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120 battements par minute (Robin Campillo, 2017)

 
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Hello--Kitty
dans le coma profond


Inscrit le: 03 Nov 2010
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MessagePosté le: Mar Aoû 22, 2017 13:24    Sujet du message: 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017) Répondre en citant



Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d'Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean. (synopsis officiel)


Bon, je l'attaque mollement comme ça Baldanders, qui semble l'avoir apprécié, pourra le défendre. Wink

Ma première impression, c'est que 120 battements par minute vient couronner une époque du cinéma français où on accepte très facilement que les plans soient moches, grisouilles, toujours trop serrés, un cinéma qui ne cherche pas tellement à montrer mais plutôt à témoigner, le film s'installant dans un segment qui lui permet mine de rien de s'affranchir de certaines questions (en particulier celle de la mise en scène) et de se contenter d'enregistrer la palpitation d'acteurs très engagés, très crédibles, très naturels, pour faire monter l'émotion.

Aussi réussi que ce soit, je ne peux pas dire que ça me transporte vraiment... J'ai été frappé comme le film cherche à se dégager, du point de vue du fond comme de la forme, du modèle Nuits fauves. C'est frappant dans une des premières scènes, dans le métro, quand Sean fait croire à tout le monde qu'il a une perception romantique de sa maladie ("la maladie me fait voir le monde différemment", ce qui était quand même le point de vue des Nuits fauves). Il y a une musique un peu bête (sans doute du violoncelle), des phrases niaises, on croit que le film déraille et en fait non, c'était une blague, une caricature, une scène-manifeste en fait, scène à travers laquelle on comprend que Campillo a en horreur le mélange opéré par Collard du nouveau réalisme à la Pialat et du lyrisme eighties. Cette vision de la-maladie-qui-rend-meilleur est raillée, évacuée, parce que 120 bpm cherche à être 100% politique, c'est-à-dire intransigeant et dur. Les personnages le seront, ce qui donne quelques scènes assez impressionnantes, comme celle où ce gamin lors d'une réunion tombe de sa chaise et se cogne la tête : on le relève, on vérifie vite fait que tout va bien et on lui demande aussitôt quelle question il voulait poser, puis sans ménagement on dit que cette réunion n'est pas une consultation médicale. Les personnages ne s'apitoient pas, ils ne se font pas de cadeau, et cette constance dans l'absence d'indulgence est ce qu'il y a de plus fort dans le film, le petit document sur l'action militante des années 90 repoussant jusqu'au bout la tentation du film de potes. Les personnages sont méchants, en fait. D'ailleurs, en poussant un peu, on pourrait dire qu'on perçoit petit à petit, à rebours de la scène-manifeste du métro, comme la maladie est aussi une "chance" pour le groupe (je reprends la terminologie Nuits fauves, je crois que c'est la mère de Collard qui utilise ce mot), qu'elle leur donne à tous la possibilité de mal se comporter en société, de badigeonner la ville avec leur sang et leur merde, de laisser libre cours ou de sublimer dans l'activisme un narcissisme homo délirant et agressif.

Bon... Après, je trouve que le tournage à 3 caméras ne produit rien de fort ou de spécifique, je trouve que les scènes d'action sont un peu décevantes, que les scènes de manifestations sont étriquées, que la façon dont sont dépeints les ennemis (les gens des labos) est un peu téléphonée, que le film passe finalement assez vite sur les sujets qui pourraient fâcher (pourquoi le leader - Didier Lestrade donc - est-il considéré comme un "imposteur" ? parce qu'il aime se mettre en avant, c'est tout ?). Enfin, sauf erreur, je crois que le seul sexe masculin que l'on voit est en photo sur une affiche d'Act Up et je trouve ça étonnant.

La fin est très réussie. D'abord la façon dont la mère joue la situation est prodigieusement juste. Ensuite il y a une belle idée de cinéma avec ces personnages qui envahissent un par un l'appartement, ça rappelle d'ailleurs l'envahissement de l'appartement par les jeunes ukrainiens dans Eastern Boys, c'est comme une vraie obsession de cinéastes (Campillo et sa manière de filmer frontalement les baies vitrées). Le jeu sur les petites poussières moléculaires dans la boîte de nuit m'a rappelé, lui, ce que Resnais avait mis en place dans les intermèdes de L'Amour à mort (une possible inspiration?).
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valzeur
dans le coma profond


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Messages: 235

MessagePosté le: Mar Aoû 22, 2017 15:58    Sujet du message: Répondre en citant

Hello HK,

J'ai pensé à la même chose que toi pour les poussières/molécules !
Je partage ton avis sur les défauts du film même si je suis plus positif que toi (et plus que Baldanders qui semble avoir minoré le film depuis la projection).
Campillo répond à ton interrogation phallique dans une interview que j'ai lue je ne sais plus où : 'Le film est produit par France 3 donc il ne pouvait pas y avoir de bite à l'écran." (On est peu de choses quand même...).
Ceci dit, plus j'y repense et plus la dernière partie m'exaspère ; c'est du Cris et Chuchotements tout aplati dans un intérieur Ikéa (je déteste le film de Bergman). Par ailleurs, la laideur hivernale du film est tellement voulue qu'on s'y fait à la longue.
Ce que le film a de meilleur, c'est bien évidemment les formidables scènes d'amphitéâtre, absolument passionnantes, bien écrites et bien interprétées. Les manifs/soirées en boîte sont plates et rejouent l'idée du collectif dans une imagerie banale et sans intérêt.
J'avais pointé un détail qui me semblait faux à Baldanders ; un personnage demandant s'il peut fumer à la fin du film pendant la veillée, et que je trouvais très 2010 ; j'avais tort, les militants fumeurs étant tout simplement très précautionneux pour ne pas gêner les malades.
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Hello--Kitty
dans le coma profond


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Messages: 2053

MessagePosté le: Mer Aoû 23, 2017 9:56    Sujet du message: Répondre en citant

Salut valzeur,

valzeur a écrit:
Campillo répond à ton interrogation phallique dans une interview que j'ai lue je ne sais plus où : 'Le film est produit par France 3 donc il ne pouvait pas y avoir de bite à l'écran." (On est peu de choses quand même...).

Les nouveaux responsables cinéma de France Télévision sont des gens étranges. Et en plus il faut les remercier d'avoir eu le courage de financer 120 battements par minute (alors qu'on ne peut pas dire que c'était un film très difficile à repérer).

Moi je trouve qu'à ce niveau de censure on devrait faire plusieurs versions, une pour le cinéma et une pour la télévision, comme on fait pour les compagnies aériennes. Il vaut mieux ça que de devoir négocier un plan de bite pendant des mois et au final s'allonger. En plus ça valoriserait le film en salles.

valzeur a écrit:
Ceci dit, plus j'y repense et plus la dernière partie m'exaspère ; c'est du Cris et Chuchotements tout aplati dans un intérieur Ikéa (je déteste le film de Bergman).

Tiens c'est drôle j'ai vu ce film avant-hier (je ne l'avais jamais vu).

valzeur a écrit:
Ce que le film a de meilleur, c'est bien évidemment les formidables scènes d'amphitéâtre, absolument passionnantes, bien écrites et bien interprétées.

C'est là où je ne perçois pas réellement ce qu'apporte le tournage à 3 caméras. Je trouve que Cantet s'en sort beaucoup mieux dans ce genre de dispositif.

J'ai été totalement fasciné par cette fille dont j'avais vu le travail par ailleurs (entre cirque et hi hop) et qui joue l'arbitre de l'amphithéâtre, Aloïse Sauvage. J'aime beaucoup le leader également.
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Baldanders
dans le coma profond


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MessagePosté le: Ven Sep 01, 2017 1:00    Sujet du message: Re: 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017) Répondre en citant

Salut Kitty, salut valzeur,

Hello--Kitty a écrit:
Bon, je l'attaque mollement comme ça Baldanders, qui semble l'avoir apprécié, pourra le défendre.


Je dirais plutôt que tu le défends mollement. Mais je n'ai pas tellement envie, pour ma part, d'attaquer le film, dont vous décrivez bien à la fois les qualités et les défauts.

Hello--Kitty a écrit:
la palpitation d'acteurs très engagés, très crédibles, très naturels, pour faire monter l'émotion


Hello--Kitty a écrit:
Cette vision de la-maladie-qui-rend-meilleur est raillée, évacuée, parce que 120 bpm cherche à être 100% politique, c'est-à-dire intransigeant et dur. Les personnages le seront, ce qui donne quelques scènes assez impressionnantes


valzeur a écrit:
Ce que le film a de meilleur, c'est bien évidemment les formidables scènes d'amphitéâtre, absolument passionnantes, bien écrites et bien interprétées. Les manifs/soirées en boîte sont plates et rejouent l'idée du collectif dans une imagerie banale et sans intérêt


Hello--Kitty a écrit:
les scènes d'action sont un peu décevantes, les scènes de manifestations sont étriquées, la façon dont sont dépeints les ennemis (les gens des labos) est un peu téléphonée, le film passe finalement assez vite sur les sujets qui pourraient fâcher


Vous avez à peu près tout dit. Très vrai aussi :

Hello--Kitty a écrit:
Les personnages ne s'apitoient pas, ils ne se font pas de cadeau, et cette constance dans l'absence d'indulgence est ce qu'il y a de plus fort dans le film, le petit document sur l'action militante des années 90 repoussant jusqu'au bout la tentation du film de potes


À rapprocher d'un film à la fois très proche (par le sujet : l'engagement militant) et très différent (par le traitement, beaucoup moins empathique) : Une vie violente, que valzeur n'aime pas mais dont personnellement j'admire beaucoup la rigueur sèche. Dans Une vie violente non plus, pas d'apitoiement, aucune auto-indulgence, et presque pas de film de potes. Dans ces deux films, le sentimentalisme est évacué pour permettre qu'existe le "document", comme tu dis. Je trouve que c'est un pas en avant : on quitte enfin le terrain du mythe bon marché. (C'est d'ailleurs très exactement ce que raconte Une vie violente : la dangerosité du mythe, qui aveugle sur la réalité des rapports de forces.)
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Hello--Kitty
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MessagePosté le: Mar Sep 05, 2017 13:31    Sujet du message: Re: 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017) Répondre en citant

Baldanders a écrit:
À rapprocher d'un film à la fois très proche (par le sujet : l'engagement militant) et très différent (par le traitement, beaucoup moins empathique) : Une vie violente, que valzeur n'aime pas mais dont personnellement j'admire beaucoup la rigueur sèche. Dans Une vie violente non plus, pas d'apitoiement, aucune auto-indulgence, et presque pas de film de potes. Dans ces deux films, le sentimentalisme est évacué pour permettre qu'existe le "document", comme tu dis. Je trouve que c'est un pas en avant : on quitte enfin le terrain du mythe bon marché. (C'est d'ailleurs très exactement ce que raconte Une vie violente : la dangerosité du mythe, qui aveugle sur la réalité des rapports de forces.)

Je regrette d'avoir raté ce film (il faut dire que la date de sortie n'était pas facile). En tombant par hasard sur Le Masque et la Plume, j'entendais qu'ils disaient beaucoup de bien de la mise-en-scène et qu'ils rapprochaient ça d'Audiard - personnellement, sur la base du premier film de de Peretti, que j'avais vu, je ne voyais pas trop comment on pouvait rapprocher les deux mise-en-scènes. Peut-être que les thèmes sont proches. Audiard n'aime pas beaucoup le sentimentalisme, lui non plus, on sent qu'il se force.

J'ai regardé cette année une sorte de petit doc de Valeria Bruni-Tedeschi sur son travail au théâtre avec de Peretti et j'ai détesté tout ce que j'entendais, l'absence de simplicité, la pédanterie, enfin tout ce qui me fait peur dans ce que j'imagine être le monde du théâtre, du coup c'est peut-être pour ça que je ne me suis pas bougé pour aller voir Une vie violente.
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Baldanders
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Messages: 967

MessagePosté le: Mar Sep 05, 2017 17:28    Sujet du message: Re: 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017) Répondre en citant

Hello--Kitty a écrit:
Je regrette d'avoir raté ce film (il faut dire que la date de sortie n'était pas facile)


Le film est toujours à l'affiche, hein ! Smile

Citation:
En tombant par hasard sur Le Masque et la Plume, j'entendais qu'ils disaient beaucoup de bien de la mise-en-scène et qu'ils rapprochaient ça d'Audiard


Pour moi ça n'a absolument rien à voir, c'est même aux antipodes. Scorsese travaille Audiard, pas de Peretti. Les scènes de violences, pour prendre ce qu'il y a de plus caractéristique d'Audiard et de Scorsese, se résument dans Une vie violente à des plans brefs ou à des détonations hors-champ (hormis une scène inaugurale traumatisante, mais pas représentative).

Hello--Kitty a écrit:
J'ai regardé cette année une sorte de petit doc de Valeria Bruni-Tedeschi sur son travail au théâtre avec de Peretti et j'ai détesté tout ce que j'entendais, l'absence de simplicité, la pédanterie, enfin tout ce qui me fait peur dans ce que j'imagine être le monde du théâtre, du coup c'est peut-être pour ça que je ne me suis pas bougé pour aller voir Une vie violente.


Une vie violente n'a rien de théâtral. Ou en tout cas il limite le théâtre à la portion congrue (les discours enflammés du chef du groupe politique). Le film est même limite monotone, mais c'est dans le détail et dans la mise en scène (qu'il resterait à détailler) que tout se passe.

EDIT. "Physique mais pas nerveux" comme le dit justement Peretti.
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Hello--Kitty
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Messages: 2053

MessagePosté le: Sam Sep 09, 2017 17:58    Sujet du message: Re: 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017) Répondre en citant

Baldanders a écrit:
Hello--Kitty a écrit:
Je regrette d'avoir raté ce film (il faut dire que la date de sortie n'était pas facile)


Le film est toujours à l'affiche, hein ! Smile


C'est vrai… mais il faut maintenant traverser la Seine ! Inconcevable.


Pour info, demain à 22h Thierry de Peretti présente au Cinéma du Panthéon le documentaire Lutte Jeunesse (témoignages de jeunes hommes corses enregistrés lors du casting de Une vie violente). Ça dure 1 heure.
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Baldanders
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Messages: 967

MessagePosté le: Sam Sep 09, 2017 18:16    Sujet du message: Re: 120 battements par minute (Robin Campillo, 2017) Répondre en citant

Hello--Kitty a écrit:
C'est vrai… mais il faut maintenant traverser la Seine ! Inconcevable.


Il est vrai que j'habite rive gauche, c'est plus commode.

Hello--Kitty a écrit:
Pour info, demain à 22h Thierry de Peretti présente au Cinéma du Panthéon le documentaire Lutte Jeunesse (témoignages de jeunes hommes corses enregistrés lors du casting de Une vie violente). Ça dure 1 heure.


Ah c'est tentant ! Merci !
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