Femmes du Caire, Yousry Nasrallah,2009

Alexia · Dernière édition par Alexia le Mer Sep 12, 2012 19:47; édité 1 fois

Femme moderne, Hebba anime un talk-show politique à succès sur les écrans égyptiens. Elle forme avec Karim, journaliste au sein d'un grand quotidien proche du pouvoir, un couple à l'apparence parfaite, jeune, beau, riche et célèbre. Son mari va pourtant la contraindre à mettre de l'eau dans son vin, car la pugnacité de l'émission d'Hebba pourrait bien l'empêcher d'obtenir une promotion. Celle-ci s'exécute, privilégiant dorénavant les faits divers féminins à la politique. Un choix qui se révèle finalement tout aussi subversif et l'amènera à s'approcher bien plus près qu'elle ne l'imaginait des femmes interviewées, victimes de la domination masculine.

Je suis allée voir le film pour Le Caire, ville que j'ai adorée, et dont on retrouve quelques images: le souk égyptien, le Nil , le wagon du métro réservé aux femmes...mais le décor urbain compte ici assez peu. Le film est surtout le prétexte pour parler de la société égyptienne, qui rêve de modernité, mais qui s'empêtre dans ses lois anciennes, dans la charia, bref dans ses"voiles" (comme le dit le film qui parle de "société voilée"). Evidemment, comme le titre le révèle, c'est à travers la condition des femmes qu'on voit les problèmes de cette société: chacune vient raconter son histoire devant l'écran, et on voit le poids des coutumes et des lois religieuses, en même temps qu'un immense désir d'y échapper (désir qui est le seul fait des femmes, les hommes étant jaloux de leurs avantages , et ne se privant pas d'être brutaux ou manipulateurs...
L'amour, les drames, l'échec des vies, tout est politique... C'est ce que répète à longueur de temps Karim, journaliste ambitieux qui guigne le poste de rédacteur en chef, à son épouse Hebba, journaliste de choc.
Mais voilà, les émissions réalistes et sans concessions d'Hebba gênent les puissants, il serait bon qu'elle se calme...
La condition féminine en Egypte est dure, et Hebba tient à faire témoigner les femmes; son couple n'y résistera pas.

Film évidemment condamné par les intégristes (on s'en douterait), "Femmes du Caire" a le mérite de montrer une Egypte où les "magouilles" sont monnaie courante,mais aussi où il y a un vrai désir , une vraie revendication de libération, de la part de toutes ces femmes voilées ou non, qui aspirent à exister par elles mêmes au plan individuel et professionnel.

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Pipi · dans le coma profond Inscrit le: 11 Mar 2010 Messages: 829

Eh je voulais y aller ! T'aurais pu me le proposer ! Razz

Alexia

Ah, la prochaine fois , sans faute!
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JM · dans le coma profond Inscrit le: 10 Nov 2011 Messages: 129

Bonjour,

J'ai écrit un texte dans lequel j'essaye de me pencher plus en détail sur ce très bon film de YN, au risque peut-être de m'y perdre un peu...

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Opposant à ma propre candidature

Alexia · Posté le: Mar Sep 11, 2012 19:45 Sujet du message:

Tiens, ça m'étonne ton gif.

Pour moi il ne fait aucun doute que c'est l'hypothèse qui s'impose d'elle même, c'est que Hebba fait partie des privilégiées, elle mettait le malheur en scène, alors qu'elle profitait d'une vie plus qu'aisée et libre ( en tenant compte de ce qu'est la société du Caire), tout en ayant un souci touchant d'une vérité dérangeante à montrer (ce qui cause sa perte..)

A la fin, elle rejoint le groupe des femmes battues et exploitées, preuve que sa place privilégiée n'était qu'illusion, que toute la société égyptienne reste prisonnière d'un modèle aliénant et dépassé qui "digère" toute tentative d'émancipation strictement individuelle. Autrement dit, y a un appel implicite à une résistance plus ferme et collective. Bonne anticipation des mouvements de révolte récents!

Mais sinon super chouette ta bagnole qui fonce ouais.
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JM · dans le coma profond Inscrit le: 10 Nov 2011 Messages: 129

Bonjour Alexia,

Disons que je signale plutôt un risque, un danger possibles, plutôt qu'un fait. Je n'ai pas pu ne pas y penser à la toute fin, devant cette image d'Hebba qui occupe, désormais seule, le centre du plateau de TV, et du plan de cinéma. Bien sûr, le film se termine sur cette image, donc Nastrallah ne fait rien pour confirmer cette hypothèse, ni pour l'infirmer, ou peut-être n'y a-t-il même pas pensé...

Il est visible que durant toute la durée du film, Hebba cherche chez les autres quelques chose pour elle-même. Une fois qu'elle l'a trouvée (la situation insoutenable qui révèle la domination et créé le déclic émancipateur), comme tu disais et moi avec, il y a deux possibilités : le replis satisfait sur elle-même, ou la cause commune avec les autres. Le film se termine trop tôt pour savoir si sa dernière émission (dont elle est l'héroïne) est un suicide médiatique, ou si celle-ci va la propulser au firmament des stars du petit-écran. Le problème dans la représentation, c'est que si la situation n'était pas tout à fait égalitaire au début (elle présentatrice, les autres invitées), elle ne l'ai pas non plus tout à fait à la fin (elle présentatrice et invitée). Il manque quelque chose, il me semble, le film se termine avant le "collectif" dont on parle, sans lequel la révolution n'a pas lieu.
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Opposant à ma propre candidature

Alexia · Posté le: Mer Sep 12, 2012 19:35 Sujet du message:

JM · dans le coma profond Inscrit le: 10 Nov 2011 Messages: 129

Bonjour Alexia,

Réponse un peu tardive, excuse-moi, mais j'étais très pris par d'autres choses.

J'ai vu Talon Aiguille lors de sa sortie, j'étais encore gosse et je m'en souviens fort mal à part les conditions dans lesquelles je suis allé le voir (où, avec qui). Il a bien dû m'en rester quelque chose inconsciemment mais je ne saurais dire quoi. En tout cas ça n'avait pas été une révélation pour moi et je ne me souviens pas de ce que tu dis. Par contre, il me semble que dans le plus récent Volver du même auteur, il y a aussi une sorte de critique de la TV. Là, plus âgé sans doute, j'avais pris ces notes à la sortie :