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Zahad le rouge dans le coma profond

Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 1968
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Posté le: Jeu Oct 18, 2012 22:27 Sujet du message: God Bless America |
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Ça fait une demi-heure que j'ai commencé à regarder le film de Bob Goldthwait. Je ne sais pas où ça va aller, mais pour l'instant, le film est absolument incroyable dans son propos, ce n'est pour l'instant que l'histoire d'un homme qui n'est plus du tout accepté par son époque parce que lorsqu'il se penche sur l'abime qu'est la télévision et tout ce qu'elle a colonisé de la pensée du plus grand nombre, il ne s'y reconnaît pas, et ne reconnaît plus l'humanité, ne la comprend plus, ne sait plus où elle va et ne voit pas d'objection, dans ces conditions de bêtise généralisée, à sa disparition.
L'histoire d'un homme qui est détesté pour ne pas aimer la télévision.
Pour l'instant, rien d'autre.
La vie ordinaire de cet homme nous est montrée scrupuleusement, avec de longs et pénibles extraits de "parodies" de shows TV. Je mets des guillemets parce qu'étonnamment, Goldthwait ne force quasiment pas le trait, ne cherche pas vraiment à satiriser, reconstitue plus qu'il ne détourne. Et c'est évidemment plus douloureux encore : la télévision n'a même plus besoin d'être parodiée, elle est déjà une parodie d'elle-même (je me le redisais déjà l'autre jour : une fois tous les deux mois peut-être, je regarde le zapping sur le site de Canal+, par curiosité morbide... il y a quelques jours, j'y découvre un nouveau reality show, "Ta mère en 6ème", où effectivement des hommes et des femmes de 55 ans passent je crois un trimestre entier dans une véritable classe de sixième, traqués par des caméras, doivent apprendre leurs leçons, faire les interros, faire signer leur carnet, etc, etc. Effroi total en découvrant qu'une chose pareille existe, que l'éducation nationale a pu donner son feu vert à une telle merde, et réflexion, donc, que ce qui il y a quelques années aurait été pris pour une parodie des dérives de la télé réalité, est devenu simplement la télévision quotidienne).
C'est assez dingue comme postulat de départ, quelque part c'est comme la concrétisation des cauchemars d'Idiocracy.
Je fais une pause dans mon visionnage le temps de copier-coller ce génial et étonnamment long échange, et ces tirades, prononcées avec un absolu premier degré, sans le moindre effet de manche, sans le moindre effet comique, avec une rage rentrée, presque platement, au milieu d'un open-space où personne ne comprend un traitre mot prononcé par le personnage principal :
- Did you see that freak on "American superstarz" last night?
- What?
- Last night, the freak on "American superstarz."
- No. I mean, yes. I saw that guy accidentally. I don't watch "American superstarz."
- You don't watch it, but you saw him? Yeah, right. What are you, too go for the show?
- Yeah. I'm too good for a karaoke contest that makes stars out of people with no talent.
- You can't say that, dude. Some of those kids have real talent.
- No, they don't. They have good pitch. They're relatively clean. They're nonthreatening to little girls and old ladies. They have the ability to stand in line with a stadium full of other desperate and confused people. But I assure you, they are talent-free.
- Yeah, well, I bet 32 million people would disagree with you, bro. 'Cause that's how many people called in to vote last year on the finale.
- I wish I was a super genius inventor and could come up with a way to make a telephone into an explosive device that was triggered by the "American superstarz" voting number. Battery could explode and leave a mark on the face so I could know who to avoid talking to before they even talked. Yeah, I could look and say, "no, you're not gonna be saying anything that's gonna add any value to my life."
- Yeah, but it's funny. I mean, you've got to admit that. Steven Clark, that's funny shit, Frank.
- It's not nice to laugh at someone who's not all there. It's the same type of freak show distraction that comes along every time a mighty empire starts collapsing. "American superstarz" is the new coliseum.And I won't participate in watching a show where the weak are torn apart every week for our entertainment. I'm done, really. Everything is so cruel now. I just want it all to stop.
(deux bonnes femmes passent derrière, on les entend dire :
- I feel sorry for Jennifer aniston.
- I know, it's tragic.
- And I don't care how many foreigners she adopts, I do not like Angelina jolie.
- Me either.)
Frank, avec pour preuve cette conversation, reprend :
- I mean, nobody talks about anything anymore. They just regurgitate everything they see on TV or hear on the radio or watch on the web. When was the last time you had a real conversation with someone without somebody texting or looking at a screen or a monitor over your head? You know, a conversation about something that wasn't celebrities, gossip, sports or pop politics? You know, something--something important or something personal.
- You know what? Taint and Jeff were talking about that this morning. They were saying how their freedom of speech is in jeopardy. What, you don't listen to them either?
- No, I don't.
- What, are you more of a k.T. And the snake pit type of guy? 'Cause those guys are pussies, Frank. All right? And they stole everything they got from taint and Jeff.
- I really don't like any of them.
- How can you say that, bro? So maybe they're not politically correct, but it's funny, Frank.
- Well, seeing as how I'm not afraid of foreigners or people with vaginas, I guess I'm just not their target audience.
- You don't get it. If you got it, you wouldn't be so offended.
- Oh, I get it and I am offended. Not because I got a problem with bitter, predictable, whiny, millionaire disk jockeys complaining about celebrities or how tough their life is while I live in an apartment with paper-thin walls next to a couple of neanderthals who instead of a baby decided to give birth to some kind of nocturnal civil defense air raid siren that goes off every fucking night like it's pearl harbor. I'm not offended that they act like it's my responsibility to protect their rights to pick on the weak like pack animals or that we're supposedto support their freedom of speech when they don't give a fuck about yours or mine.
- So you're against freedom of speech now? That's in the bill of rights, man.
- I would defend their freedom of speech if I thought it was in jeopardy. I would defend their freedom of speech to tell uninspired, bigoted, blow-job, gay-bashing, racist and rape jokes all under the guise of being edgy. But that's not the edge. That's what sells. They couldn't possibly pander any harder or be more commercially mainstream. Because this is the "oh, no, you didn't say that" generation where a shocking comment has more weight than the truth. No one has any shame anymore. And we're supposed to celebrate it. I saw a woman throw a used tampon at another woman last night on network television. A network that bills itself as today's woman's channel. Kids beat each other blind and post it on YouTube. I mean, do you remember when eating rats and maggots on "Survivor" was shocking? It all seems so quaint now. I'm sure the girls from "2 girls 1 cup" are gonna have their own dating show on vh1 any day now. I mean, why have
a civilization anymore if we no longer are interested in being civilized?
Je ne sais pas ce que le film va donner après cela. Je vais voir.
Je peux vous dire en revanche qu'exactement à la fin de ce speech, Frank est viré de sa boîte. _________________ "Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses." |
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Zahad le rouge dans le coma profond

Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 1968
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Posté le: Ven Oct 19, 2012 0:15 Sujet du message: |
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Eh bien, j'avais fait pause au bon moment. Apres cette introduction, très vite, le film s'effondre dans du potache-réac-cool, comme s'il avait soudain attrapé une migraine d'avoir trop pensé. Frank se retrouve flanqué d'une ado en crise, juste apres avoir appris qu'il a une tumeur au cerveau. Tous deux vont s'engager dans une odyssée meurtrière et suicidaire, tuant sur leur passage tous les gens qui ont abîmé l'Amerique. Alors, qui faut-il punir ? Qui doit-on blâmer pour avoir baissé si bas la barre de tolérance à la bêtise? S'il fallait opposer une contre-violence, une lutte armée contre l'état marchandisé, médiatisé et bêtifié des rapports humains, qui flinguerait-on? Le film ne trouve à répondre qu'une chose : les "méchants", mean people. Et qui sont les méchants? Un peu tout le monde, les gens dans la rue qui ne reviennent pas aux héros, les imbéciles, les gens vulgaires, les gens qui n'eteignent pas leur portable au cinema, un homme politique mais pas pour sa politique, uniquement parce qu'il est sans cesse malpoli, le casting et le public d'une émission de télé-réalité, des militants homophobes... Enfin bref, en somme, des victimes du système, et quelques soldats du système, quelques bourreaux, mais jamais les têtes du système, jamais ceux qui ordonnent aux soldats et aux bourreaux, le film n'a pas ce courage, car il devrait se flinguer lui-même. Le système ne sera pas inquiété par nos tueurs, au contraire, on peut même constater que le système se repaît de l'odyssee meurtrière, et nos héros sont ravis, et le film avec eux, que la presse couvre leurs exploits, même si la presse ne fait pas nécessairement le lien entre les crimes et invente des motifs à chaque meurtre. On les accuse de terrorisme, nos héros sont vexés (et le film avoue alors qu'il n'a décidément réfléchi à rien). On les accuse d'avoir tué des gens simplement parce qu'ils étaient malpolis et le héros se réjouit soudain : "Enfin la vérité! Et sur cette chaîne en plus!"
Lors du carnage final, le héros veut s'assurer que son massacre est bien filmé. Il demande à la cantonade si la camera est allumée. Aucune voix humaine ne répond. Mais la camera, sans opérateur, opine littéralement du chef. C'est la limite réelle à la prétendue clairvoyance du film : la télévision y existe par essence, elle existe sans l'aide de personne, personne ne la pilote, personne ne décide ce qu'on y voit, la télévision existe et personne ne peut la fuir...
Durant toute l'odyssee, à chaque arrêt à l'hôtel, Frank et la gamine regardent la télévision. Tout le film durant, j'essaie de comprendre pourquoi Frank n'arrête pas de regarder cette télévision honnie. Mais ce choix n'existe même pas dans l'horizon du film. Regarder la télévision semble y être aussi indispensable que manger. On ne peut pas même envisager de s'en passer.
Il y a une scène de rêve dans le film. Frank, qui hait tant les success stories télévisuees, les applaudissements, est à bord d'une voiture qui rappelle fortement celle de JFK lors de son assassinat. La foule l'acclame. Certes, on pense à JFK et ça va mal finir mais voilà de quoi rêve Frank : de gloire, de clameurs, d'être regardé et populaire. Le rêve Américain est terni par la télé réalité parce que désormais, on acclame des crétins à la télévision, plutôt que des honnêtes citoyens polis qui l'auraient mérité.
Quel renoncement! Ça commençait si haut! _________________ "Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses."
Dernière édition par Zahad le rouge le Ven Oct 19, 2012 0:33; édité 3 fois |
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Zahad le rouge dans le coma profond

Inscrit le: 11 Fév 2010 Messages: 1968
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Posté le: Ven Oct 19, 2012 0:27 Sujet du message: |
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Ah oui, j'oublie aussi ce passage merveilleux de naïveté où le film promet un havre potentiel aux héros : la France. Seule l'Amerique est touchée par cette vague d'impolitesse. En France, on habite dans des fermettes, on mange du fromage, on ne se lave pas, mais on tolère tout et tout le monde, et la télévision n'y est pas un problème. La télévision n'y a évidemment rien de comparable. Et c'est tout.
Car la télévision n'est évidemment l'émanation de rien, et certainement pas de la société marchande, qui est une bonne chose, permet d'acheter des armes (le héros en est très heureux et réclame moins de contrôles sur la vente d'armes, et le film ne contredit rien car les fusillades, c'est cool).
Pour fêter une bonne fusillade, les héros bouffent au fast food et vont à la fête foraine. God bless America.
C'est incroyable comme le premier tiers du film est complètement désavoué par la suite. _________________ "Si je m'en sors bien, je serai peut-être vendeur aux 3 Suisses." |
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Hello--Kitty dans le coma profond

Inscrit le: 03 Nov 2010 Messages: 2053
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Posté le: Mar Déc 04, 2012 7:49 Sujet du message: |
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C'est le choix d'Eugène Green, qui déteste tellement les Etats-Unis qu'il ne l'appelle que "la nouvelle Barbarie". |
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