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Monsieur et Madame Adelman (Nicolas Bedos, 2017)

 
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Hello--Kitty
dans le coma profond


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MessagePosté le: Sam Mar 11, 2017 14:27    Sujet du message: Monsieur et Madame Adelman (Nicolas Bedos, 2017) Répondre en citant


Le sourire de Doria Tillier


Comment Sarah et Victor ont-ils fait pour se supporter pendant plus de 45 ans ? Qui était vraiment cette femme énigmatique vivant dans l'ombre de son mari ?
Amour et ambition, trahisons et secrets nourrissent cette odyssée d'un couple hors du commun, traversant avec nous petite et grande histoire du dernier siècle.
(synopsis officiel)


Je me doute que vous ne l'avez pas vu mais j'ai quelques connaissances de réseau social qui ont l'air d'avoir apprécié ce film et ça me déçoit, alors je vous en parle.

Il a beau essayer de se démarquer de son jumeau ("Il existe des amours irréversibles" plutôt que "L'amour dure trois ans"), Nicolas Bedos s'appuie sur la même démonstration que Frédéric Beigbeder pour développer son "ambitieux" récit, soit 3/4 de film où l'on se dépeint en connard pathétique (je suis arriviste, cynique, envieux et alcoolo, je trompe ma femme pendant qu'elle accouche) avant un dernier quart de rédemption où l'on montre qu'à l'intérieur de soi un petit cœur humaniste et romantique palpite, cette dernière phase se résumant dans l'affirmation du personnage principal, écrivain célèbre vainqueur du Goncourt et néo-académicien : "Je donnerais tous les romans que j'ai écrits contre un seul des sourires de ma femme." Entre parenthèses, quoi de plus stupide que cette phrase, qui considère que les sourires féminins flottent dans le ciel, comme celui du chat du Cheshire, qu'ils sont pure esthétique divertissante et n'ont rien à voir avec la vie ni avec son accomplissement ?

Bref, le sujet (le couple face au temps) est intéressant pour un film de ce calibre mais Bedos ne connaît rien à son sujet, ça se voit et ça s'entend dans chaque scène.

On voit aussi que c'est le chef op qui fait le découpage. C'est ce qui doit faire dire au producteur qu' "un cinéaste est né". C'est bon les gars, l'image est clean, les mouvements de caméra envoient du pâté, un cinéaste est né.

L'écriture scénaristique ? Il faut se fader les torrents de voix-off qui structurent le récit (c'est toujours pratique) et, quand la voix-off daigne s'interrompre, on patauge dans des séquences où le dialogue fait du surplace. Dans les moments de comédie, chaque phrase ne fait que répéter ce que la précédente vient de dire, avec un peu plus de virulence (et un certain sens de la formule, il faut le reconnaître, même si on s'en fout des formules) : ça n'avance pas, on cherche à faire rire comme dans un sketch, c'est-à-dire par empilement, pas comme dans un film comique. On a tout le temps envie de couper des phrases. Pas étonnant que le film dure deux heures.

Est-ce qu'il y a malgré tout des moments drôles ? Oui, quelques blagues racistes (les domestiques noirs, l'étalon latino), à moins que ce soit des blagues anti-racistes, on ne sait pas très bien. Il faut dire que Bedos se démerde très très bien pour user d'impertinence tout en protégeant ses arrières - voir le cas de l'enfant débile et mal-aimé dont on prend garde de dire "qu'il n'est pas autiste" (ça évitera d'avoir les associations sur le dos); voir aussi le coup du libertinage-surprise : "Tout plutôt que l'ennuiiiiiii !" hurle Bedos avant de se déballonner trois minutes plus tard et de revenir à son train-train bourgeois dès que le mec pose les mains sur sa femme. On joue à se faire peur, toujours selon la même logique : je me dépeins d'abord en ordure (je n'ai même pas prévenu ma femme qu'elle allait se faire tringler par un autre, je la force alors que manifestement elle ne souhaite pas jouer à ça) avant de montrer dans un dernier élan qu'au fond de moi j'aime ma femme (je fous à la porte l'amant, ma possessivité étant la preuve de mon amour), ce qui m'absous de tous les crimes précédents. Il ne me reste qu' à faire preuve d'un peu d'audace en mettant un disque de Gilbert Bécaud pour emporter la belle, je suis tellement irrésistible...

Evidemment on ne fait que traverser les époques (45 ans en tout) sans que jamais elles ne s'enroulent autour du destin du couple. Le film se contente de faire voir quelques fétiches (copyright INA) et de dresser quelques constats amers ("Aujourd'hui on a écrit sur tout, on ne peut plus rien faire de neuf, tout a été fait."). Les décors sont ratés, les patines sur les murs sont étonnantes de fausseté.

On dit du personnage de Doria Tillier qu'elle est brillante, mais on ne voit jamais en quoi. Quand, à la télévision, Modiano reçoit le Prix Goncourt, elle est en train de se faire une beauté dans la salle de bain (c'est une femme) et se contente de répondre "Mais pourquoi tu t'énerves ?" à son mec qui fustige l'écriture blanche et apolitique de l'écrivain. On se demande comment elle a obtenu sa maîtrise de Lettres Modernes et comment la voix-off peut être aussi élogieuse à son égard. L'actrice est assez limitée (ça se sent en particulier dans les séquences face au journaliste) mais plutôt radieuse et bien filmée. Elle s'en sort bien, après tout c'est son premier long-métrage. Le film parle tout le temps de son physique (elle est trop grande, elle a un sale nez...) et c'est gênant, on s'en fout. Ce qui est étonnant, narrativement, ce n'est pas que le personnage de Bedos tombe amoureux d'une girafe qui a un gros nez (on le voit bien, qu'elle est sexy, pas besoin de se justifier) mais plutôt que le personnage de Doria Tiller décide de lier sa vie à un homme médiocre et physiquement répugnant.

Quand Denis Podalydès apparaît, il est tout de suite drôle, ce qui ne fait que confirmer que le reste n'est pas drôle du tout et qu'il n'y a pas d'acteur.

Le film a la même idée que "Jackie" : il se structure autour de l'interview, au lendemain de la mort du Grand Homme, de l'héroïne, veuve dure, cassante, condescendante, par un petit journaleux médiocre qui n'a pas vraiment les épaules pour le faire mais qui, on ne sait pas trop pourquoi, va susciter la confidence. Le film sent bien que ça coince d'ailleurs puisqu'il intègre ce problème dans le dialogue : "Mais pourquoi vous me dites ça à moi ?" demande le petit journaliste. Réponse de la veuve : "Parce que j'avais envie de voir la tête que vous alliez faire." Trop fastoche.

Il y aura une révélation, sorte d'angoisse de l'imposture enveloppée / dissimulée dans un féminisme à la Sardou (par là j'entends la philosophie machiste "en fait ce sont les femmes qui gouvernent le monde"). Là, on se dit que c'est dommage, que le film aurait dû raconter cette histoire-là depuis le début, que ça aurait été plus intéressant.

Les points communs avec le film de Guillaume Canet qu'on évoquait dans un autre topic ? Une obsession pour les couilles, une table basse en verre et une scène où l'acteur / réalisateur prend subitement sa meuf / actrice sur la table de la cuisine (étonnant, ce fantasme récurrent, quand même… pas tellement le fait d'utiliser une table, je suis au courant que c'est assez agréable voire pratique, non, plutôt l'aspect pulsionnel du truc, assez ringard). Sinon, tout poussif et maladroit qu'il soit dans beaucoup de scènes, j'ai trouvé que Rock'n roll était bien mieux écrit, plus marrant, plus touchant, plus étonnant que ce Monsieur et Madame Adelman qui cherche à tout prix à "faire cinéma" et qui m'a donné la gerbe.

Bon, je voulais écrire un court paragraphe et voilà, je me répands, tant pis.

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