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Sauvons le futur geek de l'enculturation stupide--projet de lutte contre la déculturation--Les Comics

 
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Carton
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 12:01    Sujet du message: Sauvons le futur geek de l'enculturation stupide--projet de Répondre en citant

Il n’a échappé à personne que le geek est devenu une valeur sûre à Hollywood et une catégorie de consommateurs culturel ayant de plus en plus de poids. Du coup, vu l’offre pléthorique de films de superhéros, pas mal de personnes se penchent avec une vraie curiosité sur cette culture jadis moquée. Il faut s’y faire, la culture geek se répand, elle est omniprésente, et pour celui qui est de son temps et de son monde, il est légitime de jeter un œil de ce côté ci de la culture pop.

C’est en quelque sorte le phénomène d’enculturation.

Oui parce que on rigole, mais le mot enculturation existe (autrement que comme une blague de Dubuffet), il a été inventé par Melville Jean Herskovits, un anthropologue du début du siècle dernier dont on ne remerciera jamais assez de fournir rétrospectivement une logique et un sens universitaire au nom de ce forum toujours en quête de rigueur intellectuelle.
Donc l’enculturation, selon ce cher Melville et pour faire vite, c’est « le processus par lequel l'individu assimile durant toute sa vie les traditions de son groupe et agit en fonction de ces traditions.» On notera qu’il y a plusieurs niveaux d’enculturation, qu’il y a aussi l’acculturation et d’autres notions qui font que tout cela peut devenir assez compliqué.
De plus, il y a l’enculturation de l’enfant, chose saine et normale qui se rapproche de l’imprégnation, puis l’enculturation de l’adulte, qui a plus à voir avec le conditionnement ou le reconditionnement. Là, ça demande de la négociation, du travail, la notion de choix est importante dans le processus et pour que le changement advienne il va falloir qu’il se fasse au niveau de la conscience en un examen des possibilités diverses d’acceptation ou de modification des mouvements culturels.

Bref, si Iron Man doit faire partie de la vie du commun des occidentaux, c’est à nous d’éviter à ce dernier de devenir un geek décérébré (Superman nous en garde), il est temps d’avoir une attitude pro-active et salvatrice dans le processus d’enculturation des foules au magma superhéroïque. Car perdre sa culture de départ, embrasser la culture geek sans garder son sens critique et ses goûts propres, devenir un pion dans ce grand mouvement de consommation qui dévalorise et capitalise un corpus passionnant de récits en simple manne de productions de scénario et de films médiocres, ça s'appelle la déculturation. Et ça c'est pas bien.

Dans ce but, je propose ici de lister, nommer, annoter et discuter des œuvres majeures du comics de superhéros, comme un guide pratique et commenté des choses à lire dans le domaine.
Je commence avec 10 titres, plus ou moins dans l’ordre de préférence.



Watchmen (Moore/Gibbons)
Bon ça ne se présente plus, tout le monde connait, ça reste quand même un livre incontournable, avec ce que les geek ont cru être une étude du genre superhéroïque alors qu’il s’agit en fait d’une vision du monde, à la fois sensible, politique et un peu magique aussi. Tressage et géométrie du récit et classe vintage du dessin, par ailleurs.
Et puis vu le film médiocre que ça a donné, il est bon de revenir aux sources.



Sandman (Gaiman/des gens)
Il faut lire les 10 tomes de la série, vraie déclaration d’amour au principe de récit. D’un foisonnement et d’une cohérence étonnante, et une palanquée de moments vraiment poétiques.



Elektra (Miller/ Sienkiewicz)
Certainement le travail le plus abouti de Miller au niveau de la narration, précis, bouillonnant et nerveux. De très beaux personnages aussi et un travail d’écriture magistral, tout en puissance et en excès, toujours sur le fil du délire baroque. La symbiose avec le dessin de Sienkiewicz est exemplaire.



Dark Knight (Miller)
Plus classique que le Elektra, c’est quand même le point de basculement des comics du solaire aux bas-fonds de la mauvaise conscience. Le livre majeur sur la figure du vigilante.



Earth X (Ross/krueger/Leon)
Là on est dans une série pour connaisseurs, c’est à dire que sans une culture solide de l’univers Marvel on est un peu perdu. Mais cette série est une cathédrale, une fresque majestueuse et sombre qui rend justice à la force de la mythologie superhéroïque et réussit comme rarement à donner à l’ensemble une cohérence qui donne le vertige. Le dessin de Léon est tout bonnement magnifique et le tout est une réflexion sur le statut de héros, des dieux et des hommes, la force et la faiblesse des mythes.



Top10 (Moore/ Gene Ha)
Pure œuvre ludique, vraie série basée sur le fun et l’amour des personnages, peut être le travail le plus aimable de Moore, avec des scènes de beauté ésotérique et d’autres d’un humour burlesque extraordinaire.



Swamp Thing (Moore/Steve Bissette)
Série de jeunesse pour Moore, où il réussit le tour de force de s’intégrer dans l’univers des comics d’horreur cheap gothique et dans celui d’un personnage à priori faible et monolithique. Il en sort une histoire sensible et touchante, à la fois effrayante et romantique. Ça tire aussi vers le spirituel, et c'est pas la qualité la moins surprenante et vivifiante de la série



X-Factor (Peter David/des gens)
Du comics mainstream, mais avec un personnage magnifique, L’homme multiple, qui tourne autour du choix, de l’individualité et du groupe. Assez proche d’un Top Ten dans l’aspect sériel, étonnement fin et subtil dans l’écriture. Très bonne entrée pour l'univers Marvel, même si un peu marginale (que des personnages secondaires)



Identity Crisis (Brad Meltzer/Rags Morales)
Là aussi du mainstream, mais psychologique. Elles sont rares les séries DC à avoir autant d’ambition dans l’écriture, et c’est pas évident de rendre réels et concrets les personnages ridicules de la JLA. C’est peut être pas la révolution, mais c’est intelligent et honnête. Certainement la meilleure série pour entrer dans l’univers DC et s’attacher aux personnages, qui pour une fois on une dimension sensible assez rare dans un portrait de groupe.



New Gods (Kirby)
Ça c’est un classique, le travail en franc-tireur du créateur de la plupart des superhéros, qui tente ici de créer sa propre cosmogonie. C’est surtout un boulot extraordinaire au niveau du dessin, de l’énergie de l’ensemble, avec des personnages d’une dimension réellement mythologiques. Une représentation puissante des forces du cosmos, une idée du divin dans un mélange de l’humain, du minéral et de la machine réellement fantastique. Après y’a un peu de maladresse et de naïveté, mais justement pour l’époque il y a une noirceur et un brouillage de la limite entre le bien et le mal qui sera séminal pour toute une génération d’auteur.

Bien sûr on ne sauvera le futur geek de sa misérable geekitude que si l'on s'y met tous ensemble. Au nom de cette cause juste et belle, j'encourage quiconque à partager ses amours éclairées et ses préférences élitistes dans le domaine.
Et bien sûr il est vivement conseillé de me contredire ou de me corriger. Soyons pédagogues et militants.
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Bite Astrale
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 12:10    Sujet du message: Répondre en citant

La seule petite nuance que j'apporterai c'est que, "malheureusement", pour apprécier pleinement les qualités dans le traitement du genre que proposent ces BD, il faut avoir une certaine connaissance du medium.

Maintenant, même l'individu le plus lambda aura digéré la plupart des codes du super-héros, mais je conseillerai quand même de bouffer du comics moins réussi, plus habituel, plus conventionnel, pour saisir la portée de ces mythes revisités.
Et évidemment, de commencer par du vieux. Du Spider-Man par Lee/Ditko ou du X-Men par Claremont/Byrne.

Enfin, disons que c'est la démarche que je conseillerai pour quiconque souhaite VRAIMENT s'intéresser aux comics, et pas juste s'enculturer pour la forme, de manière à pouvoir dire "oui oui j'ai lu Watchmen".
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Carton
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 12:25    Sujet du message: Répondre en citant

Oui mais enfin passé 15 ans, les vieux comics de base c'est assez indigeste. Les Spiderman de Ditko (qui a fait des choses magnifiques par ailleurs) ou les X-men de Claremont c'est quand même assez chiant.

Alors qu'un bon Identity Crisis (pour DC) ou X-Factor pour Marvel, là ça passe beaucoup mieux.
Cela dit les vieux comics de Kirby ou de Ditko ont un charme suranné et une beauté graphique qui peuvent être intéressants. Mais faut vraiment être motivé.
Pour moi, le mieux c'est de commencer avec les trucs de qualité, pour avoir une vraie échelle de valeur valable, pour bien comprendre le potentiel romanesque et mythologique de tout ça et avoir en tête une exigence d'écriture digne de ce nom. Et aussi avoir une vraie satisfaction intellectuelle/artistique à la lecture.
Après si on est motivé on peut se fader les trucs chiants. Ou alors lire sur Wikipédia les résumés, plus simples et moins couteux.
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 12:28    Sujet du message: Répondre en citant

Toute la période Phoenix/Dark Phoenix de Claremont et Byrne, c'est pas chiant...

Et autant Identity Crisis c'est une de mes BD préférées, autant je sais pas si tu en saisis les subtilités si tu t'y connais pas un minimum sur l'éthique de chacun, etc.
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 13:04    Sujet du message: Répondre en citant

En fait je me rends compte que ma sélection est une bonne approche du comics pour ce qui est de la diversité des démarches, pour le niveau de qualité, et pour l'élément principal qui est celui de la mythologie. La plupart des bouquins que j'ai cité soit travaillent sur le sujet mythologique, soit travaillent à inscrire les personnages dans leur propre mythologie, voire à leur en fabriquer une nouvelle.
C'est l'aspect le plus interessant pour moi, au delà du simple savoir biographique des personnages, qui fait quoi et où.
Et Identity Crisis je pense qu'on a toutes les clés (principales) pour comprendre le truc. Après y'a des subtilités mais enfin en soi on peut tout comprendre, et les éléments moraux existent et sont introduits dans la série, on comprend très vite l'éthique de chacun et les problématiques qui se posent, sans forcément devoir connaitre les personnages auparavant.

Mais je me dis que tu as raison sur une choses, c'est que je n'ai pas pris en charge la question des origines des personnages. Si pour moi c'est secondaire (d'autant plus que les origines des personnages ne cessent d'évoluer depuis leur création), c'est quand même pas rien (surtout que c'est un des enjeux récurrents de pas mal de récits) et c'est certainement une des motivations des geeks en devenir pour aborder les comics.

Il faut bien alors trouver une solution, et lister aussi les récits des origines, ou au moins des récits plus "classiques" qui permettent une compréhension plus globale des univers sans que ce soit de la merde non plus. Je compte sur toi Bitas pour avoir des idées.
Par ailleurs, on pourrait citer les 2 premiers volumes de Ultimates, qui sont des réecritures des origines mais qui sont largement les livres les plus utilisés dans les adaptations ciné des personnages Marvel. Et puis ce sont des livres plus qu'honnêtes.
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Zagriban
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 13:46    Sujet du message: Répondre en citant

Question con: ça se définit comment la "culture geek"?
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Bite Astrale
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MessagePosté le: Mar Mai 11, 2010 14:55    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:

Il faut bien alors trouver une solution, et lister aussi les récits des origines, ou au moins des récits plus "classiques" qui permettent une compréhension plus globale des univers sans que ce soit de la merde non plus. Je compte sur toi Bitas pour avoir des idées.

Mmmm, là, off the top of my head, je pourrais citer :

Pour Batman (même si lui, tout le monde connaît ses origines) : Batman Year One, qui rappelle bien la naissance du héros et donne une véritable idée de ses aventures "urbaines" (aka avant le défilé de freaks).
En complément pour la suite : The Long Halloween et Dark Victory de Tim Sale/Jeph Loeb (le second revisite notamment les origines de Robin, donc c'est aussi ça de gagné), dans le genre polar c'est sublime.

Pour Daredevil : le Daredevil Yellow de Sale/Loeb là aussi, retrace bien les origines du personnage.
En complément pour la suite : The Man Without Fear de Miller bien qu'un peu classique, et globalement tous les Daredevil de Bendis (avec Mack ou Maleev au dessin).

Pour Superman : lui ses origines, elles changent un peu tout le temps pour accomoder les nouvelles continuités créées par les crossovers actuels et j'ai pas lu la dernière version désignée comme "les origines" (celles de Morrison dans le Superman All-Star si je ne m'abuse), par contre je reconnais des qualités à la version précédente, Birthright, par Mark Waid et Leinil Francis Yu.
Loeb et Sale ont une fois plus travaillé sur les origines de ce personnage mais leur For All Seasons me paraît un peu faible comparé à ce qu'ils ont fait pour Batman et Daredevil (excepté au niveau du dessin, toujours aussi particulier). Birthright est un bon rappel des origines, sans doute plus actuel que The Man of Steel de John Byrne.
En complément : Kingdom Come d'Alex Ross et Mark Waid, soit le Earth X de DC Comics je crois bien.

Pour les X-Men : si on prend les tomes publiés chez Panini (puis Semic mais j'avais déjà lâché), à partir de 1975 et donc de Giant Size X-Men #1 (et l'arrivée notamment de Wolverine) par Chris Claremont & Dave Cockrum puis John Byrne, c'est une bonne manière de se mettre dans le bain. Je ne suis pas trop fan des choix effectués sur Ultimate X-Men donc je le conseille pas. Pareil pour Ultimate Spider-Man que je trouve tout simplement laid. Donc...

Pour Spider-Man : nivau origines, on fera jamais mieux que l'original, donc là aussi, les rééditions Panini des débuts par Lee & Ditko. On est pas obligés de tout se taper, tu lis les premiers et t'es bon...mais bon, Spider-Man, les X-Men, on les connaît leurs origines.

Pour les autres comme Flash ou Green Lantern, ça devient plus compliqué...
Le Green Lantern version Hal Jordan a un parcours intéressant qu'il est possible de suivre en choppant Emerald Dawn/Emerald Dawn II puis Emerald Twilight, qui forment un arc à la Anakin Skywalker/Darth Vader.
Ce qui suivit (Zero Hour : Crisis in Time et The Final Night) sont moins bons.
Autant passer direct à Green Lantern: Rebirth et au renouveau du personnage, qui redevient Green Lantern après avoir été le méchant Parallax puis la nouvelle incarnation du Spectre...

Mais bon, je me relis et je trouve ça décourageant en fait...

En fin de compte, j'ai plutôt envie de conseiller aux curieux d'aller voir ici :
http://www.asitecalledfred.com/comics101/archives.html

Vous allez tout en bas de la page et vous vous tapez chacun des liens.
L'auteur de ces articles, Chris Ryall, résume bien, de manière plus digeste, mieux illustrée et sans doute plus pertinente que Wikipédia même si moins exhaustive les origines de chacun de ces super-héros ainsi que la galerie de leurs adversaires et certains moments-clé de leurs parcours.

Dans le genre éducation accélérée, ça se pose là.
Une fois lu ça, je pense qu'on peut s'attaquer aux ouvrages listés par toncar (même si je conseille ceux de ma liste aussi, notamment les "en complément").

Citation:
Par ailleurs, on pourrait citer les 2 premiers volumes de Ultimates, qui sont des réecritures des origines mais qui sont largement les livres les plus utilisés dans les adaptations ciné des personnages Marvel. Et puis ce sont des livres plus qu'honnêtes.

Oui, je les recommande chaudement.
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Bicéphale



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MessagePosté le: Mer Déc 19, 2012 18:11    Sujet du message: Répondre en citant

Longtemps qu'on avait pas causé comics de super-héros...

le yougo' a écrit:



Earth X (Ross/krueger/Leon)
Là on est dans une série pour connaisseurs, c’est à dire que sans une culture solide de l’univers Marvel on est un peu perdu. Mais cette série est une cathédrale, une fresque majestueuse et sombre qui rend justice à la force de la mythologie superhéroïque et réussit comme rarement à donner à l’ensemble une cohérence qui donne le vertige. Le dessin de Léon est tout bonnement magnifique et le tout est une réflexion sur le statut de héros, des dieux et des hommes, la force et la faiblesse des mythes.


Relu ça dernièrement. Faut sans doute y voir le signe d'un certain désœuvrement. C'est aussi épais qu'un bottin. Et c'est d'un ennui sans nom, dès les premières pages. Je suis quand même allé jusqu'au bout. Pour voir les milles petites manières de prolonger l'ennui. Le sérieux de l'entreprise. Gorgé de solennel. Ils osent tout, plus rien les empêche. La prétention qui dévore, le feu sacré du graphic novel. Comment tout à coup (façon de parler, c'est venu peu à peu, y eu Gerber, y a eu Starlin, y a eu Moore, y a eu Miller, et d'autres que j'oublie, toute une lignée, ça a été un long processus, avec de rares réussites, des exceptions, des petits miracles), tous ces mercenaires du torche-cul ont commencé à croire qu'ils avaient quelque chose à nous dire, et que ce qui s'agitait dans leurs caboches, c'était de la pensée. Le "super-héros adulte" et toutes ces fadaises. Depuis, ils nous créent régulièrement des cathédrales de crème au beurre. Celle-ci en est une belle. Indigestion assurée.

le yougo' a écrit:


Elektra (Miller/ Sienkiewicz)
Certainement le travail le plus abouti de Miller au niveau de la narration, précis, bouillonnant et nerveux. De très beaux personnages aussi et un travail d’écriture magistral, tout en puissance et en excès, toujours sur le fil du délire baroque. La symbiose avec le dessin de Sienkiewicz est exemplaire.


Pas relu Elektra, j’ose pas, peut-être à tort, ça viendra. Mais relu Stray Toasters, l'un des rares albums que Sienkiewicz ait réalisé tout seul. Pour faire court : c'est une catastrophe. Ça se rêve électrique et ouvert, inventif et novateur, la bombe qui repousse toutes les limites, graphiques, narratives, et c'est pitoyable. Creux. Boursouflé et creux (et d’un ennui…). M’aura un peu remis en mémoire (ce qui est toujours douloureux) l’exécrable Requiem for a dream. Un fantasme naïf d’échappée folle : croire qu’il y a moyen d’atteindre une masse critique en cumulant les platitudes, en précipitant leurs développements, leurs enchaînements, croire qu’il suffira de ça… Lu en parallèle The Shadow, série mainstream (scénarisée par Andrew Helfer) dont Sienkiewicz illustre les six premiers numéros (publié par DC un an avant Stray Toasters, pas sûr que ce soit jamais paru en France). Là, Sienkiewicz est en mode mineur, il s'en tient à un nombre d’outils plus restreints, il n’a pas le temps de courir après une énième invention formelle . Et c’est assez réjouissant. Il y a un scénariste, un coloriste, toute la chaîne d’assemblage, et Sienkiewicz ne s’occupe que du dessin, que de dessin. Les restrictions inhérentes au projet lui permettent de se concentrer sur l’essentiel. Il joue des possibilités du trait, de la figuration. Il décline les régimes, sans que la chose lui échappe. Il ne nous bricole pas des explosions chromatiques terminales, des découpages acrobatiques vains, des collages hideux. Il dessine, encre, le noir, le blanc, leurs rapports, il cherche. Travail à la fois plus humble et plus discret, sans posture à la noix. Et travail qui se tient, intéressant, parfois enthousiasmant (sans être exceptionnel). Sienkiewicz était un bon dessinateur, un mercenaire plus talentueux que beaucoup d’autres. Et puis, un beau jour, l’appel de la cathédrale-de-crème-au-beurre a retenti très fort. Fallait faire grandir le comics de super-héros, toujours plus haut. Conclusion : ils auront juste bourré d’hormones plastiques et de citations nietzschéennes le bambin crétin (excepté les exceptions, oui, mais si rares).
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MessagePosté le: Mer Déc 19, 2012 20:42    Sujet du message: Répondre en citant

Bosse de Nage a écrit:
Evidemment, le Spirit de Eisner pour les grands classiques, dont tous les lecteurs peuvent apprécier la double nature - à la fois scrupuleux récits de super héros et fantaisie parodique du genre

Oui, le Spirit, je crois que j'en avais déjà parlé, ici ou ailleurs, un peu. Je connais très bien la période d'après-guerre, lorsque Eisner reprend les commandes. Cette époque du Spirit vole très très haut au-dessus de la mêlée. C'est une mine inépuisable d'inventions, où émergent d'innombrables potentiels qui s'actualiseront par la suite, s'ancreront pour de bon dans le champ de la bande dessinée (le travail de Kurtzman chez EC Comics, les comix alternatifs des 60's, le propre travail d'Eisner à partir de la fin des 70's, les super-héros des années 80, etc., tous déjà là). Eisner fait de la série un laboratoire graphique, narratif, thématique (bien au-delà du rapport binaire que tu énonces, qui n'est pas faux mais terriblement incomplet). Semaine après semaine. En quelques années (de 1945 à 1952, même si c'est peut-être un peu moins brillant de 50 à 52, pour cause de lent désengagement d'Eisner), c'est l'essoreuse. Si Eisner est un géant, c'est , à mes yeux, en raison de ce qu'il réalise avec le Spirit à cette époque plus que pour ses bandes dessinées plus tardives. C'est une lecture étonnante. Eisner est effrayant de talent.
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MessagePosté le: Mar Jan 22, 2013 19:57    Sujet du message: Répondre en citant

Bicéphale a écrit:
Longtemps qu'on avait pas causé comics de super-héros...

le yougo' a écrit:





Relu ça dernièrement. Faut sans doute y voir le signe d'un certain désœuvrement. C'est aussi épais qu'un bottin. Et c'est d'un ennui sans nom, dès les premières pages. Je suis quand même allé jusqu'au bout. Pour voir les milles petites manières de prolonger l'ennui. Le sérieux de l'entreprise. Gorgé de solennel. Ils osent tout, plus rien les empêche. La prétention qui dévore, le feu sacré du graphic novel. Comment tout à coup (façon de parler, c'est venu peu à peu, y eu Gerber, y a eu Starlin, y a eu Moore, y a eu Miller, et d'autres que j'oublie, toute une lignée, ça a été un long processus, avec de rares réussites, des exceptions, des petits miracles), tous ces mercenaires du torche-cul ont commencé à croire qu'ils avaient quelque chose à nous dire, et que ce qui s'agitait dans leurs caboches, c'était de la pensée. Le "super-héros adulte" et toutes ces fadaises. Depuis, ils nous créent régulièrement des cathédrales de crème au beurre. Celle-ci en est une belle. Indigestion assurée.


Alors j’ai un peu refeuilleté le truc, c’est vrai que c’est plutôt lourdingue. Mais je crois que ce qui m’a plu, c’est pas tant le côté sérieux à mort ou la gravité à tout les étages, j’ai plutôt pris ça comme un “What if” versant morbide, un exercice de style où il s’agit de mener tous les personnages en bout de course pour enfin révéler la cohérence de tout ce fatras de mutants, extra terrestres et demi-dieux. C’est ça la cathédrale, donner un ordre un peu monumental à l’unvers marvel. C’est un peu indigeste (une cathédrale aussi des fois d’ailleurs), mais le seul fait que ça tienne debout ça m’avait impressionné. Et puis y’a un humour glauque qui marchait pas mal il me semble, spiderman obèse, mr fantastique qui s’étire le cerveau, l’armure d’iron man grande comme une forteresse, Le Gardien aveugle, les héros tellement statufiés qu’ils finissent dans de la terre glaise… Disons que là il ne s'agit pas de faire une version adulte du super héros, mais plutôt une version sénile, de ce point de vue c’est pas mal
Au fond je te rejoins sur une certaine lassitude face à toute cette entreprise de rendre sérieux et mature les histoire de super héros, en BD comme au cinéma, ça se crispe énormément et ça philosophe sur des grands thèmes, souvent le résultat est monolithique et pénible. Il y a certainement de ça dans Earth X


Bicéphale a écrit:

Pas relu Elektra, j’ose pas, peut-être à tort, ça viendra.

.

Là dedans par exemple, l’humour est très présent, le flic alcoolique à moitié robot est super drôle, au fond ça se prend très peu au sérieux (mais je ne l’ai pas relu depuis longtemps non plus)

« un travail d’écriture magistral », aïe aïe aïe.
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MessagePosté le: Jeu Jan 24, 2013 12:28    Sujet du message: Répondre en citant

le yougo' a écrit:
Disons que là il ne s'agit pas de faire une version adulte du super héros, mais plutôt une version sénile

Ce serait ça le triste souci du super-héros américain : bambin neuneu passé quasi-direct à l'état de vieillard sénile, en claironnant tout du long (ou presque) que ça y est, il est adulte, pour de bon, grand, majeur et vacciné contre la connerie, quand il n'aura jamais pu l'être, nécessairement.
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