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Liberté-Oléron (Bruno Podalydès, 2000)

 
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Carton
dans le coma profond


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MessagePosté le: Mar Juin 26, 2012 19:28    Sujet du message: Liberté-Oléron (Bruno Podalydès, 2000) Répondre en citant

Je reviens rapidement là dessus, j'ai été long, j'ai eu des empêchements techniques.

Citation:
Trollope: je retiens Liberté Oléron, franchement pas mal, et la première demi-heure du Parfum de La Dame en Noir

Baldanders: Liberté Oléron aurait pu être pas mal, c'est celui qui se rapproche le plus d'un bon film, mais il s'autodétru​it avec la scène finale en pleine mer, Podalydès qui pète les plombs, c'est complètemen​t gratuit

Carton: Ah bah non, c'est le centre du film ça, c'est la scène qui lui donne tout son sens. Pour moi c'est la scène la plus forte dans sa filmo, l'horreur de ce père qui déflagre d'un coup en plein milieu d'une comédie de vacance, l'extrême violence de tout ça, ça n'a rien de gratuit, c'est tout l'inverse.

Baldanders: ce n'est parce que ça déflagre que ça n'est pas gratuit ; explique-to​i

Carton: Oui, ceci n'explique pas cela (mais en même temps toi non plus tu n'as pas vraiment argumenté, du coup je me sentais pas obligé). Pas de souci, j'argumente​rai (un peu), mais pas maintenant. Je reviens.

Baldanders: j'avais bien remarqué que cette scène voulait donner une sorte de gravité à tout ce qui jusque-là flirtait un peu péniblement avec l'anecdote et le mépris, mais justement, au lieu de servir à retourner le film en autre chose, je trouve que cette scène ne fait que confirmer un pressentime​​nt que j'avais, qui devenait un sentiment et bientôt une certitude, à savoir que Podalydès ne veut pas traiter ses personnages autrement que comme des personnages​, et qu'il hait en eux ce qui pourrait se rapporter au réel, réel qui lorsqu'il remonte prétendumen​t à la surface prend donc forcément un visage dégueulasse sur lequel on a envie de cracher

Baldanders: les effets de surface, les gags et autres références plus ou moins cachées, sont l'essentiel de "l'univers" de Podalydès, ils ne visent pas autre chose qu'à exister en soi, en quoi ce cinéma est morbide et infantile

Baldanders: c'est la grande difficulté de ce cinéma : passer à autre chose, dévoiler ce qui se cachait dans les plis des turpitudes ricanantes, et là, chez Podalydès, il n'y a que le mépris, son mépris envers la petite-bour​geoisie, qui une fois de plus fait les frais d'une mentalité hautaine d'artiste en culottes courtes (comparer avec Tati)





Alors je vais essayer de rebondir. Je ne reprocherai pas au film d’avoir du mépris pour le petit bourgeois, déjà en soi c’est quelque chose que je peux comprendre. Cela dit je ne pense pas qu’il s’agisse ici d’un regard sociologique ou politique, ni même de mépris, le rêve de bateau et de grand large n’est jamais vraiment moqué, c’est même quelque chose que Podalydès soutient, il y a une certaine noblesse dans le personnage à chercher l’aventure, là dedans il n’y a pas de jugement. Le père et la mère ont raison de rêver à autre chose, c'est ce qui fait qu'ils sont vivants, qu'on peut les suivre pendant un moment. Que les rêves soient petit ou grand, ridicules ou pas, ne change rien. C'est ce qui fait aussi qu'il n'y a pas de mépris pour ce personnage, qu'il y a de l'affection possible pour son côté petit bras, bonhomme trop faible pour incarner le héros paternel qu'il s'imagine devoir être. Par contre c'est vrai qu'il y a de la violence chez le père, mais pas en tant que petit bourgeois, mais tout simplement en tant que père, dans son égo, son désir de contrôle, son besoin d'incarner une certaine figure, l'obligation qu'il se fait de devoir assurer. Le film ne parle pas d'une classe sociale, il parle d'une famille.

Je ne crois pas que la rupture entre la scène du bateau et le reste du film soit une question de réel ou pas. Cette scène ne doit rien de plus ou de moins au réel que les autres scènes, si il y a quelque chose d’autobiographique dans Liberté Oléron ça existe au même niveau et au même degré dans l’ensemble du film, et la scène de crise, dans son crescendo et son aspect borderline me semble autant «réelle » que les rêves de l’enfant qui a perdu son sous marin.
Par contre, effectivement, elle fonctionne comme un révélateur.
Ce que révèle la scène du bateau, c'est surtout le statut de la comédie dans les scènes précédentes. La comédie fonctionne comme un mode d'approche et de regard sur ce qui est en jeu dans cette famille. La violence latente, l'humiliation, peuvent être vécues et supportées parce qu'elle est enrobée de tendresse, de jeu, d'enfance. Rien d'anecdotique là dedans. Le drame qui survient ne fait que mettre à jour la tyrannie à l’œuvre dans la famille. Dans le même temps, avec l'abandon de l'humour, c'est toute une possibilité du détachement, du devenir adulte, qui est possible. Dans les scènes suivantes, il y a un désenchantement salvateur pour les enfants, et le plus grand peut alors regarder ailleurs, se projeter dans des prochaines vacances sans sa famille, avoir une sexualité et des amours, la promesse de pouvoir grandir.
Tout le film fonctionne sur l'ambivalence du rapport familial, l'amour/haine qu'on peut avoir pour un père tyrannique et une mère lâche, le plaisir de la fantaisie estivale comme le besoin de regarder les choses en face. La scène du bateau n'a rien de gratuite, c'est là que peut se faire la libération (tout en opérant aussi un rapprochement, la famille se soude autour du plus jeune qui s'est jeté à l'eau, pour dire aussi qu'on en fini pas comme ça avec sa famille, que c'est aussi le lieu d'un amour et d'un lien particulier). La scène, dans son changement de régime, n'est pas gratuite parce qu'elle dit le centre du film, pour grandir il faut partir, pour partir il faut changer son regard, mettre de côté la tendresse et comprendre que c'est une question de survie, et que l'amour filial va de paire avec la nécessité de révolte.
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Trollope
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MessagePosté le: Mar Juin 26, 2012 20:20    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne me souviens plus très bien de la dernière scène mais je suis d'accord avec toi. J'aime bien le film, bien que je l'aie trouvé un peu trop mesquin. On peut le comparer à Eastboud & Down.
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Baldanders
dans le coma profond


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MessagePosté le: Mar Juin 26, 2012 22:35    Sujet du message: Répondre en citant

C'est étonnant, Trollope, que tu ne te souviennes pas de cette séquence (tu avais peut-être arrêté le film avant ?) parce qu'en effet elle est centrale : elle jette un froid brutal sur l'univers familial jusque-là "enrobée de tendresse, de jeu, d'enfance" comme dit carton.

Alors, mon problème, carton, c'est que moi j'étais jusqu'à cette scène dans l'attente de LA scène. Je voyais trop bien le caractère (ou comme tu dis "le statut") ambigu de la comédie, ou selon le mot de Trollope son côté mesquin, qui nous fait juger durement ce père tyrannique et cette mère lâche et à la fois nous fait moquer leur ignorance et leurs maladresses, leur médiocrité.
Podalydès ne pouvait pas doser ces deux effets sans, à un moment donné, "révéler" le fond de l'affaire. Mais je ne préjugeais pas de la solution qu'il trouverait (je n'avais pas pas vu de films de lui depuis longtemps et je ne pensais plus trop rien de ceux que j'avais vus).
Or, sa solution, à savoir faire péter un tel câble au père qu'il en arrive à donner des coups à toute sa famille et à traiter sa femme de "salope" et de "pute", je la trouve minable. Minable parce qu'on ne passe pas sans complaisance de l'univers "de tendresse, de jeu, d'enfance" à cette brutalité frontale. D'autant plus qu'elle arrive à point nommé : la famille a enfin voyagé sur l'eau, et le père et la mère viennent juste de vivre sur l'île une petite idylle qui faisait du bien après plus d'une heure de maniaqueries et de nullité.

Je juge donc le film d'après ce sentiment précis né à ce moment-là, sentiment de haute trahison (parce que jusqu'ici le film ne me déplaisait pas, simplement il me laissait sur ma faim) et sentiment aussi que ce n'est pas par hasard que le film s'effondre de cette façon. Je dis le film et non le personnage. Je veux bien me prendre dans la gueule ce qu'on veut venant d'un personnage, mais ce que je ne peux pas faire, c'est (comme toi tu sembles l'avoir fait) me projeter dans ces personnages inexistants que sont les enfants, à peine regardés par la caméra, pour mesurer ce que signifierait pour eux un événement pour moi sinon invraisemblable, du moins très exagéré, très théâtral, c'est-à-dire un coup de force, le genre de scène qui te cloue, médusé, sur ton siège.

Quand je te lis, je trouve tout ça très clair, je conçois que telle fut l'intention de Podalydès (montrer que "l'amour filial va de pair avec la nécessité de révolte"), mais quand je repense au film, je me dis qu'un tel sujet réclamait autre chose que des petits gags et de la férocité de petit joueur : une attention particulière au regard que portent les enfants sur leurs parents, par exemple.

Enfin, moi je ne comprends pas le mépris pour la petite-bourgeoisie, sachant deux choses au moins : que Podalydès n'est pas un petit-bourgeois (c'est un bourgeois - même s'il ne l'a pas toujours été, il l'est devenu) et que son public est essentiellement constitué de petits-bourgeois. Dans ces circonstances, mépriser le petit-bourgeois, c'est se mépriser soi-même, en tant qu'on n'est pas capable d'offrir autre chose aux gens que l'image d'une médiocrité sans issue qu'on regarde de loin, puisqu'elle ne nous concerne pas.
Et j'insiste, si c'est un film sur la famille, ce qui est vrai, c'est aussi un film sur la petite-bourgeoisie : la petite fortune de cette famille joue un rôle crucial dans le mode de vie qui est décrit. Il ne s'agit pas de prolos ni de grands bourgeois, mais de cette classe moyenne (à laquelle nous appartenons tous, nous qui nous parlons) qui a les moyens de fétichiser des marchandises. La mère est tout de même bien une Bovary, et le père un Bouvard (ou un Pécuchet).
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Carton
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MessagePosté le: Mar Juin 26, 2012 23:35    Sujet du message: Répondre en citant

Je pense tout de même que ce n'est pas si tranché, que la violence est déjà dans la comédie, et que la tendresse est encore là dans le drame (puisqu'il permet à la famille de se réunir malgré tout, même là c'est encore possible). La scène n'est pas la solution du film, elle ne résout rien, mais d'une certaine manière elle fait pivot, ce qui compte c'est ce qu'il y avait avant et ce qu'il y a après, un statut quo mais la possibilité nouvelle d'en sortir.
Au fond il y a autre chose aussi qui me plait, c'est que ces films de vacances, ces relations familiales douces amères, on les connait bien. Là le film ose tout de même mettre a nu le truc très frontalement, on arrête de jouer, et j'apprécie que Podalydès donne toute la mesure à ce que peut être la tyrannie d'un père, arrête de sourire un moment, et je trouve la sècheresse de la scène tout sauf complaisante.

Sinon quand je parle de mépris possible pour la petite bourgeoisie, je ne parle pas de ce film là particulièrement. Si on veut les personnages sont des petits bourgeois, ça je ne le nie pas, mais je continue de penser que ce n'est pas méprisable dans le film, il y a de la tendresse pour ce rapport au bateau, c'est un peu ridicule mais c'est touchant. La violence montrée dans le film vient d'ailleurs, et la médiocrité aussi. Ou plutôt il y a peut être une médiocrité de classe, mais ce n'est pas un problème, ça le film le juge peu (la médiocrité en général provoque beaucoup de sympathie dans les films de Podalydès, les personnages galèrent avec le monde, et on est de leur côté)

Alors oui le film est à une certaine distance des enfants, le personnage central c'est bien le père. Mais enfin l'ainé n'est pas si inexistant, il prend pas mal de place dans la narration, et disons que moi ça m'a suffit pour me connecter au film. Ça me semble évident que lorsque la mère ne répond pas aux brimades du père pendant le film, on prend ça avec légèreté, elle doit être de bonne composition, mais après la scène du bateau, les excuses qu'elle lui trouve encore ne sont plus acceptables, quelque chose ne passe plus. C'est en lien direct dans le film avec la scène suivante où l'enfant parle avec la jeune fille qui lui propose de revenir l'année prochaine sans ses parents.
Disons que ça peut être raté pour toi, ou pas acceptable, ou grossier, mais enfin gratuit non tout de même.
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Baldanders
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MessagePosté le: Mar Juin 26, 2012 23:51    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:
Je pense tout de même que ce n'est pas si tranché, que la violence est déjà dans la comédie, et que la tendresse est encore là dans le drame (puisqu'il permet à la famille de se réunir malgré tout, même là c'est encore possible). La scène n'est pas la solution du film, elle ne résout rien, mais d'une certaine manière elle fait pivot, ce qui compte c'est ce qu'il y avait avant et ce qu'il y a après, un statut quo mais la possibilité nouvelle d'en sortir.


Mais alors la fin me semble trop rapide. Ce n'est pas, comme par exemple les films de Rozier, un film pensé pour le profond regard rétrospectif final : trop mécanique et schématique, trop caricatural, pas assez à l'affût des petits riens de la vie qui chez Rozier sont filmés comme tels, sans insistance sur leur drôlerie ou leur côté tragique.

le yougo' a écrit:
Au fond il y a autre chose aussi qui me plait, c'est que ces films de vacances, ces relations familiales douces amères, on les connait bien. Là le film ose tout de même mettre a nu le truc très frontalement, on arrête de jouer, et j'apprécie que Podalydès donne toute la mesure à ce que peut être la tyrannie d'un père, arrête de sourire un moment, et je trouve la sècheresse de la scène tout sauf complaisante.


Ce que je trouve complaisant, c'est le jeu de Podalydès et la longueur que dure la scène. Elle n'est pas sèche, elle est ultra-violente et elle s'étale. On va d'horreur en horreur. Quand on se dit : "Non, ce n'est pas possible", hop, Podalydès en rajoute une couche.

le yougo' a écrit:
Sinon quand je parle de mépris possible pour la petite bourgeoisie, je ne parle pas de ce film là particulièrement. Si on veut les personnages sont des petits bourgeois, ça je ne le nie pas, mais je continue de penser que ce n'est pas méprisable dans le film, il y a de la tendresse pour ce rapport au bateau, c'est un peu ridicule mais c'est touchant. La violence montrée dans le film vient d'ailleurs, et la médiocrité aussi. Ou plutôt il y a peut être une médiocrité de classe, mais ce n'est pas un problème, ça le film le juge peu (la médiocrité en général provoque beaucoup de sympathie dans les films de Podalydès, les personnages galèrent avec le monde, et on est de leur côté)


Le film ne travaille pas la question en tant que telle, mais ça me préoccupe beaucoup, cette question du rôle central qu'on fait jouer à la petite-bourgeoisie dans le cinéma français, toujours le mauvais. Et pour être un peu dur, je dirais que de la tendresse, on en a pour eux comme on peut en avoir pour des handicapés mentaux, irresponsables mais pas fautifs.

le yougo' a écrit:
Alors oui le film est à une certaine distance des enfants, le personnage central c'est bien le père. Mais enfin l'ainé n'est pas si inexistant, il prend pas mal de place dans la narration, et disons que moi ça m'a suffit pour me connecter au film. Ça me semble évident que lorsque la mère ne répond pas aux brimades du père pendant le film, on prend ça avec légèreté, elle doit être de bonne composition, mais après la scène du bateau, les excuses qu'elle lui trouve encore ne sont plus acceptables, quelque chose ne passe plus. C'est en lien direct dans le film avec la scène suivante où l'enfant parle avec la jeune fille qui lui propose de revenir l'année prochaine sans ses parents.
Disons que ça peut être raté pour toi, ou pas acceptable, ou grossier, mais enfin gratuit non tout de même.


C'est ma faute, j'aurais dû dire complaisant.
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Trollope
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MessagePosté le: Mer Juin 27, 2012 0:04    Sujet du message: Répondre en citant

En fait je ne sais plus si j'ai pas trouvé la scène hilarante ou glaçante - ou les deux à la fois. Je sais sinon que j'ai trouvé le film très embarrassant parce que j'avais tendance à la mettre à la place des enfants - pas ceux du film, un peu benêts dans mon souvenir. J'étais un peu désolé de ne pas trouver le père plus héroïque dans sa médiocrité, parce qu'il l'est tout de même un petit peu.
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