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Good Time (Ben et Joshua Safdie, 2017)

 
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Hello--Kitty
dans le coma profond


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Messages: 2053

MessagePosté le: Mer Sep 20, 2017 13:55    Sujet du message: Good Time (Ben et Joshua Safdie, 2017) Répondre en citant



Après avoir embringué son frère Nick dans un braquage qui tourne mal, Connie doit désormais le faire libérer. Le temps d'une nuit, il tente tout à la fois de réunir assez d'argent pour payer sa caution et de le faire s'évader.


Good Time est une chouette idée de film 100% new-yorkais, rêve de film-action, tout en nervosité, vitesse, instabilité, s'incarnant dans un duo de frangins* inséparables "petit malin / gros teubé" à la Des souris et des hommes (à la mode ces temps-ci, voir Belgica, Le Prix du Succès...) et chevauchant le cauchemar nocturne de After Hours : on a une nuit pour rentrer chez nous et que tout redevienne comme avant - avant la traversée du miroir (traversée du miroir qui se fera littéralement, le petit se faufilant dans la fente des portes coulissantes, le gros se prenant la porte vitrée en pleine poire). On assiste à une mutation assez naturelle du cinéma anciennement fauché des frères Safdie dans le cadre du cinéma de genre américain : le mumblecore se transforme en borborygmes scorsesiens.

On devine que Good Time aimerait être une sorte de film sous acide (on y court un temps derrière une bouteille de soda contenant de l'acide), comme s'il s'agissait d'un bon polar haletant réalisé par Gregg Araki après ses pubs pour Kenzo. Le film a d'ailleurs une sorte de passion pour les fringues et le travestissement, faisant de Robert Pattinson un transformiste de haut vol qui change de veste et de couleur de cheveux à chaque séquence, le faisant ressembler de scène en scène un peu plus à Ryan Gosling (une des choses qui, avec l'utilisation de la musique et le goût pour les couleurs de surface, font que le film semble lorgner vers Nicolas Winding Refn).

Good Time est un film qui a la bougeotte, on sent que le premier qui s'arrête a perdu. C'est un immense jeu de poursuite à l'échelle de la ville, s'arrêtant ça et là sur diverses formes télévisuelles (les plans de coupe zoomés sur les immeubles "à la Dallas"**, l'arrestation de Pattinson filmée comme dans ces émissions de téléréalité policière). Le film clignote, change de couleur, la lumière est à la fois bleue et orange dans le même plan... Les teintes sont des pigments vifs qui explosent à la gueule comme dans une fête des couleurs indienne.

Pattinson est une sorte de super-héros dont le super-pouvoir serait le don d'apprivoiser tout le monde autour de lui (même un chien méchant dans un appartement inconnu), un super-embobineur dont le talon d'Achille est la tendresse indéfectible pour son frangin. Cette tendresse ne se discute pas, et c'est ce qui permet au film d'être tout en ligne droite (et non pas en "contradictions-obstacles" comme le rapport des frères dans le scénario du Prix du succès, pour revenir à ce film). C'est ce qui permet également au film d'être moins embarrassé dans sa façon de frôler tous les "laissés-pour-compte" (déficients mentaux, milf défaite - géniale Jennifer Jason Leigh qui fait son numéro avec sa voix traînante -, repris de justice, mamy shootée aux somnifères). En filigrane, on a parfois l'impression de regarder l'histoire des derniers Blancs essayant de survivre dans un ghetto noir américain (les masques de Noirs qu'ils portent pour leur braquage, la petite gamine que Pattinson doit "séduire" pour ne pas se faire chopper, les mecs qui se battent en prison, le dealer, etc).



* est-ce que quelqu'un a compris s'il y avait un aîné et un cadet ?
** ce genre de plan a un nom, non ? j'ai oublié


Spoiler:

Confused


Dernière édition par Hello--Kitty le Mer Sep 20, 2017 19:53; édité 1 fois
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Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Mer Sep 20, 2017 20:23    Sujet du message: Répondre en citant

Laughing Bah oui, c'est pas encore cette fois qu'on va tomber d'accord ! Pareil que pour l'autre, je suis sorti au bout d'une demi-heure. D'une, je n'aime pas qu'on me mette la pression. De deux, je n'aime pas qu'on fasse passer une énorme star pour un demi-clodo complètement à cran, ou alors si on le fait, il faut que l'acteur joue quelque chose et ne se contente pas du minimum syndical (frénésie et compagnie). De trois, j'ai trouvé la musique absolument insupportable, surtout qu'ils nous la servent comme un paquet de chantilly dégueulasse sur à peu près tous les plans. De quatre, les gros plans sont intéressants et utiles le temps de la première séquence (où il s'agit d'opposer deux types de gueules, l'intellectuel compatissant et l'autiste opaque), mais ensuite ils me paraissent complètement systématiques, des pis-aller pour éviter d'avoir à construire l'action dans l'espace. Par exemple dans cette scène où Pattinson et Jennifer Jason Leigh (dont - de cinq - je n'aime pas du tout le numéro) se retrouvent chez l'avocat (est-ce bien le métier du juif censé s'occuper de payer la caution du frère ?) : on ne voit absolument rien, on saute d'une gueule à une autre, personne ne joue ensemble... De six, je trouve ça franchement glauque. Et d'un glauque tellement artificiel qu'il me fait fuir comme Pattinson sur ta photo.
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valzeur
dans le coma profond


Inscrit le: 30 Aoû 2015
Messages: 235

MessagePosté le: Jeu Sep 21, 2017 1:07    Sujet du message: Répondre en citant

Hello les hommes,

Vu il y a deux mois en avant-première et j'ai déjà pratiquement tout oublié de ce film qui m'avait frappé par sa stupidité "compensée" par un travail éreintant sur l'emballage coloré cra-cra clinquant. Comme Baldanders, la musique m'a été une souffrance renouvelée puisque la bande-son de Oneohtrix point never recouvre approximativement toutes les scènes. Détail amusant : j'ai vu ce film présenté par le jeune critique prosélyto-vegan en devenir, Théo R. (des Inrocks) qui en préambule nous apprit que Good Time avait été un tel shoot d'émotions et de tout à Cannes qu'il l'avait vu deux fois, préférant rater un film de la compétition. Je m'en étais calé dans mon siège, m'attendant à un déferlement de sentiments puissants et forts. A la sortie, j'avais l'impression que le gogole du film, ce n'était pas le frère Safdie à la lippe tombante, mais ce pauvre Théo R., et je me suis mis à beaucoup regretter les beaux films de dérive nocturne et flashy qu'a pu tourner Wong Kar Wai au début de sa carrière.
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Trollope
dans le coma profond


Inscrit le: 04 Oct 2011
Messages: 637

MessagePosté le: Lun Sep 25, 2017 2:01    Sujet du message: Répondre en citant

Je fais partie des séduits.
D'abord j'aime les films qui ont une unité de temps, se déroulent pendant une nuit au fil des rencontres, avec une narration digressive (mais pas After Hours, je pense plutôt au Three Businessmen d'Alex Cox par exemple). Ensuite je rejoins la critique de Louis Blanchot sur chronicart : sans cette première scène très réussie, et la dernière, un peu facile et néanmoins ambigüe, le film perdrait beaucoup de son épaisseur émotionnelle.
Enfin, c'est l'exercice de style, avec ses accents véristes (contredits par le rythme artificiel, "sous pression" comme le dit Baldanders et qui retranscrit bien toutefois une urgence réelle), et la façon dont il est mené qui m'ont intéressé. Je suis un grand fan de Donald Westlake, et j'ai vu ce qu'on voit rarement au cinéma, la captation d'un New York qu'on n'a pas l'habitude de voir, avec ses prêteurs sur gage, ses toxicos, sa diversité, ses accents (les acteurs ne donnent pas l'impression de parler comme dans un film hollywoodien, ou même une mumblecorie sans saveur avec ses jeunes new yorkais paumés/oisifs/apathiques mais plutôt comme Bernie Sanders). Le passage dans le parc à thèmes, qui aurait pu virer dans la facilité "onirique" à la Hannah de Joe Wright (qui se souvient de ce film) ou le The Guest d'Adam Wingard (qui n'ont rien inventé, remember le labyrinthe de miroirs à la fin du film de Wells) m'a rappelé le Slayground de Richard Stark alias Westlake.
On a en définitive un équivalent tout à fait convenable du polar hardboiled de la grande époque (on peut penser aussi à l'adaptation de Westlake qui était Point Break, mais dont les parti-pris esthétiques étaient différents, pour un résultat proche).
Quant à dire que Pattinson joue sur la seule note de l'hystérie, c'est de la mauvaise foi, quand au contraire il incarne, comme le dit HK, un type dont le trait principal est qu'il amadoue les gens autour de lui.
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Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Lun Sep 25, 2017 2:53    Sujet du message: Répondre en citant

Trollope a écrit:
Quant à dire que Pattinson joue sur la seule note de l'hystérie, c'est de la mauvaise foi, quand au contraire il incarne, comme le dit HK, un type dont le trait principal est qu'il amadoue les gens autour de lui.


Je n'ai vu qu'une demi-heure du film, je l'ai précisé. Et dans cette demi-heure Pattinson n'est que frénétique (je n'ai pas parlé d'hystérie) et le film ne lui laisse pratiquement aucun espace pour "jouer". Le jeu d'acteur ce n'est pas seulement nous faire comprendre à quel genre de "personnage" on a affaire, c'est l'invention de ce personnage par l'acteur, et pour qu'il y ait invention il faut qu'il y ait interaction avec l'environnement et avec les autres acteurs. Dans la scène chez l'avocat il n'y a aucune interaction, les corps n'existent pas, on n'a que des inserts et des gueules qui crachent des dialogues, seul le tempo produit l'unité de la scène.

Mais prenons une autre scène où on trouve un peu d'interaction, celle qui précède, quand Jason Leigh et Pattinson sont dans la bagnole : comment l'amadoue-t-il ? En expliquant son problème, c'est tout. Elle parle de partir avec lui et lui la prend de vitesse en lui expliquant qu'il y a urgence. Et comme par magie, elle est "amadouée", prête à cracher l'argent. Pattinson n'a pas eu besoin de jouer.
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Hello--Kitty
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Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Lun Sep 25, 2017 11:03    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Trollope, viens poster plus souvent, on n'est plus très nombreux en ce moment mais on est vaillants.

Baldanders a écrit:
Mais prenons une autre scène où on trouve un peu d'interaction, celle qui précède, quand Jason Leigh et Pattinson sont dans la bagnole : comment l'amadoue-t-il ? En expliquant son problème, c'est tout. Elle parle de partir avec lui et lui la prend de vitesse en lui expliquant qu'il y a urgence. Et comme par magie, elle est "amadouée", prête à cracher l'argent. Pattinson n'a pas eu besoin de jouer.

Je ne dis pas ça pour le plaisir de dire une grossièreté mais il est assez clair qu'il la tient par la bite, non ? La situation, l'âge des acteurs, le jeu couinant de Jennifer JL… A partir de là, il me semble que le film n'a pas besoin d'aller beaucoup plus loin dans l'explication. Ce que j'ai plutôt apprécié moi, au contraire de toi, c'est que les frères Safdie ne nous infligent pas des mamours entre les acteurs. On se dit "Il ne fait aucun effort, ça ne passera jamais…" et en fait ça passe, preuve que Jennifer JL est totalement accro et fracassée par la vie. Il me semble que Pattinson utilise néanmoins l'arme de la culpabilisation, quelque chose comme "Tu me parles d'un voyage de tourtereaux à la con alors que moi je te parle de mon frère qui a besoin de moi!" La façon dont le film n'interroge jamais l'attachement de Pattinson à son frère et l'urgence de la situation est une donnée que j'ai trouvé plutôt séduisante voire énigmatique. En tout cas, pour revenir à la séquence dans la voiture, je ne dirais pas que Pattinson l'amadoue "comme par magie", même si c'est vrai qu'il a une sorte de super-pouvoir, comme je disais plus haut. Il brutalise Jennifer JL et la prend pour une conne parce que c'est sans doute ça leur rapport. Et je suis certain que c'est un rapport réaliste.

Je comprends évidemment ce que tu dis sur la mise-en-scène et a priori je serais plutôt d'accord avec toi, ce n'est pas le genre de découpage que je préfère, mais je dois reconnaître que j'ai trouvé que le projet un peu basique "on va peindre le paysage d'une ville seulement avec des visages" était très réussi. Et ça me plaît d'autant plus que c'est quelque chose autour duquel les réalisateurs tournent depuis longtemps - il me semble que The Pleasure of Being Robbed (j'adore ce film) était déjà mis en scène de cette manière, avec cette façon de se placer le plus loin possible pour essayer de compenser à la focale. Plastiquement le film a de la gueule. Je comprends valzeur quand il parle d'emballage cracra mais je sens aussi que c'est dû au changement de braquet en terme de budget.

Trollope a écrit:
Hannah de Joe Wright (qui se souvient de ce film)

Pas vu, je déteste Joe Wright. Je crois que c'est Zahad qui adore.

Trollope a écrit:
Ensuite je rejoins la critique de Louis Blanchot sur chronicart

Je viens de la lire. C'est toujours assez honnête, ce qu'écrit ce garçon. Je crois que c'est mon rédacteur de Chronic'art préféré.
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Trollope
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Messages: 637

MessagePosté le: Lun Sep 25, 2017 17:10    Sujet du message: Répondre en citant

C'est marrant parce que je n'ai pas du tout la même interprétation que Baldanders pour la scène avec l'avocat mais sa vision n'est pas contradictoire avec la mienne. Je trouve que tu te laisses trop emprisonner par tes présupposés-préjugés (ça commence avec la star qui incarne un semi-clodo).
La scène avec l'avocat véreux met en scène des rapports pécuniaires. Ce qui est brossé en quelques traits, c'est tout ce monde interlope (seedy comme on dit en anglais) où on brasse de l'argent et l'on profite de la misère de l'autre. On ressent bien cette hésitation, mais en même temps cette façon d'agir et de prendre le taureau par les cornes liés à l'insolvabilité du héros (car tout le monde y trouve un intérêt, par la force des choses - du système implacable). C'est là qu'en dépit des rapports uniquement régit par l'argent qu'apparaît une hésitation, où finalement l'avocat/receleur/prêteur sur gages n'apparaît pas seulement inhumain. Cette hésitation perdure dans des questions de forme et de comportement quand le personnage de Jason Leigh se voit reprocher son hystérie et que Pattinson, assez hypocritement, se voit obligé de s'excuser pour elle.
Donc finalement, cette absence de rapports humains se justifie, chacun trouve un intérêt chez l'autre, on est dans le polar behavioriste le plus dénué de sentimentalisme à ce moment-là, et néanmoins tout n'est pas noir ou blanc.
Au point de vue formel, si on compare le film des frères Safdie à une série (nulle) comme The Night Of, on a deux représentations des milieux déshérités et acculés de New York, mais l'un est complètement artificiel en comparaison de l'autre.

Je m'exprime de manière un peu lourde, désolé.


Pour Hannah de Joe Wright, et je me base uniquement sur un souvenir lointain maintenant, c'est finalement son seul film vraiment intéressant (même si Orgueil et Préjugés, merci Austen, et Atonement, merci la voix de Vanessa Redgrave, ne sont pas dénués de qualités d'après moi). Il se termine avec une course poursuite dans un parc d'attraction, finalement un cliché du cinéma américain.
Slayground de Richard Stark, c'est un roman particulier dans la série des Parker, dans la mesure où il y a une unité de temps, de lieu et d'action et qu'il raconte la traque dans un parc d'attraction du personnage principal par une armée de mafiosi.
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