enculture Index du Forum
 FAQFAQ   RechercherRechercher   MembresMembres   GroupesGroupes   S'enregistrerS'enregistrer 
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

Mes Provinciales (Jean-Paul Civeyrac, 2018)

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    enculture Index du Forum -> Critiques
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Hello--Kitty
dans le coma profond


Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Lun Avr 30, 2018 18:34    Sujet du message: Mes Provinciales (Jean-Paul Civeyrac, 2018) Répondre en citant




Quelques problèmes personnels, en tant que spectateur, avec ce film:

1) Il est totalement, mais vraiment totalement dénué d'humour. Qu'on se souvienne de ses 20 ans avec autant de sérieux, qu'on représente de jeunes étudiants de cinéma avec autant de solennité, j'ai du mal à le comprendre. Chez Civeyrac, le désir ou l'ivresse ne sont jamais drôles. Ils ne sont même pas gais.

Parenthèse : je dis "se souvenir de ses 20 ans" parce que j'ai réellement du mal à croire qu'on évoque ici 2017. Ces personnages qui disparaissent soudain sans laisser d'adresse évoquent davantage le XXe siècle que la génération hyper-connectée d'aujourd'hui, même si le film essaie (assez vainement) de les actualiser avec quelques sms et Skype. Pareil pour la façon de filmer Paris (la ronde des jardins publics, des cafés et des salles de billard sitôt la chambre parisienne quittée).

2) Il est totalement, mais vraiment totalement dénué de chair. Toujours ce côté protestant, un peu pudibond, qu'il y a dans les films de Jean-Paul Civeyrac… Mathias le Christ à l'assaut des futurs marchands du temple dans la salle de fac, disparaissant puis ressuscitant, sa résurrection suscitant l'émoi chez son plus fidèle apôtre, appelé à le trahir… Bref, absence totale de chair. La façon qu'a l'acteur principal de ne pas habiter son corps (assez insupportable pour moi) y est pour beaucoup. La rigidité dogmatique des personnages s'incarne dans un corps de nouille, un physique mollasson. D'ailleurs les filles prennent un peu Etienne pour un coussin (voir le premier plan où Diane Rouxel a la tête posée sur le torse d'Etienne, ou ce moment où Sophie Verbeeck, épuisée par une soirée de militantisme, laisse sa tête glisser sur son épaule).

D'une manière générale, j'ai trouvé que le film avait du mal à incarner son propos, que ce soit dans les grands principes artistiques dont se repaissent Etienne et Mathias (on ne verra que quelques plans du film d'Etienne, pour le reste ce ne sont que des projets ou des rêves de films) ou dans les préoccupations hyper-actuelles de la génération 2017 (le bonnet de docker de la zadiste Annabelle, les masques d'animaux dans la soirée - vegan ?). Par ailleurs je ne sais plus qui avait parlé de "fétiches" à propos des inserts sur les bouquins dans le dernier de Mia Hansen-Løve, mais j'y ai pensé ici aussi.

Parenthèse : Un fils de prolo, cette grande carcasse flasque, vraiment ? Hmm.

3) Le film m'a paru violemment sexiste. J'ai un peu de mal à accepter que cette espèce de grand dadais tout juste débarqué de sa province, qui ne fait jamais aucun effort pour exprimer son désir ou même simplement flirter à la cool, se constitue en quelques mois un tableau de chasse de première. Dès qu'un personnage féminin apparaît, on peut être sûr qu'il va docilement, dans les secondes ou les minutes qui viennent, témoigner de sa disponibilité. Que ce soit Jenna Thiam, obligée de tenter sa chance avec Etienne à plusieurs reprises (et même obligée pour arriver à ses fins de singer - très bien d'ailleurs - la lascivité hyper-souriante de Lou Roy-Lecollinet dans Trois souvenirs de ma jeunesse) pour faire craquer cet abstinent de pacotille, Valentine Catzéflis (Barbara) qui a les yeux qui papillotent dès qu'elle voit Etienne assis à son bureau ou même Sophie Verbeeck (Annabelle) qui ne peut être sotte au point d'ignorer qu'on ne pose pas sa tête sur l'épaule d'un garçon sans créer au minimum une ambiguité, elles sont toutes ouvertement disponibles.

Parenthèse : Pour parler d'un autre cinéaste pour qui la disponibilité féminine est un objet de sidération, on peut dire qu'Etienne-le-cinéaste a la même trajectoire qu'Amin-le-photographe (qui écrit des scénarios) dans Mektoub my love : il est incapable pendant 2 ou 3 heures d'exprimer son amour fou pour la fille la plus incandescente (Annabelle / Ophélie) qui se donne au beau parleur de la communauté (Mathias / Tony) puis il finit par former un gentil couple ("Je vais prendre ma douche" / "Allons manger des pâtes chez moi") avec la fille la plus ordinaire (Barbara la secrétaire non-idéaliste qui gagne sa croûte dans Mes provinciales / Charlotte la fille rejetée dans Mektoub).

Il ne me viendrait pas à l'esprit de reprocher au film les points 1 et 2, parce que ce n'est vraiment pas dans son projet. L'idée de la colocation, si on l'accepte, est assez efficace et permet de faire défiler les personnages (et de les faire brutalement disparaître) sans perdre de temps. Il y a de très belles scènes (la scène du baiser au ralenti de Jenna Thiam, celle de la confrontation entre Annabelle et Mathias, qui n'en finit pas, avec Jean-Noël qui, dans sa grande générosité, se met au piano pour atténuer la violence du moment…). Le film est d'ailleurs dégueulasse avec le personnage de Jean-Noël puisqu'il se rend coupable d'une double trahison (il rejoint d'abord Mathias puis un personnage "qui a du succès"). Mais peut-être que je n'ai pas compris que Jean-Noël était un con… Pour moi c'est le seul à sauver, notamment parce que c'est le seul qui s'intéresse à l'incarnation au cinéma (quand il se demande comment on peut représenter l'ivresse et qu'il convoque un souvenir de son grand-père). Je tombe sans doute dans le piège tendu par le film. D'ailleurs le film ne s'épargne aucune auto-critique et ne sauve réellement aucun personnage, sauf si on pense que le suicide valide l'hypothèse de l'intégrité de Mathias (personnellement j'aurais tendance à penser qu'elle valide l'hypothèse de sa vacuité, mais bon). En tout cas je trouve dommage qu'au moment où le film sort de sa mise-en-scène un peu répétitive (cette succession de beaux plans serrés pour film qu'on devine fauché), il ne propose rien d'autre qu'un pastiche de Mort à Venise, bref un final pour initiés.

3/6


Dernière édition par Hello--Kitty le Mer Mai 02, 2018 9:16; édité 1 fois
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
valzeur
dans le coma profond


Inscrit le: 30 Aoû 2015
Messages: 235

MessagePosté le: Lun Avr 30, 2018 23:39    Sujet du message: Répondre en citant

D'accord avec HK sur tout ! "Grande carcasse flasque", c'est exactement ça ; l'un des problèmes insolubles du film est le choix catastrophique d'Andranic Manet dont le charme et le magnétisme est inversement proportionnel à son tableau de chasse dans le film. A partir de cette constatation, on peut considérer Mes Provinciales comme un film de science-fiction.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Hello--Kitty
dans le coma profond


Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Mer Mai 02, 2018 9:17    Sujet du message: Répondre en citant

Je copie ici ce qui est dans le topic French Cinema.

valzeur a écrit:
deux défauts majeurs :
- l'inadéquation de l'acteur principal avec son personnage
- l'absence de point de vue
A moins que cette inadéquation soit en soi un point de vue : qu'autant de filles et de garçons s'amourachent/s'intéressent à un clone mixé Pete Doherty-Carl Barat en mode Droopy vaudrait alors pour critiquer le milieu et l'évasement par le bas de l'idéalisme qui déjà trouve à s'édifier sur de tels objets de rebut (ce piteux Etienne laid et mou comme un chamallow). Le film pourrait alors dépasser ce poids mort qu'est l'acteur Andranic Manet, mais j'ai des doutes sur cette hypothèse pour une raison bien simple - ou plutôt double d'ailleurs :
- la surcharge musicale charriant la psyché romantique du personnage principal sans aucune distance (Civeyrac réalise-t-il que Matthias démolit le court d'Etienne, notamment sur l'usage pompier et illustratif de la musique, que l'on retrouve au centuple dans Mes Provinciales ?)
- l'abus systématique de fondus au noir - le pompon : la première tentation du suicide, trois pas vers une fenêtre, clôturée entre deux fondus ; cette figure de style tente de redoubler la noirceur première du trajet des zoziaux, mais surtout rallonge inutilement le film d'une bonne dizaine de minutes
La possibilité d'un regard critique n'apparaît que par à coups :
- dans les plans sur le sourire presque narquois (émotion peu Civeyraquienne) de Jean-Noël lors de l'affrontement entre Matthias et Annabel, suivie par la chanson de Satie dédramatisante
- dans le passage très cruel entre Etienne et le fils de son professeur (j'ai regretté que le film ne s'aventure pas plus souvent sur ce terrain)
- dans le final hésitant entre grandiose et dérisoire (la plage de Mort à Venise remplacée par un toit parisien miteux avec une grue au milieu)
Au final, et après un travail sur moi, j'arrive à trouver un petit intérêt à Mes Provinciales et à ses personnages à la fois affirmés et pourtant doutant (j'adore le beau double détail de la non-orientation de ces jeunes spatiale et temporelle ; au tout début du film, Etienne cherchant son chemin demande à un étudiant de la fac incapable de lui répondre ; plus tard, c'est lui qui ne peut donner les horaires d'ouverture de la bibliothèque à un autre étudiant). Il y a une magnifique scène - la seule - au coeur du film, le baiser sur fond de fenêtre à contrejour où le visage de l'actrice s'approche avec la lenteur d'un astre du visage d'Andranic Manet. C'est la seule fois - avec l'échec de la main prise d'Annabel après sa rupture - où Civeyrac filme des travaux d'approche (d'où les raccords vulgaires rencontre + baise qu'il met en scène par deux fois).
Concluons : le film est certes bien écrit, bien structuré, bien joué (sauf Manet, quel Degas !), mais le romantisme qui le saupoudre est un expédient un peu trop commode pour traiter de désillusion et de résignation contemporaines.


J'avais le même problème de héros un peu trop avachi, un peu trop spongieux, dans le film d'Oliver Assayas sur sa jeunesse (Après mai).

J'ai trouvé l'idée de prendre Corentin Fila pour jouer le mentor excellente (meilleure que l'idée de prendre Emmanuel Salinger, que je n'ai jamais trouvé étincelant, pour un rôle équivalent dans Comment je me suis disputé par exemple). Je trouve remarquable que Corentin Fila ne joue pas le personnage de manière enfiévrée, qu'il soit en apparence sans ironie, ce qui rend assez incertain sa position vis à vis d'Etienne (est-ce qu'il l'estime vraiment ? la question se pose et fait suspens). D'ailleurs la scène passionnelle à la fac avec Annabelle est étonnante, on n'imagine pas du tout le personnage dans ce genre de corps à corps. Les raisons du flirt entre Mathias et Annabelle constituent un hors-champ qui fait problème d'autant qu'on a là pendant quelques secondes à la fac, dans le regard d'Etienne, le surgissement d'un tout autre genre de cinéma (pleurs, étreintes, je t'aime moi non plus). On sent bien que le cinéma des deux amis va rester totalement étanche à ce genre de scènes prosaïques. Laughing

Je ne connaissais pas l'acteur qui joue Jean-Noël (Gonzague Van Bervesselès), qui pour le coup est celui qui livre la prestation la plus proche d'un film de Desplechin (il y a un peu de Thibaut de Montalembert en lui). Apparemment l'actrice qui joue Héloïse (l'élève brillante et lesbienne, celle dont on sent bien qu'elle va intégrer la Fémis) doit être sa sœur, ils ont le même nom.

Baldanders, tu passes ton tour ?
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Mar Mai 22, 2018 20:53    Sujet du message: Répondre en citant



"Ce serait pas toi le fameux Hello-Balzeur qui écrit sur le site qui m'encule ?"
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Hello--Kitty
dans le coma profond


Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Mar Mai 22, 2018 23:01    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai mis 3/6, monsieur !
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Mer Mai 23, 2018 20:43    Sujet du message: Répondre en citant



"Et tu as bien fait ! Sache que le suicide, ça n'a rien d'une blague."
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
JM
dans le coma profond


Inscrit le: 10 Nov 2011
Messages: 129

MessagePosté le: Dim Sep 23, 2018 5:33    Sujet du message: Répondre en citant

Je comprends pas votre problème avec le physique de l'acteur, demandez aux jeunes femmes (ou hommes) autour de vous ce qu'ils/elles pensent de Louis Garrel (qui a un peu le même profil) et vous comprendrez peut-être que ce type de garçon a bien qqch de tout à fait attirant... Je suis désolé pour vous si vous leur ressemblez pas ! lol

La double traitrise de Jean-Noël peut s'expliquer par le fait qu'il était visiblement amoureux d'Etienne et qu'il est jaloux de l'intérêt que continue de porter ce dernier à Mathias, il ne s'agit pas seulement de cinéma pour lui.

Je vois pas le rapport entre le personnage d'Etienne et le personnage de Mektoub My Love, précisément en raison de tout ce que tu décris du premier.

Les nombreuses références littéraires/cinéma dans le plan me paraissent difficiles à rapprocher de celles muséifiées d'un Honoré ou d'une Hansen-Love, dans la mesure où il s'agit moins de clin d'oeil que de prendre sérieusement (hélas pour toi) en considération ses références pour sa propre approche cinématographique. C'est certainement là que se trouve le parti pris du cinéaste que certains trouvent absent du film.

Le film me paraît tout à fait plongé dans le contemporain, il actualise bien Bresson (si c'est un de ses buts, mais je dis pas qu'il lui arrive à la cheville esthétiquement parlant), y compris dans ses oppositions cinéphiles (ça m'étonne que sur un forum où s'expriment autant de dogmatiques - il ne s'agit pas d'une critique - on trouve que le film ne soit pas actuel du point de vue des débats qui y opposent les étudiants sur le cinéma, est-ce à dire que pour vous ce type de discours n'existe plus que dans quelques poches sur Internet et non sur les bancs des facs de ciné - que je n'ai jamais fréquentées pour mon plus grand bien). De ce point de vue là, il me paraît bien meilleur que les dernières bouses fadasses de Garrel (qui portraiture des jeunes qu'il croit aussi creux et revenus de tout que lui qui à 70 piges).

Bien meilleur aussi, pour un "film femis", que les mignardises merdiques de la fille Deleuze, Simon ou Lvovsky pourtant louées régulièrement par les Cahiers (qui a apparemment descendu le film de Civeyrac - car ils n'aiment pas le cinéaste de longue date pour une raison que j'ignore).
_________________
Opposant à ma propre candidature
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    enculture Index du Forum -> Critiques Toutes les heures sont au format GMT + 2 Heures
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum


Powered by phpBB and iRn
Traduction par : phpBB-fr.com
Protected by Anti-Spam ACP