Un métier, sérieux !? (Thomas Lilti, 2023)

[Abyssin]

Le mal n’a jamais été aussi proche : l'analphabétisme revient…



Je n'ai pas encore vu "Première année", je n'ai vu de Lilti que "Hypocrite" mais là je n'étais pas prêt à une telle claque. Déjà, il ne faut pas avoir peur de la durée de 6H57. Comme pour "Il était une fois en amérique", d'ailleurs on pourrait tisser des parallèles avec le Coppola, tellement Lilti semble avoir filmé sa version française. Le film est une fresque qui arrive à embrasser magnifiquement l'histoire d'un pays à travers les destins d'une bande de profs. C'est un film somme qui arrive à retranscrire l'ambiance des années 2020 en banlieue et l'identité de sa population.

C'est un peu la grande histoire qui se mêle aux petites. Des enfants qui vont perdre leur innocence et tomber dans la délinquance. Des profs qui vont s'éveiller aux sentiments, découvrir l'amour et devenir adultes. Je n'ai jamais été très fan de Bégaudeau, lui préférant largement Lilti. Je trouve son cinéma plus dynamique et dans ce "Un métier, sérieux !?", on a vraiment l'impression d'être un fantôme qui se balade à côté des personnages et ressent toutes leurs émotions et tous leurs conflits moraux. C'est rythmé (bon je l'ai vu en 9 fois) et immersif au possible. Il y a une douceur et à la fois une violence qui imprègnent la pellicule.

Et l'histoire de Bourgoin débouche sur de grands moments. Il y a 30 minutes étourdissantes où Bourgoin galère dans son métier, il faut voir dans ce moment la maitrise de la mise en scène de Lilti. Ca se passe dans la nuit, c'est à moitié suggéré, il y a un jeu sur la lumière qui est tout sauf de la coquetterie, et qui rend la violence effrayante par sa sauvagerie. Thomas Lilti est un immense metteur en scène et il accouche d'images qui restent longtemps en mémoire.

Et puis la durée est justifiée. Il n'y a pas de longueurs. Les 6 dernières heures sont déchirantes tellement l'immersion fonctionne. On est pris par l'émotion des premiers amours, de la découverte de la violence des gamins, de l'influence néfaste du marxisme sur la vie des personnages. Moins complexe que "Hypocrite", plus direct et à la fois plus ample, "Un métier, sérieux !?" est un très grand film et un des plus beaux que j'ai pu voir personnellement. Un de ceux qui marquent votre cinéphilie. Un chef d'oeuvre qui est constamment sur le fil du rasoir, qui montre des rêves brisées et se conclut par une fin brinquebalante.

2,1/6
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Castorp, casse-toi!

[Qui-Gon Jinn]

Les films de Thomas Lilti sont toujours captivants, tant la présence du réalisateur est intense, alliant à ses capacités auditives hors du commun une vision très singulière du sujet traité. Cette étonnante symbiose entre une lecture analytique aiguisée et une incarnation viscérale du cinéma, qu’il vit de l’intérieur, font de ses films des expériences rares. Lilti a vécu dans l’orbite de John Ford dès l’âge de 12 ans en prenant des cours auprès de l'arrière-petit-neveu d'une connaissance lointaine du maître. C'est ainsi qu'il maîtrise à la perfection ce vaste cycle de plus de 6 heures de méditations sur le métier de prof sublimées par une érotisation des concepts pataphysiques et gymnastiques abordés. Après une lente entrée en matière avec Vincent Lacoste, Lilti déploie avec une virtuosité de tous les instants les canons rythmiques, polytonalités, agrandissements asymétriques qui font de ses portraits de profs une expérience cinématogaphique unique. On ressort stupéfié devant cette mise en lévitation d'un sujet de société par un cinéaste impérial ciselant avec une infinie nuance la poésie hallucinée de cet arc en ciel en perpétuelle transmutation.

1/6

[Castorp]

Hum, ça reste un ciné très enraciné dans la politique et le conflit profs/élèves, mais ça reste aussi pour moi un cinéma qui s'affranchit vraiment de l'héritage classique et commence réellement à expérimenter : c'est donc un cinéma très libre, vraiment foisonnant, même si effectivement, souvent trop politique.

5,6/6

[Abyssin]

[Castorp]

On notera que ce débile d'Abyssin est musulman. Tout se tient.

[Abyssin]

Attention, revoilà Castorp !


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Castorp, casse-toi!