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Le 15h17 pour Paris (Clint Eastwood, 2018)

 
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Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Lun Fév 12, 2018 18:40    Sujet du message: Le 15h17 pour Paris (Clint Eastwood, 2018) Répondre en citant



Valzeur a raison : c'est pas mal du tout.

Pour autant, quelque chose me chiffonne. Tout est fait dans ce film pour dissoudre l'aspect propagandiste du projet, d'une part en se référant à la "réalité" brute et ses véritables protagonistes (caution imparable), d'autre part parce que bien malin celui qui trouvera, dans ces trajectoires sans grande gloire d'êtres "vacants" (comme dit valzeur), la moindre volonté chez l'auteur de nous asséner un discours pro-américain triomphaliste. Car c'est l'un des sujets du film : cette question d'un héroïsme introuvable après le Vietnam (je cite valzeur : "L'héroïsme national transcendant ne peut plus advenir, suite au véritable innommé du film, le Vietnam, suggéré dans un plan de la chambre de Stone avec l'affiche de Full Metal Jacket, (le film de Kubrick est clairement cité dans la scène où Stone déconnecté de la réalité enchaîne les pompes devant son instructeur). Pour le meilleur et pour le pire, il ne faut désormais compter qu'avec l'héroïsme individuel purement contingent et occasionnel.")

Or, il me semble que c'est la capacité qu'a l'Amérique de fabriquer de l'idéal d'héroïsme et de l'esprit de sacrifice à partir de n'importe lequel de ses membres et à n'importe quelle époque (même quand il n'y a pas de grand conflit ouvert) qu'Eastwood a voulu illustrer. Les États-Unis, c'est cette nation où chacun peut réussir, où même le dernier des losers peut devenir un héros, un génie, un Président de la République (cf. Advise & Consent où c'est précisément le Vice-Président sans qualités, défini lui aussi par sa totale "vacance" et sa totale transparence, qui devient à la fin le chef de l'État). Dans l'Amérique d'Eastwood, chaque citoyen anonyme est mobilisable, non pas au nom de l'Amérique (impossible donc de l'accuser de chauvinisme) mais carrément au nom de l'Humanité, comme le récite opportunément Hollande à la fin du film.

Le tour de force propagandiste du film est ainsi de nous faire comprendre que l'Amérique produit naturellement, par une sorte d'harmonie interne et par la mission transcendantale qu'elle se confère sans même avoir à le proclamer (même si parfois elle crache le morceau, par exemple Bush Jr.), des êtres prêts à servir. Est oublié et refoulé, dans cette démonstration par l'incarnation, tout ce qui pourrait faire d'Américains des dissidents. Où sont la frustration sociale, la jalousie, le ressentiment, ou n'importe quel autre sentiment négatif, dans le parcours de ces Américains moyens ? Nulle part. Ils sont à peine sexués (les jolies filles ne font que passer). Pas d'ombre, pas de soupçon, rien que de la transparence. Aucun d'entre eux ne pouvait être vaguement communiste, possiblement homo ou quelque peu macho. Ce sont des individus sans aspérité, lissés par une vie de petites humiliations surmontées. Par cette positivité sans éclat, ils sont élevés au rang de parfaits soldats, non pas de l'armée américaine (la propagande serait alors trop grossière) mais du Bien, et ce par leur modestie et leur effacement mêmes. Et puisque il est incontestable que sauver des vies est une bonne chose, la nature intrinsèquement bonne du système politique et du mode de vie américains devient par là-même, par ricochet, incontestable.
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valzeur
dans le coma profond


Inscrit le: 30 Aoû 2015
Messages: 235

MessagePosté le: Mar Fév 13, 2018 1:11    Sujet du message: Répondre en citant

Hello Baldanders,

Tu n'as pas tort, mais ne trouves-tu pas que cette propagande est exténuée et ne marche pas comme elle devrait, ce qui rend le film passionnant ?

Par exemple, on peut gager qu'Eastwood fait le film pour immortaliser l'acte de bravoure du trio - et principalement de Stone - dans une sorte de trilogie "Fabrique du héros au XXIème siècle" après American Sniper (épouvantable) et Sully (médiocre). Or Chris Kyle de American Sniper est assassiné à la fin, Sully traduit en justice et blanchi in extremis, et nos trois pieds-nickelés se voient transformés en image, un traitement qui les désincarne absolument de leur vivant (le fameux quart-d'heure warholien). Il est frappant que le final glorieux - remise de la médaille par Hollande - se voit contaminé par des images retournées, comme pour leur donner un poids de chair., qui disparaît tout à fait avec le plan final de la parade, entérinant qu'il ne reste rien de ces trois-là que leur acte, et celui-ci voué à l'oubli (le film, d'une certaine façon, est un tombeau dédié à leur courage, qui renaîtra à chaque vison et disparaîtra au générique).

Cette fin, en fait, me semble particulièrement dérisoire (rappelons-nous la saillie narquoise du guide berlinois sur la volonté interventionniste en Bien des Américains en général). Et le piédestal sur lequel on les hisse les plonge un peu plus dans la solitude qui est la leur dans tout le film (les plans sur Stone après l'attaque sont sans ambages à cet égard ; il est complètement seul, blessé sur son fauteuil, laissé sur un quai en attente de secours avec une prière qui lui tourne dans la tête).

J'avoue avoir un goût marqué pour la partie européenne (clark aussi, d'ailleurs). Ces trois gars pas mal n'arrivent même pas à conclure, obnubilés qu'ils sont par les images ! As-tu remarqué les mouvements de caméra vers le cul des jeunes européennes : la réceptionniste italienne, la barmaid hollandaise ? Et pourtant rien : après la soirée techno à Amsterdam, on les retrouve dormant seuls dans leur chambres, qui dans son lit, qui sur un matelas de fortune, avec au beau milieu du champ un livre ouvert (un guide de voyage ?) ??? (j''adore ce plan). Ce conflit spectateur/acteur se retrouve dans un détail que je trouve magnifique, celui du pouce évoqué par Stone au Colisée pour traduire la toute-puissance de la foule romaine pendant les Jeux (dressé : la vie, baissé : la mort) : 40 minutes plus tard dans la projection, son pouce à moitié tranché tient difficilement pendant qu'il fait un point de compression à son compatriote blessé dans le train (un plan difficile à supporter d'ailleurs). il y a une morale très cruelle là-dedans...

Pour finir, il est quand même invraisemblable qu'un auteur classique et principalement médiocre comme Eastwood se réinvente sur le tard avec un cinéma de dispositif à la Felipe Barbosa (Gabriel et la Montagne). Même mal maîtrisées, toutes les implications qui en découlent font du film son plus riche et ambigu depuis longtemps (toujours ?).
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Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Mar Fév 13, 2018 12:35    Sujet du message: Répondre en citant

valzeur a écrit:
Pour finir, il est quand même invraisemblable qu'un auteur classique et principalement médiocre comme Eastwood se réinvente sur le tard avec un cinéma de dispositif à la Felipe Barbosa (Gabriel et la Montagne). Même mal maîtrisées, toutes les implications qui en découlent font du film son plus riche et ambigu depuis longtemps (toujours ?).


Absolument. J'avoue que je n'en reviens pas d'avoir trouvé le film fascinant de bout en bout.
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Baldanders
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MessagePosté le: Lun Sep 03, 2018 19:24    Sujet du message: Répondre en citant

Gontrand a écrit:
Baldanders doit être un amateur refoulé de soap de college américains comme "Sauvé par le Gong" (son film de l'année est "Lady bird" auquel la première moitié du Eastwood ressemble un peu)


Pourquoi "refoulé" ?
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Hello--Kitty
dans le coma profond


Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Mar Sep 04, 2018 18:02    Sujet du message: Répondre en citant

Gontrand c'est TL Mort ou je dis n'importe quoi ?
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Baldanders
dans le coma profond


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MessagePosté le: Mar Sep 04, 2018 18:05    Sujet du message: Répondre en citant

Hello--Kitty a écrit:
Gontrand c'est TL Mort ou je dis n'importe quoi ?


Vu la syntaxe approximative des deux, je dirais oui.
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Trollope
dans le coma profond


Inscrit le: 04 Oct 2011
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MessagePosté le: Mar Sep 04, 2018 21:29    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, c'est lui (j'aime bien le lire personnellement, mais comme beaucoup d'entre nous, sa stance morale (et intellectuelle) ne souffre contradiction que quand il le souhaite.
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Baldanders
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Messages: 967

MessagePosté le: Mar Sep 04, 2018 22:02    Sujet du message: Répondre en citant

Trollope a écrit:
Oui, c'est lui (j'aime bien le lire personnellement, mais comme beaucoup d'entre nous, sa stance morale (et intellectuelle) ne souffre contradiction que quand il le souhaite.


Sa stance ? Tu es sûr d'employer le mot que tu voulais ?
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Trollope
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Inscrit le: 04 Oct 2011
Messages: 637

MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 8:59    Sujet du message: Répondre en citant

Posture, pardon pour l'anglicisme.
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Hello--Kitty
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Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 10:52    Sujet du message: Répondre en citant

Baldanders a écrit:
Vu la syntaxe approximative des deux, je dirais oui.

Mais c'est lié à quelque chose, non? Le Français est sa langue maternelle ?

J'aime bien le lire aussi.
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Trollope
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MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 11:22    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne suis pas fan des critiques expéditives sur la syntaxe comme si on écrivait tous en suivant le Grévisse (qui était belge, peut-être comme Gontrand qui a l'air de vivre à Bruxelles)...
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Baldanders
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Messages: 967

MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 12:13    Sujet du message: Répondre en citant

Trollope a écrit:
Je ne suis pas fan des critiques expéditives sur la syntaxe comme si on écrivait tous en suivant le Grévisse (qui était belge, peut-être comme Gontrand qui a l'air de vivre à Bruxelles)...


J'aurais bien d'autres remarques à faire sur le personnage, entre autres sur son incapacité quasi-totale à prendre en compte des arguments opposés, ou tout au moins à respecter leur existence, mais ces jours-ci je ne sais être qu'expéditif (et, de toute manière, tu l'as déjà dit).

Au fait, ce n'était pas une critique. Par contre, ça le rend souvent difficile à suivre.
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Trollope
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Messages: 637

MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 12:45    Sujet du message: Répondre en citant

Tu fais référence à des échanges datant du forum des cahiers du cinéma ?
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Baldanders
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Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 13:31    Sujet du message: Répondre en citant

Non (je n'en étais pas). Je pense à des "échanges" ici ou chez feu les Spectres. Ça a toujours tourné très vite court, quand ça ne dégénérait pas.
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Trollope
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Inscrit le: 04 Oct 2011
Messages: 637

MessagePosté le: Mer Sep 05, 2018 17:53    Sujet du message: Répondre en citant

Ah j'ai confondu le forum des cahiers et celui des spectres (qui en est dérivé je crois).
Difficile d'avoir un dialogue sain sur internet, c'est un lieu commun que de le dire hélas.
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