuis que je lis de la bande dessinée. Le succès de ce mensuel fait partie d'un passé déjà englouti de la culture populaire.

Sur la Galaxie Gutenberg, certes, c'est l'hypothèse centrale (et infirmée) du livre, c'est aussi, et c'était mon idée, un des livres fondateurs des media studies, telles qu'initiées par Marshall McLuhan donc, avec une série de conceptions (media chauds, media froids, etc.) qu'on retrouve synthétisées dans quelques chapitres de l'art invisible. Il me semble même, mais comme pour le Reader's Digest c'est une vieille lecture, que McLuhan y est cité plusieurs fois.
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lldemars
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MessagePosté le: Lun Jan 14, 2013 17:42    Sujet du message: Répondre en citant

Au moment où je finissais ce texte sur Scott McCloud, la question se posait de son devenir ; comme il devenait bien plus copieux que ce que j'avais imaginé au départ, il semblait difficile de le placer dans le forum d'Enculture pour lequel j'avais plus ou moins commencé le boulot. Baldanders m'avait proposé, comme il se chapitrait, d'en disséminer les parties sur plusieurs sites. J'y réfléchissais.
Entretemps, l'intérêt de Du9 pour ce texte s'est manifesté plus vite que je ne l'imaginais. Le texte a été mis en ligne la semaine dernière.
Je ne renonce pas pour autant à présenter le travail sur le site qui m'a donné envie de le commencer, notamment parce que les habitués d'Enculture ne sont pas forcément ceux de du9 ; j'en place ici le premier chapitre, suivi du lien pour la suite si ça vous a intéressé.


______________________________________________________

En attente d’une théorie, mirages

« Naître là, c’est éclater dans le vide » — Jean Duvignaud

Ouvrir « L’art invisible » de Scott McCloud, c’est s’ouvrir presque instantanément, avant même d’en avoir vraiment commencé la lecture, à une première question, une question plutôt embarrassante : mais pourquoi diable ce dessin est-il si laborieux, si lourd, si rigide ? Pourquoi est-il, en fait, si visiblement laid ? À quoi invite cette laideur ? Qu’abandonne-t-elle ? De quoi est-elle le signe ?
Ce serait une erreur de jugement de la croire fortuite, d’y voir une simple maladresse technique ; elle est la conséquence d’un choix théorique et d’une circonscription de l’espace théorique lui-même.
Elle désigne assez abruptement le dessin comme espace implicitement athéorique en nous invitant à un partage particulier : c’est une hiérarchie insidieuse qui suggère d’abdiquer, d’emblée, certaines de nos exigences plastiques, artistiques, pour une promesse de lecture instructive.
Nous sommes conviés à entamer la lecture par un mouvement qu’on voudrait d’indulgence mais qui, déjà, est un acquiescement théorique et éthique, avant même que n’en soient exposées les lignes de force. Ce partage des enjeux — ou plus exactement celui qui fait un enjeu d’une part et un détail de l’autre — est la première de toute ligne de force chez McCloud. Nous la faisons nôtre dès l’instant où nous laissons nous-mêmes de côté la médiocrité de ce dessin au profit d’une invitation à célébrer la bande dessinée comme art majeur, selon les propres termes de l’auteur.
Si le dessin de McCloud est aussi nettement laissé à une terne pédagogie illustrative, il y a une bonne raison à cela : McCloud ignore que le dessin existe comme mouvement propre, ou plus exactement il lui réfute cette autonomie. Il l’envisage comme un accident tolérable s’il est immédiatement récupéré, ordonné, remis en coupe par la prééminence de l’écriture, de ce qu’il appelle assez grossièrement le sens.
Et si du dessin il ne connait que l’assujettissement à une fin sémantique, comment pourrait-il imaginer que celui-ci invente, déploie, égare et rassemble ce que le discours serait bien impuissant à formuler ?

Sur cette impotence du dessin de Scott McCloud plane un silence gêné ; c’est la chose dont tous ses défenseurs semblent avoir décidé de ne pas parler, comme si ça n’avait aucune espèce d’importance. Mais ce silence tactique marque le début d’un assentiment doctrinal.

Il est nécessaire de montrer ce qui condamne à mes yeux le dessin de McCloud, pour qu’on ne voie pas dans cette condamnation une simple petite perfidie.
Hélas, toute extraction d’une case de ce livre pour la donner en exemple, on le verra, saute aux yeux également comme une perfidie…
Comme je n’avais que l’embarras du choix pour montrer ici un dessin monstrueux, j’ai décidé d’en choisir un qui soit à la fois monstrueux et stupide ; et non pas stupide selon les normes platoniciennes de McCloud (ce qui reviendrait pour lui à montrer un dessin véhiculant une idée stupide), non, non : un dessin stupide ; un dessin dont la stupidité soit substantiellement dessinée, un dessin idiot dans ses formes, dans la compréhension fautive qu’il trahit de l’activité dessin, de sa puissance, de ses moyens-mêmes.



Voici donc une voiture qui, selon son dessinateur, roule à 100 km/h. Regardez-la bien. Outre le fait qu’il s’agisse d’un profil égyptien, ce qui est probablement l’angle de vue le moins dynamique que l’on puisse imaginer pour donner une sensation de mouvement à quoi que ce soit, outre le fait que ce rigide profil ne roule pas mais vibre comme une corde de guitare, outre le fait que le dessinateur a l’idée judicieuse de contrecarrer le mouvement de gauche à droite de la voiture par un arbre qui en brise visuellement la course, eh bien ses roues voient se renforcer leur courbure par un trait appuyé du côté où la vitesse et le mouvement devraient la rendre diffuse ; et au cas où par distraction on corrigerait mentalement le tir en se disant que, raisonnablement, c’est bien en avant que ça roule, une voiture, à 100 km/h, McCloud a eu la bonne idée de doubler ce ratage, de l’assumer bien à fond par un fantôme de plomb un centimètre plus loin.
Dans de telles conditions, plus aucune chance que cette chose avance, à quelque vitesse que ce soit. Et ça, c’est un problème théorique. C’est un problème dans la théorie-même de l’auteur de L’art invisible, qui, nous le verrons est une théorie de l’adéquation efficace du signe au message. C’est un problème dans sa propre théorie du sens.

« L‘art invisible » ne se veut pas seulement une analyse des moyens que le dessin en bandes peut se donner pour créer ses propres règles narratives, pour inventer de nouvelles formes de narration, de nouvelles règles mimétiques. C’est une étude méthodique et une démonstration pratique.
Quel genre de leçon exactement sommes-nous censés tirer d’une telle vignette ? Eh bien nous sommes, devant elle comme tout au long de l’ouvrage, invités à corriger ce que nous voyons par le crible de ce que nous lisons ; nous faisons ainsi un bond de cinq siècles en arrière et nous sommes les étudiants en médecine devant lesquels on découpe un cadavre mais dont toute l’attention est tendue vers le discours en chaire du maître qui lit Galien. Et si les observations faites sur le corps découpé ont bien grand-peine à coïncider avec l’anatomie parfois fantaisiste de Galien, c’est le corps qu’on corrige et qu’on plie alors à sa description.

Tout au long de son livre, Scott McCloud brinqueballera LA bande dessinée de notion en notion, de définition en définition, de paradigme en paradigme, en conservant pour chacun d’entre eux des contours si indéterminés qu’il sera bien difficile de se rebiffer : comment s’opposer avec clarté à une tentative d’annexion dont on ne voit que très confusément, au fond, ce qu’elle annexe, et à quoi exactement elle annexe ? Ces champs s’avèreront souvent si indéterminés qu’ils opèreront d’étranges contorsions théoriques et se replieront sur eux-mêmes jusqu’à l’autodévoration.
Je tenterai dans ce texte, à chaque fois que se présentera une de ces annexions sous un prétexte méthodique quelconque, de mettre en évidence la définition que Scott McCloud fait de ce champ, explicitement ou non, et les implications critiques qui en découlent[1].


__________________________

Notes

* [1] La traduction française compliquera encore la situation en ajoutant des zones de confusion à un livre qui n’en avait vraiment pas besoin ; il en va ainsi du dessin humoristique qui traduit si mal les notions de comic ou de cartoon en y impliquant une visée narrative particulière, a priori absente des démonstrations de McCloud. Il y aurait probablement un enrichissant travail supplémentaire à faire autour de L’Art invisible, consacré aux effets théoriques spécifiques qui découlent chez les lecteurs français d’une lecture de la seule version traduite.
On notera entre autres choses, dès la page 4, l’apparition d’un cadre descriptif particulier, celui du genre, qui traduit étrangement le mot medium. Peut-être une marotte narratologique française est-elle venue parasiter la vulgate sémioticienne anglo-saxonne ? Il est regrettable en effet que théorie et critique françaises de la bande dessinée s’engouffrent si régulièrement dans cette ornière typologique — Baetens (La Bd, un genre littéraire et pluriel), Groensteen (sur Töpffer), Grandaty (conférence avec Vanoli) jusqu’aux grosses machines éditoriales comme cet Art de la bande dessinée (Ory, Martin) «bilan de de l’histoire du genre» qui est sorti en septembre 2012 chez Citadelles & Mazenot…

De quoi la bande dessinée pourrait-elle être un genre ? Si la notion de genre, qui s’est nettement élimée dans les domaines de l’écriture et plus encore dans celui de la peinture où elle a régné quatre siècles (La naissance des genres, Frédéric Elsig), elle est encore très présente dans celui de la bande dessinée, dans les discours sur elle ; mais on se demande bien de quel ensemble celle-ci pourrait être elle-même un genre ? En faire un genre, c’est l’assujettir à un ensemble supérieur, dont elle ne serait qu’une des catégories, un des types.
Implicitement, l’on comprend bien qu’il s’agit d’un genre littéraire, qui ne présenterait sans doute des images que par son défaut d’être populaire (autre champ de détermination pour McCloud) ou son excès d’être expressif. Mais ceci en ferait alors un mode de l’écriture, et en aucun cas un genre.
Mais la bande dessinée n’est pas un genre littéraire, qui serait disponible entre la science-fiction, le policier ou l’autobiographie dépressive. Elle est elle-même une discipline à part entière, dans laquelle on peut d’ailleurs s’évertuer à retrouver la même inutile série de catégories si cela nous chante, du porno maritime à l’épopée rimée. On y trouvera donc également la science-fiction, le policier ou l’autobiographie dépressive et la même quantité d’âneries qui ruminent la question de ce qui est littéraire ou pas.



la suite ici : http://www.du9.org/dossier/lecrin-sans-serrure/
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