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Lutte des corps et chute des classes (Thomas Gosselin et François Henninger, 2013)

 
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Docteur C
Invité





MessagePosté le: Mar Fév 05, 2013 20:16    Sujet du message: Lutte des corps et chute des classes (Thomas Gosselin et Fra Répondre en citant



Lutte des corps et chute des classes, Thomas Gosselin et François Henninger, l'Apocalypse 2013

Dans un récit mettant en scène des agents doubles londoniens, infiltrés communistes, récit à charge libidinale et révolutionnaire truffé de références à l'histoire politique, à l'histoire de l'art et aux logiciens, Gosselin et Henninger démontent le langage et l'image cryptique de la bande dessinée, la logique moderne prise dans des hachures qui se font ondes fluctuantes, dans des diagrammes désossés et une science moquée par des jeux dialectiques, de miroir et de soustraction.

Les corps s'y emboitent et baisent dans de multiples mécaniques, mais malgré l'imagerie pornographique la chair reste distanciée par son traitement (franco-belge).

Les territoires et cartes tabulaires s'imbriquent aux corps, la logique moderne et ses schémas mathématiques partouze avec les forces de travail intellectuel et de renseignement comme l'annonce le titre.

Et pourtant rien ne sort de cette puissante agitation des signes, des schémas, des cartes, des corps, des références à l'histoire de l'art, de la bande dessinée et des symboles politiques qu'elle charrie.

Cette bande dessinée travaille des thématiques familières, en terme de pensée du langage, de l'image et de pensée de la puissance de l'art, de ses limites, de ses possibles politiques. Pour autant je n'y vois au final qu'un long exercice de style, brillant de bout en bout dans son déroulement certes, mais en un mot : postmoderne. L'Histoire dialectique n'y est qu'une archive, le récit une contemplation malgré l'évocation répétée de la sodomie.

Il manque à cette bande dessinée ces moments d'interrogations intenses qui font les grands livres, intensités bien plus présentes dans Un novembre (journal) pour François Henninger chez Anathème, et dans Au recommencement pour Thomas Gosselin chez Atrabile.

Cette lecture a été une déception malgré les promesses multiples de ce livre au catalogue des éditions de l'Apocalypse.
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Docteur C
Invité





MessagePosté le: Mer Fév 06, 2013 16:50    Sujet du message: Répondre en citant

Oui oui si je poste ici cette critique c'est bien dans le but d'affronter mon jugement à celui des autres enculteurs - et notamment celui de Carton mais le tiens est bienvenue aussi. J'y projetais sans doute trop d'espoir, j'espérais un cran au-dessus des précédents livres des deux auteurs, et je ne suis pas sûr que cette bande dessinée en ait la puissance (d'Un novembre, d'Au recommencement,).

Ce qui m'ennuie c'est la dispersion du catalogue des signes, si j'écris franco-belge c'est qu'il y a cette présence un peu trop appuyée de la ligne claire (Hergé, Hergé, Hergé) quand même elle est là, j'y vois l'explosion de petits signes morts, d'un récit d'espionnage archéologique, sans lien direct avec le vivant.

Et la desérotisation qu'emporte cet emploi de la ligne claire (or Henninger n'a pas que cette corde à son arc), elle me pose problème, j'aurais quand même voulu bander sur une ou deux pages, mais non.

Mais ça reste un livre qui compte hein, dans ma vie de lecteur, ce lutte des corps et chute des classes.
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Bicéphale



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Messages: 80

MessagePosté le: Jeu Fév 07, 2013 13:21    Sujet du message: Répondre en citant

Mmm... ça me paraît plus complexe et polyphonique qu'un nouveau développement de la ligne claire (ce à quoi se livre par ailleurs, après Swarte, Chaland ou Floch, EMG avec son passionnant Tremblez enfance Z46 paru chez Tanibis). La longue scène de chasse à courre par exemple, et tant d'autres passages. Réduire le boulot de Henninger à un travail sur la ligne claire me parait réducteur. J'y vois aussi toute une présence du trait satyrique anglo-saxon, nerveux, espiègle, jouisseur. Et du dessin d’enfant. Etc., etc. Bref, conjonctions, histoires de traits. Le livre travaille à tout ça, machiner une masse critique de traits (pas sûr qu'il y arrive par ailleurs : moi aussi, une petite déception pointe, mais Bosse disait non sans raison qu'on en attendait tous bien trop pour être honnêtes maintenant, l'objet sous les yeux).

La jouissance, là donc, plutôt, accumulation de traits, liaisons, que dans les figures humaines elles-mêmes, non pas une désérotisation des corps par la ligne claire mais une érotisation du trait, des espaces, des objets, de leurs relations, déjà présente dans d'autres travaux d'Henninger. Une pleine page où deux hommes s'enculent, et on s'intéresse au tapis sur lequel ils sont couchés, le tapis qui fait des vagues, des vagues de traits, torsades, croisillons qui grimpent aux murs, parois de hachures. Dans une autre scène de pénétration, le mouvement qui s’impose, par-delà les deux corps emboîtés dans l'encadrement d'une fenêtre ouverte, c’est celui du poignet d’Henninger et l’invite faite à l’œil. Hachures, noirs composés de tresses épaisses, les reliefs du plafond, leur symétrie imparfaite, tout ce qui vibre, cadres noirs des fenêtres, murs aux briques à peines visibles sous les traits (souvent ce qui s’agite le plus n’est pas ce qui bouge), etc. Je sais pas. C'est là que ça s'érotise, non ? Mais peut-être alors regretter que les figures elles-mêmes ne participent pas à la fête ? Ou bien interroger ces rapports, ce régime concurrent.
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Docteur C
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MessagePosté le: Dim Fév 10, 2013 18:17    Sujet du message: Répondre en citant

Oui oui bien d'accord avec ce que tu pointes, il n'y a pas que de la ligne claire dans le dessin d'Henninger, loin de là, et la ligne claire ne se limite pas à Hergé : Swarte, Chaland, Floc'h et Rivière, mais aussi Ted Benoit avec son Berceuse électrique, etc.

Oui aussi, il y a bien érotisation des traits, des motifs, des hachures, des espaces, c'est le trait lui-même qui érotise (je crois que j'avais écrit et puis corrigé "les hachures se font ondes sensuelles" car il y a une terrible réminiscence de variété française dans cette description). Des moments de dessins badins, jouisseurs, anglais, la partie de chasse en effet, etc.

Pourquoi j'en arrivais à écrire désérotisation? Peut-être parce que j'ai trouvé que la ligne claire, son occurrence ponctuelle, et sa présence, n'était pas toujours des plus pertinentes.

Cette question de la ligne claire et du pornographique n'est de toute façon pas au cœur de mon doute, de mon petit malaise, de ma petite insatisfaction sur ce livre, elle n'est que périphérique à la question du poétique, langage et politique, image et politique, de ce qui est "élargi" et "détruit" par Lutte des corps et chutes des classes. Si il s'agit d'un inventaire des signes existants, d'une explosion du signal, des codes - c'est-à-dire sans rapport direct avec le vivant, avec ce qui vit, respire. maintenant, c'est un peu dommage, il y a quelque chose d'insatisfaisant (alors que le livre d'Henninger chez Anathème comme une fissure, une régénération, une floraison déréglée traversant le livre, c'était quand même autre chose).
Alors là aussi c'est plus compliqué, étant donné la charge érotique, étant donné qu'on s'y encule pas mal, et de bien des façons, dans ce livre, alors bon je ne suis pas très sûr de moi, il faudra que je le relise dans quelques temps.

PS : Pas encore lu Tremblez enfance Z46 il faudra que je m'y penche.
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Carton
dans le coma profond


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Messages: 1952

MessagePosté le: Lun Fév 11, 2013 18:51    Sujet du message: Répondre en citant

Je n’ai pas lu les autres livres des auteurs, je n’avais lu que les pages pré-publiées de celui là. Je n’ai pas du tout été déçu donc, je n’attendais pas autre chose que ce que j’avais pu en lire auparavant.
J’y vois tout de même un geste très vivant dans tout ça, bien plus qu’un simple catalogue de références. Si le livre effectivement construit et détruit tout un monde bouffon de sens qui se déplient et de signes qui s’emboitent, ça passe dans le même mouvement par une jouissance des agencements, des structures et des dispositions, et de leur remise en jeu constante. La désintégration du code comme cache va de paire avec l’amour du jeu qu’il ouvre. Il y a une critique des systèmes, un désir d’explosion des cadres, tout en réactualisant le plaisir de la rime et du mouvement. Une sorte de grande ironie à mettre en relief l’absurdité des signes mais aussi le plaisir qui vient de leurs agencements.
Ce qui devient central, ce sont les joies du rebond, de la chausse-trappe, du miroir et du tourbillon. Si la chaire est triste, c’est qu’elle est mécanique, que bêtement ça s’emboite. Et le livre s’emploie à casser tout idée de mécanique pour remettre au centre ce plaisir du jeu. Le mélange des signes devient absurde, ça tourne à vide, mais tellement fort et vite que ce mouvement même en fait tout le prix, ça devient une force. La transfiguration du monde n’est pas un hasard ou une erreur de code, c’est le devenir inéluctable d’une forme en perpétuelle réinvention, jusqu’à ce que le monde en perde pied et devienne autre chose.
Effectivement, érotisation du trait, et aussi jubilation des constructions et destructions, griserie du rythme, de l’éclatement du sens et d’une revitalisation des formes (le trait perpétuellement bouillonnant, le découpage qui semble rebondir tout le temps et se réinvente toutes les deux pages).
Je trouve ce livre bourré d’énergie, pas du tout un machin théorique ou post moderne, mais plutôt un surgissement constant, un truc violent, arraché et joyeux. Ce qu’il propose est de l’ordre du tripal, secouer les codes et les signes jusqu’à en faire surgir des bégaiements, des explosions et des clignotements. La fin est comme une spirale en apothéose, on pète tout, tout se casse la gueule, mais dans une expansion des possibles, le cryptique devient une échappée plastique, le trait une saillie narrative.

En fait je n’ai pas du tout de réserve sur ce livre. Sous ses dehors un peu dandy, il est très simple et très beau (et drôle aussi), et il m’a foutu une sacrée pêche, si je peux me permettre.
_________________
La Quadrature
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