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Les Habitants (Raymond Depardon, 2016)

 
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Hello--Kitty
dans le coma profond


Inscrit le: 03 Nov 2010
Messages: 2053

MessagePosté le: Lun Mai 09, 2016 17:16    Sujet du message: Les Habitants (Raymond Depardon, 2016) Répondre en citant




Raymond Depardon part à la rencontre des Français pour les écouter parler. De Charleville-Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, il invite des gens rencontrés dans la rue à poursuivre leur conversation devant nous, sans contraintes en toute liberté. (synopsis officiel)


De quoi parle-t-on quand on se parle? Je trouve que c'est un peu le sujet du film, non ?

Réponse : on parle d'avenir, la plupart du temps. C'est peut-être lié au dispositif, à cette idée d'inviter des gens à s'asseoir dans une caravane. Ça leur donne sans doute l'impression d'entrer dans la roulotte d'une cartomancienne... Il n'y a plus de caravanes sur les routes depuis longtemps mais Depardon ressuscite ce drôle d'objet qui était un peu à un moment donné ce qui distinguait le "plus riche des pauvres" (celui qui avait les moyens d'avoir une caravane et la voiture capable de la tracter dans un camping de canadiennes). C'est peut-être avec l'arrivée des caravanes que tout a commencé à merder, après tout...

On a le sentiment que la France qui se dessine progressivement dans le film est le pays des familles recomposées. On aborde, la plupart du temps, des questions qui tournent autour du fait de "refaire sa vie". L'économie semble moins préoccuper les gens que le lieu où l'on vit et la personne avec qui on vit. Est-ce qu'on doit s'éloigner de ses parents ? Laisser ses enfants partir ? Est-ce qu'on doit se débarrasser une bonne fois pour toutes de cet homme / cette femme qui empoisonne la vie mais qu'on aime quand même ? Car le temps passe...

Des portraits de vies fracassées se dessinent et se relient entre eux naturellement : une fille de 18 ans qui négocie avec son mec les "marques" dont elle voudrait habiller son enfant pourrait devenir cette femme de 24 ans qui n'a pas envie de subir un troisième avortement, puis cette autre femme de 32 ans qui boit une bouteille de whisky par jour. La caravane relie les destins français, sous des faux airs légers et insouciants.

Les personnes "s'oublient" assez peu et semblent demeurer conscientes du dispositif, c'est ce qui sauve le film finalement. Ce n'est pas du cinéma vérité, plutôt une possibilité offerte à des duos de se dire quelque chose devant la caméra, ou plutôt à côté d'elle - comme cet homme épais qui écoute d'abord sa compagne lui parler de vacances en Espagne et tenir un petit discours convenu sur les racines avant de craquer et d'interrompre le topo de la femme pour réclamer subitement le droit de dormir avec elle.



Bref ils sont tous ici pour parler, discutailler, se dire les choses. On ne boit même pas un petit café, ce n'est pas spécialement convivial: on ne boit pas, on ne fume pas, mais on cause.

A ce petit jeu, les parents ne ratent pas l'occasion de faire passer des messages aux enfants. Séquence sublime: une jeune rebeu transfuge de classe (elle fait des études de médecine et voudrait attaquer son internat) doit faire face au sourire de sa mère qui lui dit avec tout l'amour du monde que c'est important de se marier et de lui faire des petits-enfants, un garçon et une fille si possible, qu'elle a fait assez d'études avec ses 5 années post-bac. Chevelure brune épaisse pour la fille aimante mais ambitieuse, voile bleuté pour la mère débordant de tendresse, hyper-violence culturelle sous des aspects de conversation feutrée. Bonne chance à elle(s).


Il n'est pas du tout bleuté ce voile, qu'est-ce que je raconte ?

Forcément, on épie quelques vérités sociologiques. Les filles entre elles parlent très souvent des mecs et de la façon dont elles sont mal traitées voire maltraitées (les coups, les pensions alimentaires pas payées, les adultères sur réseaux sociaux). Les garçons parlent souvent des filles, eux aussi. Mais seules les filles ont vraiment le courage de se contredire entre amies. Les mecs qui sont copains et ne pensent pas la même chose vont rarement à l'affrontement dans le discours (et les corps donnent le change : j'aime beaucoup le geste de ces deux garçons qui font semblant de se frapper tout en parlant, ça m'a rappelé des choses de l'enfance). En y réfléchissant, je me suis dit que cette différence hommes / femmes dans le dialogue est une donnée assez juste qui pouvait aussi se constater dans la vie.

Un des plaisirs du film est de devoir repartir de zéro à chaque cut, à chaque nouveau duo à l'intérieur de la caravane. On se repose les mêmes questions: c'est qui, eux ? ils sont amis ou frères ? il fait quoi dans la vie, lui ? etc. Je dirais que, formellement, sur la question du dialogue et de la gestion des infos capitales dans une séquence, ce n'est pas inintéressant. Qu'est-ce qu'on a vraiment besoin de savoir pour entrer dans un rapport entre deux personnes ? Je crois avoir entendu Depardon (ou sa femme ?) parler de ça. Les Habitant pourrait de fait être un bon support pour un cours de scénario sur le dialogue à La fémis.

Voilà. J'y allais sans excitation, avec la moue dédaigneuse du mec qui s'attend à voir "un mauvais Depardon" et finalement j'ai plutôt aimé.

Ah oui... On pourrait quand même interroger ce drôle de choix de montage qui fait qu'alors qu'on nous avait jusqu'à présent épargné les teubés de l'époque, on doit subir, à la toute fin, un duo de jeunes Noirs qui ont l'air de prendre les filles pour des paillassons puis un duo de mémères qui trouvent que les étrangers font trop de bruit et salissent leur jolie ville. Je n'ai pas bien saisi cette vulgarité finale.

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Baldanders
dans le coma profond


Inscrit le: 23 Déc 2010
Messages: 967

MessagePosté le: Mar Mai 10, 2016 13:14    Sujet du message: Répondre en citant

Pas grand-chose à dire sur ce film... Sinon que je trouve qu'il y a une contradiction entre les limites du "dispositif" (deux personnes, de profil, "castées" au hasard, plus ou moins gênées par la caméra qui oriente leur conversation) et la prétention du film à montrer "l'humanité" (le bain de bienveillance dans lequel tout ça baigne). Pour le dire vite, les gens que je vois m'intéressent, mais la mise en scène et le montage beaucoup moins.

C'est un peu le même problème avec le dernier film d'Alice Diop, La Permanence, qui a eu le grand prix au Réel cette année : tu vois des gens défiler, tu as un instantané de leur vie, de leur caractère, de leurs préoccupations, mais finalement tous ces gens sont bien trop "cadrés" par le film pour exister au-delà du film, et à la fin il ne reste plus que le film, très content de lui-même.

Tu as fait abstraction de Depardon pour te concentrer sur les personnes qu'il nous montre et tu as bien fait. Moi je n'y suis pas arrivé, et donc j'ai quitté le film avant la fin, saoulé par ses signes extérieurs de "regard" trop discrets pour être honnêtes.
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