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Les Fantômes d'Ismaël (Desplechin, 2017)

 
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Baldanders
dans le coma profond


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Messages: 967

MessagePosté le: Ven Mai 26, 2017 22:21    Sujet du message: Les Fantômes d'Ismaël (Desplechin, 2017) Répondre en citant

Je n'ai pas trouvé le film plus mal-aimable ou plus mal foutu que les précédents. Ce qui a peut-être surpris et déçu les spectateurs, c'est que le film ne crée un vague suspense autour du retour de Carlotta/Cotillard (qui est-elle ? que veut-elle ?) que pour l'abandonner très vite au profit de scènes de délire fiévreux déjà vues dans la plupart des films avec Amalric. On a dans ce curieux virage narratif quelque chose de parlant, qui en dit long sur les blocages de Desplechin.

Est-ce que cette histoire de femme disparue l’intéressait ? J’en doute. Vu comme il enchaîne les scènes explicatives, il s’est peut-être amusé sincèrement à enquêter sur les droits d’une personne qui revient après avoir été déclarée décédée. Mais c’est moyennement intéressant pour le spectateur, qui préfère évidemment les histoires de personnages tordus aux problématiques administratives.

Carlotta n’est pas tordue, pas plus que Sylvia/Gainsbourg. Ni l’une ni l’autre n’existe, sauf (un peu) dans leur rivalité : ça donne les deux meilleures scènes du film, quand Carlotta danse puis que Sylvia l’engueule sur la terrasse. À part ça, elles sont de purs et simples faire-valoir du personnage masculin qui fait jouir l’une et donne un enfant à l’autre.

On parle beaucoup du côté romanesque des films d’AD mais ce qui frappe dans ce nouveau film, c’est à quel point il ne raconte rien. Le récit tourne en rond autour d’un intellectuel un peu timbré mais sans doute doué (son prod l’adore) et en tout cas séduisant malgré son air de clochard qui dissimule, forcément, un prince (c’est dit et redit par Sylvia).

Desplechin se projette donc dans ce personnage complexé mais sincère qui lui-même se projette dans un personnage pseudo-romanesque (Louis Garrel) sur qui il tombe plein de trucs du ciel : une jolie femme, un boulot trépidant, du fric… Rappelons l’enjeu principal du cinéma français pour Desplechin : "A chaque film, je cherche comment construire un héros masculin possible. Je pense que dans le pays où j’habite, il y a une difficulté à représenter une figure idéale de héros masculins." On n’en sort pas.

En-dehors de la vacuité du récit, le gros problème devient alors la manière dont sont traitées les femmes. Kitty a parlé de sa gêne devant la scène où Dedalus force Sylvia à l’inviter chez elle : il furète dans l’appartement puis s’apprête à partir, elle : « Tu ne m’embrasses pas ? », lui : « Non. » et il se barre.

Ce ne sera pas la seule goujaterie du film et du personnage. Quand il tourne son film au parc du Luxembourg (indice supplémentaire qu’on a bien affaire à un alter-ego d’AD), premier détail marrant : il porte une veste militaire (le tournage comme champ de bataille où le cinéaste représente le commandement/phallus), Sylvia s’assied et sort un bouquin, il la rejoint : « C’est la première fois que tu assistes à un tournage ? », elle (curieuse) : « Oui. Je t’ai vu crier sur tes assistants, tu es toujours aussi violent ? », lui (faussement modeste) : « Ça dépend… », elle (excitée) : « Tu me donnes tes clefs ? Je t’attends chez toi. » Dans l’univers mental de Desplechin, rien de tel qu’un grand phallus kaki pour faire mouiller les gonzesses…

Et lui, Dedalus, qu'est-ce qui l'excite ? Les gonzesses ? Un peu, mais elles sont quand même chiantes (elles te trahissent, te quittent, te font crier, délirer, etc.) sauf quand elles sont à ton service (voir la scène finale où Sylvia vient le servir de café pendant qu'il bosse, et qui tourne à la scène de baise : de la plume à la queue il y aurait en quelque sorte continuité). Non, ce qui excite Dedalus c'est la hiérarchie masculino-centrée : il est le chef sur son tournage, mais son ombre n'est rien à côté de l'ombre de Bloom, qui est plus grand (cinéaste). Dedalus le reconnaît avec gourmandise, tout comme il s'avoue à voix haute, dans la dernière scène qui les réunit Carlotta et lui, aimer le père à travers la fille...



Desplechin entouré (variante : comprimé) par ses femmes
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dans le coma profond


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Messages: 2053

MessagePosté le: Ven Mai 26, 2017 22:52    Sujet du message: Re: Les fantômes d'Ismaël (Desplechin, 2017) Répondre en citant

Baldanders a écrit:
Vu comme il enchaîne les scènes explicatives, il s’est peut-être amusé sincèrement à enquêter sur les droits d’une personne qui revient après avoir été déclarée décédée.

Ça me ramène à ce que je te disais l'autre jour sur l'excès de documentation dans les romans américains les plus récents de J.I. J'ai ressenti ça également, dans Les Fantômes d'Ismaël, dans la séquence où Amalric va voir un médecin et lui fait un cours (il veut se faire opérer de l'hypothalamus ou je-ne-sais-pas quoi, pour que cessent ses cauchemars). Je suis certain que tout ce qui est dit dans cette séquence est exact, mais cette exactitude tourne court car elle ne se diffuse que dans les dialogues, elle ne nourrit pas la dramaturgie comme dans un conte de Noël, par exemple (qui est bien sûr un film d'un autre genre).


Baldanders a écrit:
Ce ne sera pas la seule goujaterie du film et du personnage. Quand il tourne son film au parc du Luxembourg (indice supplémentaire qu’on a bien affaire à un alter-ego d’AD), premier détail marrant : il porte une veste militaire (le tournage comme champ de bataille où le cinéaste représente le commandement/phallus), Sylvia s’assied et sort un bouquin, il la rejoint : « C’est la première fois que tu assistes à un tournage ? », elle (curieuse) : « Oui. Je t’ai vu crier sur tes assistants, tu es toujours aussi violent ? », lui (faussement modeste) : « Ça dépend… », elle (excitée) : « Tu me donnes tes clefs ? Je t’attends chez toi. » Dans l’univers mental de Desplechin, rien de tel qu’un grand phallus kaki pour faire mouiller les gonzesses…

On entend aussi, un peu "Tu me donnes les clés de ton univers de créateur ?" Lui: "D'accord." Elle : "Oh, non, ça m'impressionne !" Avec Charlotte Gainsbourg, éternelle adolescente, en étudiante germanopratine (elle vient lire sur un tournage!) épatée par le cinéma du héros.

Mais cette scène ne m'a pas dérangé comme celle du viol / non-viol de l'appartement, parce qu'elle est immédiatement grotesque. Amalric ressemble davantage à son personne de Tournée ou au Edouard Baer de Ouvert la nuit.

Baldanders a écrit:
il est le chef sur son tournage, mais son ombre n'est rien à côté de l'ombre de Bloom, qui est plus grand (cinéaste).

Je ne sais pas si c'est ton influence mais je ne supporte plus ces scènes d'auto-dénigrement.

Baldanders a écrit:
comme il s'avoue à voix haute, dans la dernière scène qui les réunit Carlotta et lui, aimer le père à travers la fille...

Une coquetterie truffaldienne ?
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valzeur
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MessagePosté le: Sam Mai 27, 2017 0:51    Sujet du message: Répondre en citant

Je vous détourne des stéréotypes de genre morues-blaireaux chez Desplechin...

Vous avez dû remarquer le déficit d’incarnation de tous ses film qu’il essaie de pallier avec des séquences somatiques ou pppphysiques (hôpital, chute sur le trottoir, cassage de gueule) ?
Dans LFDI, il s’est trouvé un nouveau joujou pour figurer le corps : l’ajout prothétique d’un effet spécial cronenbergien à une scène d’espionnage folklorique faussement classique (cira le Troisième Homme) ; l’explosion d’une tête ultra-réaliste (enfin, j’imagine). J’ai trouvé ça dégueulasse au figuré encore plus qu’au propre (évidemment, c’est dans la fiction stupide dont on ne saisit rien).
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Hello--Kitty
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Messages: 2053

MessagePosté le: Sam Mai 27, 2017 2:43    Sujet du message: Répondre en citant

valzeur a écrit:
Vous avez dû remarquer le déficit d’incarnation de tous ses film qu’il essaie de pallier avec des séquences somatiques ou physiques (hôpital, chute sur le trottoir, cassage de gueule) ?

Ah oui la bagarre fordienne d'Un conte de Noël… Elle est plutôt chouette.

Devant la scène de Marion Cotillard toute nue, je me demandais si on avait déjà vu une bite dans un des films de AD. On sait qu'Amalric n'a pas trop de problème avec ça...

valzeur a écrit:
Dans LFDI, il s’est trouvé un nouveau joujou pour figurer le corps : l’ajout prothétique d’un effet spécial cronenbergien à une scène d’espionnage folklorique faussement classique (cira le Troisième Homme) ; l’explosion d’une tête ultra-réaliste (enfin, j’imagine). J’ai trouvé ça dégueulasse au figuré encore plus qu’au propre (évidemment, c’est dans la fiction stupide dont on ne saisit rien).

Ça s'oublie tellement vite, cette scène… Je ne l'ai pas vu comme un nouveau joujou, plutôt comme une façon de revisiter le motif de la tête (la tête réduite et la fantasme de l'impuissance dans La Sentinelle) dans ce film très auto-citationnel.


Vous n'avez pas trouvé que Louis Garrel était très bon ? En particulier dans sa première scène, l'interrogatoire avec Jacques Nolot ?
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valzeur
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Messages: 235

MessagePosté le: Dim Mai 28, 2017 23:57    Sujet du message: Répondre en citant

Garrel ? C’est la seule chose agréable à regarder dans le film. Son personnage à la Tintin est quand même très limité, mais oui, il s’en sort pas mal...
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