Les nuits de ma salade (Ali Abbasi, 2022)

[Castorp]

c'est violemment bon, tant le penchant pour le macabre et le bizarre épousent bien les lubies de l'islam. Et c'est souvent fabuleux : c'est pas une histoire d'amour, mais l'histoire d'une meuf qui accepte de se faire violer... parce qu'elle veut envoyer le violeur en prison.
C'est débridé, d'une grande poésie quand ça raconte les tueries, souvent très cruel (y a des histoires avec des cadavres, des viols, la mort est omniprésente), et le moralisme qui pourrait être insupportable s'affaisse devant la force des images et des représentations. Bref, je recommande très chaudement.

[Abyssin]

Yo man,

Tout d'abord, même si je n'ai pas vu le film, ton texte est pourri. Par contre, quelques règles sinon tu vas te faire taper dessus par l'expert en arts martiaux que je suis en train de devenir
- Mets le pitch du film
- Donne pas ton avis, c'est pas très apprécié. Mets plutôt un texte de quelqu'un d'autre.

Sinon n'hésite pas à éviter de me répondre sur les topics déjà existants car je t'ignorerais systématiquement.

[Castorp]

[Abyssin]

T'es vraiment une victime Castorp...

[Castorp]

Ce qui est factuellement faux.

Bref, t'as rien compris au problème, et surtout, tu veux pas comprendre.

[Qui-Gon Jinn]

Ali Abbasi distord des formes, étire des scansions d’où surgissent un inconscient très contrasté. À mi-parcours la tension retombe, la nervosité des affects jaillissant autrement. Un acrobatique pano précédant un bruissement onirique referme avec stridence ce périple tendu de bout de bout. Abbasi affine un fourmillement de mouvements des corps, fragmentation irisée d’une saturation des vitesses amenant un art des nuances exprimé dans une vitalité exacerbée. Éminemment poétique, Les nuits de ma salade est une destruction de tout un édifice cinématographique pour atteindre une autre beauté, celle d’un astre noir hurlant puis s’atténuant dans un lacis de micro-variations.

6/6

[Abyssin]

Au fait, je m'insurge contre le côté "chiant". J'en pense tout le contraire. Abbasi a le bon goût d'avoir pondu un script à l'os, sans aucun gras, et en ayant ressserré la durée à 357 minutes. Alors oui un film iranien peut être chiant mais là c'est plein de couleurs et le sexe ne manque pas.

[Jersey Multicolosospore]

UN GRAND FILM

Jugeant du cinéma depuis le cinéma le plus inventif et le moins complaisant (Stanley Kubrick et quelques autres), j’appréhende avec une méfiance certaine les réclames pour les films qui surabondamment fleurissent avec la rentrée du cinéma.
La vision du dernier film d'Ali Abbasi renvoie au néant ces miennes préventions. Car c’est assurément un grand film.
Un film philosophique où la pensée la plus forte est constamment à l’œuvre. En l’occurrence celle de l'ayatollah Khamenei (avec comme il se doit, mieux qu’à l’arrière-plan, Hegel et Kojève).
Un film philosophique sans doute, exposant, plutôt que la nausée sartrienne, l’extase façon Manuel Ferrara. Mais surtout sans que les philosophèmes viennent encombrer la narration, conduite avec un sens aigu de l’intrigue et du drama (le film se voit aussi comme un polar). Car la philosophie, comme disait Mallarmé, il la faut, dans le film, « infuse » plutôt que trop explicitement dépliée ». Dans le cinéma, ajouterons-nous, il la faut incarnée (à travers des personnages, des lieux et ces situations). Et, mieux encore peut-être, il la faut « musicale ».
La philosophie ici incarnée est celle du prophète Mahomet, dont le héros du film, un islamiste assassin, n'est pas un homonyme. À l’instar de Kojève, qui était à la fois un « penseur décisif » et un « fonctionnaire » (à « la Direction des relations économiques extérieures »), l'assassin islamiste est, un grand lecteur féru de Coran. Drôle d’idée, dira-t-on, que d’aller tuer des femmes quand on se veut croyant (sinon musulman). Sauf que pour le héros, comme il l’explique à un ami, « les putes, c'est le mal absolu ».
Kojève toutefois, en dialecticien orthodoxe, professait, en même temps qu’une fin de l’histoire (je simplifie beaucoup), une négation retournée en positivité seconde, une réconciliation, là où le héros du film professe quant à lui une « négation sans emploi » et « une expérience extatique du néant ».
S’ensuit, dans le film, toute une critique ravageuse de la violence contemporaine d’aujourd’hui (sa « part inavouable », maudite, consistant en la « mise à mort » des prostituées). Une critique d’autant plus incarnée qu’elle ne s’opère pas en surplomb, mais procède de situations et péripéties où le héros se trouve in medias res (il s'introduit dans le cœur urbain des villes comme, jeune étudiant, il s’était introduit dans le cœur du Coran).
Un des grands mérites du film est ainsi de se saisir à pleines mains, à travers sa fiction, de ce qui fait l’époque qui est nôtre (son « avoir lieu »), loin de toutes les facilités sociologisantes où se fourvoient tant de films.
Il n’empêche, c’est aussi un grand film balzacien (mais Balzac n’était-il pas aussi croyant ?), notamment quand il évoque, avec un réalisme saisissant, la vie des policiers de Téhéran.
Mais c’est aussi, en d’autres endroits, un film « hugolien » (plusieurs scènes ne sont pas sans évoquer Les Misérables).
Et même un film « rimbaldien », notamment quand le film évoque ce que peut parfois être l’existence quand viennent à s’y rejoindre « l’économie et la mystique » et qu’elle se fait « féerie ».

[François Bégaudot]

J'en profite pour signaler la résurrection de la très belle collection l'Arbalète, chez Gallimard, ou à côté de mes textes sur Giacometi et Rembrandt, nous avons l'honneur d'accueillir un texte décisif de Jerzy sur la figure de Saint Sébastien dans la vie moderne : Mes Collègues sont des Cons (700 pages avec les illustrations).
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Posez-moi une question, il vous répondera