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Hello--Kitty dans le coma profond
Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Mer Mai 31, 2017 9:00 Sujet du message: Jeune Femme (Léonor Serraille, 2017) |
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Baldanders a écrit: | Tu as tant que ça aimé Jeune femme, Kitty ? Art Core décrit le pire du pire pour moi du cinéma naturaliste, à savoir un cinéma rentre-dedans et illogique, à la Suzanne, film que j'ai profondément détesté pour la paresse et la bêtise de ses ellipses... |
Evidemment, une sélection officielle à Cannes + une Caméra d'Or, c'est un costume un peu grand pour Jeune Femme, donc mettons ça tout de suite de côté, le prix n'ayant par ailleurs pas beaucoup de valeur cette année.
Jeune Femme, c'est un film dont j'aime le projet, qui est de faire à la fois le portrait d'une jeune femme et d'une ville, et dont le modèle pourrait être, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de te le dire, les films d'Amos Kolek et en particulier Sue perdue dans Manhattan.
Le synopsis de Sue perdue..., c'est:
Citation: | Les errances d'une jeune femme seule et sans emploi qui vit a New York. Sue a quitté depuis longtemps sa province, sa famille et ses amis pour New York. Elle a perdu son emploi de secrétaire et ne peut plus payer son loyer. Attirante et sexy, elle s'en remet au hasard des rencontres inattendues d'un soir pour soulager sa solitude. Armée d'une ténacité surprenante et d'une grande dignité, elle essaie de nouer des relations d'amitié avec des femmes pour alléger son chagrin. |
Ça pourrait être précisément le résumé de Jeune Femme. Errances, rencontres, petits boulots, petites malchances et grande ténacité, dignité chancelante dans un monde sans pitié... Et chemin faisant, à travers le portrait d'une fille cabossée (elle commence par se fracasser le crâne contre une porte) et colorée (elle a les yeux vairons), faire la peinture d'une génération (évidemment précaire), de son rapport à l'amour, au travail, à la solitude.
C'est aussi une manière de braquer la caméra vers une comédienne 100% du temps du film, et de lui faire traverser tout un tas de registres - l'hystérie crispante, le burlesque, la clownerie... Donc il me semble que le film dépasse quand même largement ce que tu pointes (le petit projet naturaliste) et, réussi ou pas, est bien plus excitant que la plupart des premiers films français qui nous embarquent à la découverte d'un "univers" (les grapheurs, les motards...) en suivant la plupart du temps de dos et caméra à l'épaule un(e) adolescent(e) renfrogné(e) épatant(e) de naturel. Ici, je trouve que la traversée relative des genres et le jeu saillant de la comédienne permettent de briser le train-train de la chronique.
Quant à la peinture sociologique, elle m'a paru plutôt réussie. Je sais gré à la réalisatrice de savoir montrer par exemple comme les employeurs peuvent copiner avec toi pour mieux te rabaisser (je pense au personnage de la jeune mère bobo quand Paula devient baby-sitter - "On a le même âge, non ?" quelle humiliation...) Il y a aussi des effets comiques réussis, comme par exemple l'inadaptation flagrante de Paula au boulot qu'elle va pourtant décrocher (ce qui rend d'autant plus drôle et creux le discours carré d'école de commerce de son employeuse). Je trouve le film dérangeant à cet endroit-là: ce qu'on voit, c'est que Paula est capable de se battre comme une furie contre l'injustice amoureuse, mais qu'elle est capable d'avaler de grosses couleuvres dans un cadre professionnel. C'est le côté doux-amer du film: il faut bien s'insérer socialement si on veut s'en sortir, donc ne pas trop la ramener, mais en amour il y a encore peut-être des possibles, ça peut peut-être encore être un territoire intègre.
Ensuite, des personnages comme ça, au bord du HP, on en a tous connus, on les a vus sombrer ou se redresser. Un jour ça va, un jour ça va pas... Tu les regardes vaciller, tu les aides mais ils te font chier parce qu'ils sont chiants, tu te demandes comment ils vont s'en sortir tellement ils ne fonctionnent pas avec le monde tel qu'il va... Jeune Femme c'est un peu ça: tu regardes Paula essayer de s'en sortir dans le monde tel qu'il va mal, une scène elle te fait chier, celle d'après elle te touche, tu lui souhaites d'éviter le HP et de trouver un mec bien (et comme tu devines tout de suite de qui il s'agit tu es assez content de rejoindre mine de rien les rails de la comédie romantique)...
Bref, je ne suis pas trop d'accord avec l'argumentaire d'Art Core (qui ressemble d'ailleurs par moments, en mieux, aux textes si "fiches de lecture" de QGJ à base de "j'y crois pas" et "c'est pas possible" et "c'est pas tenu"), parce que film est un moment de traversée, donc sa construction me paraît juste : on prend le personnage au creux de la vague et on la regarde s'en sortir, passer d'un sale mec à un chic type - j'ai le souvenir d'une belle scène de désir autour d'un plat de pâtes, qui m'a rappelé une séquence similaire dans La Fille du patron avec Christa Theret. Dans la vie, quelquefois, les amitiés se nouent rapidement, il y a des accidents, les choses n'arrivent pas dans un rythme régulier. Je ne vois pas ce que le film pourrait bien avoir de non réaliste.
PS: tu parles de "cinéma rentre-dedans"… Je sais que je suis très tolérant (voire facilement séduit) par ce genre de film et toi pas du tout, donc peut-être que Jeune Femme vient me chercher à un endroit qui te laissera indifférent. Par ailleurs, étant fan de Laetitia Dosch depuis toujours, j'ai été particulièrement bien servi par ce film…
PS2: en y réfléchissant, Jeune Femme me fait penser au seul film de Corsini que je trouve supportable, La Nouvelle Eve… l'irruption de Karin Viard, le miracle d'une comédienne (un peu rentre-dedans elle aussi d'ailleurs) qui se met à incarner les filles de sa génération et qui rend supportable l'insupportable, donc.
PS3: après L'Avenir et L'Amant double, j'en ai un peu marre des chats qu'on trimballe d'un appartement à l'autre et dont on ne sait pas quoi faire, et de tout le symbolisme qui leur est attaché. |
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valzeur dans le coma profond
Inscrit le: 30 Aoû 2015 Messages: 235
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Posté le: Dim Juil 09, 2017 23:48 Sujet du message: |
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Bon, c’est moi qui m’y colle...
Nous avons vu le film en avant-première avec Baldanders et Clark, et devine quoi, HK ?, nous avons tous trois détesté Jeune Femme, sans y trouver le début du commencement d’une qualité !
La projection a été un supplice, tout est faux dans le film, aucune situation ne semble inspirée par le réel, autrement que par le biais d’un film déjà existant, que ce soit les portraits de Gena Rowlands par Cassavettes pour le meilleur (et encore, personnellement, son cinéma me donne des boutons...) ou Oublie-moi de Noémie Lvovsky pour le pire (trouvé par l’affûté Baldanders qui a reconnu la même entame).
Dès le départ, ça coince fort avec une scène effroyable : Dosch face à un soignant qu’elle malmène tout en faisant ressortir une humanité si forte - regard caméra - qu’elle est censée recouvrir le spectateur de torrents d’émotions contraires (exaspération, compassion, amour ?). Moi, je veux bien, mais :
a) Dosch est mauvaise comme un cochon (elle s’améliorera par la suite, devenant juste quelconque)
b) La situation telle qu’exposée est on ne peut plus curieuse pour ne pas dire plus : la paumée égérie d’un grand photographe au nom, comment dire... (Deloche, pourquoi pas Deburne ?) larguée après 10 ans passée avec lui au Mexique (pour ce que j’en ai compris) qui peine à se réinsérer à Paris...
La suite ne va pas relever le niveau ; sous prétexte de montrer une femme en crise qui se débat dans les avanies, Serraille déploie surtout un scénario bouée de secours qui prévient chaque chute ; Baldanders faisait cruellement remarquer le plan où Dosch sort lentement un emballage de sandwich d’une poubelle (mangera-t-elle ?) avant de le lâcher ; de telles affreuses extrémités ne seront pas le cas de notre héroïne toujours tirée d’affaire par un deux ex-machina (Le pompon : la superbe métisse lesbienne qui la prend pour une amie d’enfance dans le métro et l’héberge, rebondissement le plus débile que j’ai vu au cinéma depuis longtemps).
Je ne sais pas exactement ce que veut faire Serraille ; si c’est le portrait d’une femme borderline, c’est raté, on ne sent aucun trauma chez Dosch, ni d’ailleurs dans le scénario ; si c’est un portrait d’une société cruelle qui dévore ses jeunes en les jetant à la rue, c’est raté aussi, puisque le scénario permet toujours à Dosch de trouver un point de chute confortable au mépris des invraisemblances les plus énormes (la maman bobo qui l’embauche en 2 minutes, l’embauche à Habitat alors que l’entretien a montré l’inadéquation totale du poste et de la candidate - sauf évidemment si les autres postulantes sont des bossues pied-bot la morve au nez...).
De manière générale, Serraille escamote toutes les difficultés par des ellipses ; ma préférée : Nathalie Richard (au dessus de tout le casting) se bat littéralement avec sa fille pour la chasser de chez elle. Cut. Les deux, apaisées, préparent des pâtes. Mais bon sang, qu’est-ce qui s’est passé entre les deux plans pour en arriver là ? Il est vrai qu’il faudrait du talent pour expliciter ce changement d’humeur. Or, Jeune Femme n’en fait montre d’à peu près aucun ; il est par contre très dans l’air du temps, avec ces minorités visibles hospitalières (la métisse même pas insistante niveau baisouille, le vigile black) et ses français de souche pas corrects du tout (l’amie bourgeoise qui la vire, la maman bobo qui lui hurle dessus en très gros plan). C’est au final un CV : regardez ce que je peux faire dans le cinéma indé-sociétal pseudo-féministe à deux balles.
La salle où nous avons vu le film était remplie de ces jeunes femmes certainement à l’affût d’un portrait de leur vie. Je faisais remarquer à Baldanders et Clark que la physionomie du public aurait été fort différente si le film s’était appelé Vieille morue ou Grosse pédale. En sortant de la salle, je l’ai bien regretté. |
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François Bégaudot dans le coma profond
Inscrit le: 04 Nov 2013 Messages: 47
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Posté le: Mer Nov 01, 2017 21:18 Sujet du message: |
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valzeur a écrit: | ; il est par contre très dans l’air du temps, avec ces minorités visibles hospitalières (la métisse même pas insistante niveau baisouille) |
C'est à la fois plus retors et encore plus manichéen que ce que tu dis, car ce personnage est à la fois préfacé et compensé par le mec lourd (et sans doute bi) travaillant dans le champagne, qu'elle a rencontré à la soirée, dont elle ne sait pas s'il la harcèle sexuellement ou essaye vraiment de la consoler (nous et lui non plus d'ailleurs).
Le film est dans l'air du temps dans le sens où le clash homme-femme façon #balancetonporc (et le retour à l'ordre moral qu'il appelle, sans doute involontairement chez la plupart des femmes) est en train de prendre le pas sur les tensions comunautaires (et les réléguer au second plan sans pour autant les effacer) et relier cela à l'approfondissement-enracinement de la précarité (ce n'est pas si mal vu d'ailleurs). |
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valzeur dans le coma profond
Inscrit le: 30 Aoû 2015 Messages: 235
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Posté le: Mer Nov 01, 2017 21:32 Sujet du message: |
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Bien vu ! J'avais oublié ce personnage dont l'ambiguïté est présentée comme très déplaisante... Il est notable, pour rejoindre ce que tu dis, que l'héroïne pendant tout le film parvient à éviter toute relation sexuelle, même quand elle pourrait en avoir envie. |
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