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L'inconsolable & L'Héritier (Jean-Marie Straub - 2010)

 
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Zahad le rouge
dans le coma profond


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MessagePosté le: Mar Déc 07, 2010 14:54    Sujet du message: L'inconsolable & L'Héritier (Jean-Marie Straub - 2010) Répondre en citant

Un peu de dossier de presse, avant de commencer :



L'INCONSOLABLE

D’après « Dialogues avec Leucό » (1947) de Cesare Pavese

Entre Straub (et Huillet) et Pavese, c’est une déjà longue histoire. Elle commence avec le premier film d’après des textes de Pavese, Dalla nube alla resistenza en 1978, avec en deuxième partie La luna è i falό et en première partie six des Dialoghi con Leucό, avec l’inoubliable Olimpia Carlisi comme Nephele, assise dans son chène-liège.
Entre ce premier et le deuxième s’écoulent près de vingt ans: Quei loro incontri, dédié aux cinq derniers Dialoghi, est montré à Venise en septembre 2006.
Depuis, Jean-Marie Straub a mis en scène et filmé ensuite un douzième dialogue, La Belva devenu II Ginocchio di Artemide, en 2007, puis en 2008, le treizième, Le Streghe, devenu Le Streghe (Femmes entre elles).

Le nouveau volet de ce qu’il convient bien d’appeler une histoire unique au cinéma, marque une étape: L’inconsolable, tourné dans les collines de Buti, en Toscane, dans ces endroits qui sont pour Straub, comme certains disent, l’équivalent de Monument Valley pour Ford. Straub aime retourner dans ces lieux apprivoisés par des années d’attention et de patience, pour, d’une toujours nouvelle façon, poussant toujours un peu plus loin les limites, faire vivre cette parole venant de si loin et qui se fait entendre dans le langage de Pavese.


L'HÉRITIER

D’après « Au service de l’Allemagne » de Maurice Barrès

En 1994, Jean-Marie Straub réalise avec Danièle Huillet un film, d’après le roman Colette Baudoche de Maurice Barrès, qui porte le titre Lothringen ! En 2010, Jean-Marie Straub retourne dans l’Est, en Alsace cette fois-ci, pour réaliser le deuxième volet du diptyque Barrès. Il s’agit d’un texte tiré du livre Au service de l’Allemagne, écrit par Barrès en 1903 sur le Mont Saint-Odile. Avec comme acteur principal Joseph Rottner, le réalisateur suit les traces du jeune médecin de campagne en promenade au Mont Saint-Odile, à travers les chemins qu’a connus Barrès, jusqu’à la Maison forestière de Ratsamhausen et autour du célèbre Mur païen, unique dans la région. Jean-Marie Straub joue lui-même le rôle du Lorrain avec lequel le jeune Alsacien s’entretient.




Et ensuite il faut restituer précisément ma subjectivité totale.
J'y allais sans trop savoir, j'y allais un peu comme à la Messe, en me disant que ça me faisait quand même un peu chier, que depuis la mort de Danièle Huillet, Straub n'arrivait pas à inventer ce que pouvait être un film de Straub sans Huillet, qu'il lui manquait quelque chose. Un temps, j'ai pensé qu'il lui manquait aussi la pellicule. Il faut dire que le dernier film de Straub & Huillet, l'époustouflant Itinéraire de Jean Bricard, était un véritable documentaire sur le cinéma analogique, et sur l'une des pertes qu'il faut admettre dans le passage au numérique, sur la nécessité de réinventer le cinéma après la mort de pellicule, et donc sur la nécessité de lui donner de belles funérailles (le travelling le long de l'île, et le maillage incroyablement complexe entre les branchages des arbres nus en noir et blanc, plan-séquence sidérant, impossible à restituer, qu'on le veuille ou non, en numérique -- en numérique, on doit inventer autre chose, et cet autre chose, de la même manière, n'appartiendra qu'au numérique, il suffit de voir la réponse numérique de Godard à ce plan-séquence dans Film Socialisme pour le savoir).

Alors quoi, Straub trop ostensiblement archaïque pour filmer en numérique?

Et puis non, je me suis souvenu Europa 2005, ce génial court métrage, première incursion du couple dans le numérique, magnifique, puissant. Quelque chose de Lothringen! ou de Trop tôt trop tard s'y voyait réinventé pour le numérique, il y avait une réinvention très forte ici, et c'était un peu passé inaperçu. J'y ai songé hier en revoyant Lothringen!, en me disant que les mouvements d'appareil étaient des mouvements de l’analogique, cette espèce d'engloutissement par la distorsion du bord cadre, effet de lentille, cet effet de toile déroulée lors des panos lents, des allers et retours. Cette question permanente du rapport au documentaire, cette nécessité de dire toujours que le cadre réinvente le monde, qu'un poteau droit soumis à un pano vertical paraîtra soudain penché à cause du mouvement d'appareil. Europa 2005 en faisait autre chose, c'était un fait de montage, de la possibilité de reprise à l'infini du même plan avec d'infimes variations, de la mise en doute de l'image et du son, et partant du montage numérique.

Enfin voilà, Europa 2005 c'était un avant-goût d'une révolution qui aurait été négociée sans doute différemment avec Huillet. Sans elle, Straub a signé coup sur coup Le Genou d'Artémide, Le Streghe, Corneille/Brecht et son très court sur Joachim Gatti. Quatre films que je n'aime pas. Artémide et le Streghe, c'était du Straub s'enfermant dans son propre système, répétant mal Ces rencontres avec eux, sans le pas accompli entre Dalla nube alla resistenza et Ces rencontres avec eux, sans évolution, sans appréhension de ce qui devait se réinventer.

Le court sur Gatti, c'était vraiment du vent, peut-être une blague, je ne sais pas, ou bien je n'avais rien compris.

Corneille/Brecht, c'était encore autre chose, un premier pas mal assuré vers les deux qui nous intéressent ici. Il y avait un hiatus mal digéré entre l'espèce de solennité et la forme redevenue pauvre. Quelque chose de l'ordre de l'imitation de Straub par lui-même, on aurait presque cru ses imitateurs patentés genre Christophe Atabekian. Mais il y avait quelque chose tout de même l'annonce de quelque chose, de nouvelles appréhensions du médium et du monde, de nouveaux abords du montage, une mise en scène en cours de réinvention. Dans la lumière, quelque chose de métallique, d'irradié par le soleil blanc à travers les rideaux. Un potentiel de dynamique neuve, aussi, dans la toute première partie, avec la femme à sa fenêtre, des sautes du montage, un rapport spécifique aux corps, comme si le corps Straubien, minéral, essayait de s'échapper de son statisme dans la collure, en sautant par la fenêtre. Cette brutalité-là... D'ailleurs moi je l'enviais cette brutalité, car le reste du film était un sacré pensum particulièrement chiant...

(Straub a aussi réalisé O Somma Luce qui sort début 2011 et que je n'ai pas encore vu, et qui m'intrigue beaucoup)

Et donc L'inconsolable. Je me dis Straub revient à Leuco, c'est reparti, c'est encore Le Streghe... Et puis non, c'est presque la même chose qu'entre Lothringen! et Europa 2005, un geste proche mais repensé, un apaisement, une compréhension de la perte à admettre et du gain possible. Un redéploiement. Ce n'est pas la révolution, mais soudain je me retrouvais à réécouter Leuco, et à ne pas penser à autre chose. Straub retrouve la tension/l'attention aux petites variations des corps et des voix, accepte un acteur qui lève un sourcil théâtral, admet que son numérique est plus terne que les couleurs ensoleillées de ses sous-bois d'antan... Et restitue pourtant l'émotion de la trouée du soleil du le front d'un acteur, retrouve la puissance de découpage qui à mon sens n'était plus la sienne... Rien d'immense, un peu de retour dans ses pantoufles, mais enfin cette fois on comprend pourquoi Straub prolonge Leuco.

Mais la vraie surprise, c'est L'Héritier. Déjà parce que Straub y joue, son corps massif combattant sa courbe sur sa canne, son mélange d'inamovibilité paysanne et de fragilité de grand-père, et ce n'est pas le rôle de caillou sur chaise qu'on aurait pu attendre, non : c'est un film d'action, L'Héritier. À travers la forêt, entre L'Alsace et le Luxembourg, et puis on parle sang, urgence, violence... Et surtout on commence caméra à l'épaule, dans les dos de Straub et Joseph Rottner, qui marchent d'un bon pas sur un chemin de terre, et discutent longuement. Cette séquence s'achèvera de la manière suivante : le cameraman s'arrête à un moment et les laisse s'enfoncer dans la forêt, longuement, jusqu'à ce qu'ils disparaissent.

Ce plan, pour qui connaît un peu les Straub, est incroyable. C'est un plan, un élan, de pure fiction comme je leur en connais peu, surtout ces dernières années (Straub disait après la séance que c'était un film "hollywoodien... Soviétique" (sic) et je suis sûr que c'était pour ça), c'est un plan de pure convention comme on en croise tout le temps, mais disons à peu près jamais chez les Straub : un plan qui admet qu'il y a un caméraman mais qu'il faut faire comme si de rien n'était, comme s'il n'existait pas. Jusqu'à présent, un plan comme celui-ci, chez Straub, signifierait qu'on a laissé quelqu'un dans la forêt, la place de la caméra est toujours justifiée/justifiable, dans le sens où il n'y a pas mensonge quant à cette place. Là cette place est aberrante : qui a-t-on laissé dans la forêt? Qui reste derrière? D'ordinaire, un plan porté, dans Dalla nube par exemple, l'est sur la charrette des paysans, et l'on regarde la nuque des bœufs des minutes entières. Là, ce plan est invraisemblable.

Alors on l'accepte ou pas, je n'en sais rien, je n'ai pas eu le courage de poser la question ensuite. Mais Straub, ici, en se contredisant presque, accomplit complètement sa transformation, sa réinvention. L'Héritier est en tout cas, à mon avis (hormis p-ê O Somma Luce que je n'ai pas encore vu), son film le plus intéressant et le plus beau depuis 2008. Ce n'est pas rien.
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Dernière édition par Zahad le rouge le Mer Déc 08, 2010 12:52; édité 1 fois
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kleber
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MessagePosté le: Mar Déc 07, 2010 19:26    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Un potentiel de dynamique neuve, aussi, dans la toute première partie, avec la femme à sa fenêtre, des sautes du montage, un rapport spécifique aux corps, comme si le corps Straubien, minéral, essayait de s'échapper de son statisme dans la collure, en sautant par la fenêtre.


J'aime bien cette idée, mais ces sautes de montage (et de lumière, conséquemment), on les trouve aussi dans la deuxième partie, non ? Ça me semblait participer de la dissonance généralisée, qui fait que pour moi Corneille-Brecht est loin d'être un pensum, et qui affecte aussi le traitement de la langue, surtout pour la partie Brecht. J'ai peut-être halluciné, mais l'allemand m'a paru violemment tordu, les accents régulièrement déplacés, enfin il y avait quelque chose comme une force de frappe retrouvée par la langue et dirigée contre les bruits ambiants de Rome, je trouvais ça très fort.

(En cherchant un peu sur le net des trucs sur ce rapport à la langue, je tombe sur un bout d'interview où Huillet dit qu'elle a d'abord appris l'allemand par les livres, que donc la langue n'était pas pour elle le "véhicule" du sens mais quelque chose de musical, c'est un peu ce que j'ai ressenti devant Corneille-Brecht.)

Et, outre ce plaisir purement auditif, il y avait encore cette façon de se tenir dans le cadre, d'y habiter presque, "minéral" effectivement, comme si les corps avaient été là de toute éternité, surtout dans la première partie ; j'aime bien que ce qu'on retienne de ses films, ce soient d'abord des postures, des choses finalement très concrètes, ici une femme légèrement accoudée à sa fenêtre (dans mon souvenir) essayant de faire entendre Corneille malgré (ou contre) les bruits du monde, comme dans Othon il y a quarante ans. C'est aussi pour ça que je trouve pas que le court sur J. Gatti soit une blague (pour ceux qui l'ont pas vu, c'est là après quelques clics : http://www.revue-leucothea.com/2/), il y a me semble-t-il chez Straub la croyance, très forte, que la langue, les grands textes, ici Rousseau, ont une vraie efficacité politique, pour peu qu'on parvienne à les restituer dans leur singularité, libérés de la gangue de la culture, "distanciés", "étrangéifiés" comme il faudrait mieux traduire, et dans le court c'est ce saut brutal de Rousseau à la tirade sur la police du capital qui entraîne (au forceps) l'actualisation du texte...

Sinon, j'ai très hâte de voir ces nouveaux films.
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Zahad le rouge
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MessagePosté le: Mer Déc 08, 2010 11:36    Sujet du message: Répondre en citant

kleber a écrit:
J'aime bien cette idée, mais ces sautes de montage (et de lumière, conséquemment), on les trouve aussi dans la deuxième partie, non ? Ça me semblait participer de la dissonance généralisée, qui fait que pour moi Corneille-Brecht est loin d'être un pensum, et qui affecte aussi le traitement de la langue, surtout pour la partie Brecht. J'ai peut-être halluciné, mais l'allemand m'a paru violemment tordu, les accents régulièrement déplacés, enfin il y avait quelque chose comme une force de frappe retrouvée par la langue et dirigée contre les bruits ambiants de Rome, je trouvais ça très fort.


Oui, oui, je vois ce que tu veux dire, mais je ne sais pas, ça n'a pas "pris" sur moi cette fois-ci, je verrai en le revoyant lors de la sortie de O Somma Luce, mais je ne sais pas, je trouvais que ça n'en finissait pas, que ça n'aboutissait pas, et puis il y avait une pesanteur, une solennité que je trouvais de trop. Ce qui est beau dans les deux derniers films, c'est presque le retour à une fragilité, une humilité, de premier film, de jeune homme.

Citation:
(En cherchant un peu sur le net des trucs sur ce rapport à la langue, je tombe sur un bout d'interview où Huillet dit qu'elle a d'abord appris l'allemand par les livres, que donc la langue n'était pas pour elle le "véhicule" du sens mais quelque chose de musical, c'est un peu ce que j'ai ressenti devant Corneille-Brecht.)


je te recommande le bouquin de Lafosse : http://livre.fnac.com/a1942271/Philippe-Lafosse-L-etrange-cas-de-Madame-Huillet-et-Monsieur-Straub

Citation:
Et, outre ce plaisir purement auditif, il y avait encore cette façon de se tenir dans le cadre, d'y habiter presque, "minéral" effectivement, comme si les corps avaient été là de toute éternité, surtout dans la première partie ; j'aime bien que ce qu'on retienne de ses films, ce soient d'abord des postures, des choses finalement très concrètes, ici une femme légèrement accoudée à sa fenêtre (dans mon souvenir) essayant de faire entendre Corneille malgré (ou contre) les bruits du monde, comme dans Othon il y a quarante ans.


Oui, il y a de toute façon énormément d'implicite et de sensible. Il y a déjà tout ce qui, moi, me passe par-dessus la tête et que je découvre lors des débats, genre "ces sous-bois, là, qu'on voit à tel moment du film, c'est un ancien cimetière mérovingien" Shocked

Mais il y a tout le reste, ce sont toujours des films sur comment on respire, et lorsqu'il s'agit de films de paysage comme Trop tôt trop tard, sur comment le vent souffle sur la mémoire des paysages (car évidemment chez les Straub, il est évident que le cinéma, c'est du souvenir, quoi qu'on filme, on filme toujours ce qui était, et c'est même le ressort premier, pour moi en tout cas, de l'émotion, ce sont des films puissamment mélancoliques, ce sont des films, pour paraphraser Huillet, pour se souvenir qu'on pouvait autrefois se baigner dans les rivières). Et je trouvais qu'on avait perdu en proximité, en affect, dans les derniers films (tu ne dis rien d'Artémide et du Streghe?). Là, dans L'Héritier, par exemple, le souffle étonnant de Joseph Rottner sur ses amorces et fins de phrase est une émotion puissante. Les mots démarrent au fond de la gorge, comme s'ils démarraient sur un manque de souffle, ce qui est presque un suspense : comment commencer une longue tirade à bout de souffle? Les premiers mots naissent souvent dans sa bouche comme des plaintes, comme des gémissements, puis une voix franche reprend le pouvoir, une voix forte, virile, mangée parfois par son accent alsacien, et quand elle en vient au moment de s'interrompre, elle s'adoucit brutalement. Voilà des événements de la langue que, me semble-t-il, on avait perdu. Ou qu'en tout cas je ne percevais pas.

Citation:
C'est aussi pour ça que je trouve pas que le court sur J. Gatti soit une blague (pour ceux qui l'ont pas vu, c'est là après quelques clics : http://www.revue-leucothea.com/2/), il y a me semble-t-il chez Straub la croyance, très forte, que la langue, les grands textes, ici Rousseau, ont une vraie efficacité politique, pour peu qu'on parvienne à les restituer dans leur singularité, libérés de la gangue de la culture, "distanciés", "étrangéifiés" comme il faudrait mieux traduire, et dans le court c'est ce saut brutal de Rousseau à la tirade sur la police du capital qui entraîne (au forceps) l'actualisation du texte...


oui, c'est p-ê trop aux forceps pour moi... Wink

content d'avoir trouvé un straubien dans l'assistance!
qu'as-tu pensé de De son appartement? Je suis pour ma part partagé entre une impression d'affectation trop appuyée, aux limites du ridicule parfois, et puis des pointes de génie sensible, tous les passages musicaux notamment...
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Zahad le rouge
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MessagePosté le: Mer Déc 08, 2010 12:49    Sujet du message: Répondre en citant

ah oui, une question au passage : hormis le plan-séquence sur les boeufs dans Dalla Nube, tu as d'autres exemples en tête de plans portés, de longs travellings avant? Il me semble que les mouvements d'appareil chez Straub, c'est presque toujours des panos. Je n'arrive pas à remettre la main sur un autre souvenir de travelling (je me trompe sans doute)
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MessagePosté le: Mer Déc 08, 2010 18:32    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai pas vu tous les films des Straub, loin de là, mais effectivement j'ai pas de souvenirs de travellings avant à part celui-là. Pour les travellings tout court, je sais pas trop où s'arrête la définition, il y en a peut-être dans la voiture de Leçons d'histoire (pas vu), Séguret en voit un dans Sicilia (m'en souviens pas), Straub en veut un dans Le fiancé... (pas vu non plus), et puis il y a ceux autour de l'île dans Jean Bricard (que tu cites dans ton premier message)...

Le Genou d'Artémide et Femmes entre elles, je sais pas, j'avais pas senti cette froideur (beaucoup moins que dans Ouvriers, Paysans, par exemple), et puis j'étais juste content de retrouver Pavese et la forêt ; il me semble aussi que dans le premier il y avait de très bons choix de montage dans l'organisation du dialogue, en fait je sais plus trop...

Le film de Rousseau je l'ai pas encore vu, sans doute lundi ou mardi prochains. Lafosse, je note, pour quand Dieu me donnera temps et fric (si tu nous lis : aux prochaines vacances stp).
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MessagePosté le: Mer Déc 08, 2010 23:20    Sujet du message: Répondre en citant

Lafosse il n'y a que la moitié du livre à lire, celle des entretiens bruts, l'autre moitié c'est la réécriture de la première moitié en plus "correct" sans le langage parlé, c'est complètement idiot, je propose que le livre soit désormais vendu à moitié prix.

Oui, bien sûr, le travelling de Bricard, dans Sicilia je ne sais plus, ou alors on se dit que le train c'est un travelling, puisqu'on est à son bord?

Le fiancé je m'en souviens plus, s'il y a un travelling c'est pas dans mes souvenirs, dans mes souvenirs c'est surtout plan large frontal, comme si on filmait une scène.

Et puis si, il y a le travelling infini en voiture dans TTTT.

Mais donc voilà, à chaque fois, c'est des travellings embarqués, là c'est un plan aberrant, presque une négation, alors du coup il m'intrigue beaucoup...
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MessagePosté le: Dim Déc 26, 2010 20:34    Sujet du message: Répondre en citant

Des extraits de l'après-séance : http://www.vimeo.com/18031783
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MessagePosté le: Dim Déc 26, 2010 23:22    Sujet du message: Répondre en citant

merci!
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MessagePosté le: Jeu Déc 30, 2010 1:16    Sujet du message: Répondre en citant

hum, et donc j'ai vu O Somma Luce.
ce qui me confirme que cette salve-là, je ne l'aime pas beaucoup, qu'elle contient pas mal de quasi-auto-parodies, Straub copiant l'image des Straub, en pilotage presque automatique.
heureusement que Corneille-Brecht, malgré ses défauts, annonce la réinvention de L'Héritier : ça pourrait être décourageant, sinon...
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MessagePosté le: Sam Jan 15, 2011 19:22    Sujet du message: Répondre en citant

O Somma Luce, tu l'as vu dans la copie qu'on trouve sur Surreal ? Les sous-titres anglais m'ont découragé mais c'est ce que j'aurais dû faire, parce que la formule sous laquelle ils l'ont sorti (= après deux "cinétracts" et Corneille-Brecht) est franchement aride, en tout cas ça m'a un peu largué. Le passage d'un dispositif à l'autre exige une attention continue, la difficulté des textes aussi (de leur traduction surtout) du coup je somnolais vaguement avant le début de OSL. C'est un peu ma faute (Straub à l'heure de la sieste, hum) mais je me dis que ces tracts, c'était peut-être trop.

D'autant que Corneille-Brecht à la revoyure m'a paru, effectivement, un peu guindé, et jamais très loin de la belle-image. La langue est moins "disloquée" que dans mon souvenir, là j'ai vu surtout une actrice faisant une démonstration, pas sans beauté (lorqu'elle semble lire une partition, notamment, son côté chef d'orchestre) mais quand même un peu magistrale.

Et donc O Somma Luce, bon, j'ai trouvé ça un peu solennel, pas très incarné. J'aime bien certaines choses, comme la pierre que l'acteur pose sur son texte, ou les changements (incontrôlés ?) de lumière dans la version sous-titrée, et puis Varèse (je connaissais pas, ça fait un certain effet d'être accueilli comme ça), mais dans l'ensemble j'ai surtout une impression d'étouffement sous trop de culture. La faute peut-être au numérique qui affadit pas mal les paysages, ou ma propre fatigue, je sais pas... Si les deux derniers sont différents, c'est rassurant.
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Zahad le rouge
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MessagePosté le: Dim Jan 16, 2011 8:59    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, je l'ai vu dans la version un peu moche de KG, j'ai pas eu le courage d'y retourner (aussi parce que je savais que je n'avais pas le temps)

Heureusement que je les ai découverts un par un, et que j'ai vu aussi l'Héritier, j'imagine qu'on peut sortir épuisé d'une telle projection, sans espoir de mieux pour l'avenir...
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MessagePosté le: Lun Jan 09, 2012 21:57    Sujet du message: Répondre en citant

Ouais L'héritier c'est le Philippe Labro avec Bébel !
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Baldanders
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MessagePosté le: Mar Jan 10, 2012 2:53    Sujet du message: Répondre en citant

Zahad le rouge a écrit:
ah oui, une question au passage : hormis le plan-séquence sur les boeufs dans Dalla Nube, tu as d'autres exemples en tête de plans portés, de longs travellings avant? Il me semble que les mouvements d'appareil chez Straub, c'est presque toujours des panos. Je n'arrive pas à remettre la main sur un autre souvenir de travelling (je me trompe sans doute)


Il y en a deux qui me viennent : l'un qui suit un personnage de dos, le long d'une voie de chemin de fer, dans Non réconciliés, et un autre, qui suit Straub (déjà) et Biette, de dos également, dans Othon.
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Baldanders
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MessagePosté le: Mar Jan 10, 2012 3:00    Sujet du message: Répondre en citant

Sinon, j'ai trouvé dimanche qu'Un héritier pâtissait terriblement d'être vu après Lothringen !, tout simplement parce qu'il n'y a pas de commune mesure entre l'impression de l'air sur pellicule et sa restitution sous forme d'information par la vidéo. De plus, la lumière d'Un héritier (il s'agissait de la 2ème version, peut-être as-tu vu la première...) est plus que pâle : blafarde. Je crois que le film a été tourné l'hiver, et cette lumière froide pixellisée, je l'ai trouvée très laide.

Je trouve d'autres défauts à Un héritier, et en particulier le "jeu" du jeune homme. Il s'efforce de rester concentré, et je trouve que ça se voit (ce qui n'est jamais le cas chez Straub/Huillet, chez qui les acteurs intègrent tellement le texte qu'ils le disent comme si ça leur était naturel).

Par contre, L'Inconsolable est génialement découpé (sans parler du texte et du jeu, sublimes) et Chacals et Arabes, tourné en intérieurs, dans des couleurs plus douces et chaudes, résout à mon sens, en jouant du clair/obscur, le problème que pose la captation vidéo aux deux autres.
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Zahad le rouge
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MessagePosté le: Mer Fév 08, 2012 11:43    Sujet du message: Répondre en citant

http://independencia.fr/revue/spip.php?article473

Citation:

Entretien entre Jean-Marie Straub et Peter Kammerer

Kammerer : En juin 1994, vous avez tourné à Metz et aux alentours un film commandé par la télévision de Saarbrück. Le thème  ? La Lorraine, pendant un siècle terre de conflits entre Allemands et Français. Jean-Marie Straub est né et a grandi à Metz. Pendant plusieurs générations sa famille a subi ces conflits.
Straub : C’est un thème que j’avais refoulé depuis ma jeunesse et aujourd’hui je me vois contraint d’enquêter sur ce qui s’est vraiment passé en 1870. Il est arrivé ceci : Metz a été « dépeuplée » par les Français et « repeuplée » par les Allemands. En peu d’années sont arrivés 24000 Allemands, 20000 Français ont laissé leur terre conquise par les Allemands et il ne restait plus que 20000 Français. Un processus violent, comme toutes les colonisations.
K : Votre texte raconte cette histoire et d’autres, mais la vraie documentation est dans les images. La caméra ne renonce à rien, sa lenteur est une excavation en profondeur, une invitation à dévoiler l’histoire de ce paysage. Nous assistons à de longs panoramiques. Le film est un laboratoire de panoramiques. Il y en a de tous les genres, de divers rythmes, angles et mouvements.
S : Le premier panoramique nous fait voir le confluent de la Moselle et du Rhin près de Coblence. C’est un lieu qui m’a toujours fasciné en raison de sa position et du piédestal désert d’un grand monument.
K : C’est un monument pour l’empereur Guillaume 1er, construit en 1896 et détruit lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce monument a été reconstruit il y a quelques années. Un fait spectral.
S : Quand nous avons appris cela, nous avons décidé que le film devait commencer là. Où va l’empereur sur son cheval  ? Il suit la Moselle vers le haut, vers la France, vers Sedan. C’est un monument pour la victoire de Sedan, mais il n’y a aucune inscription pour le rappeler. […] Nous montrons, vues du fleuve, la synagogue, la cathédrale, la ville médiévale. Celle-ci contraste avec l’autre architecture, néo-romane allemande de la fin du XIXe siècle. On voit les édifices de la Poste et de la gare, tous deux de 1906. Le panoramique finit sur la statue gigantesque d’un chevalier allemand. C’est un de ceux que l’on peut aussi voir dans le film d’Eisenstein Alexandre Nevski. Alors que l’on voit le guerrier, on entend la phrase : « La vague allemande (pause de respiration) ne cessait de croître et menaçait de tout submerger. »
Lors de la bataille de Gravelotte-Saint Privat (août 1870) sont tombés en une après-midi 20000 Allemands et 12000 Français. […] Le soir arrive le roi Guillaume, qui n’était pas encore l’empereur Guillaume, et il pleure parce qu’il a sacrifié toute sa Garde Royale. La guerre gagnée, il annexa non seulement Metz et les mines de fer, mais aussi les villages qui avaient été champs de bataille. Il voulait la mémoire et les tombes des soldats morts. Après cette défaite et d’autres encore, la classe politique et militaire française, corrompue et incapable, vendit Metz et ces pauvres villages aux Allemands, après avoir liquidé avec l’aide de ces mêmes Allemands la Commune de Paris, l’unique résistance sérieuse et républicaine. Cette bourgeoisie qui avait déclaré la guerre à la Prusse était la pire qu’on ait jamais vue. Bismarck et Thiers, depuis les terrasses de Saint-Cloud, suivaient avec leurs jumelles la répression de la Commune. […]
K : On voit des paysages et des villages d’aujourd’hui. On entend ces histoires désormais lointaines, mais on comprend qu’il s’agit d’histoires inscrites dans les rues, les collines, les arbres, les maisons. Il y a un panoramique très poétique, dans un endroit très beau, trois arbres et quelque roc erratique, qui suggère la paix, mais aussi la sensation angoissante de trouver les morts derrière les feuilles et les frondaisons.
S  : Ce sont des mines où les mérovingiens grattaient le fer à ciel ouvert. Cette mine était en activité jusqu’à Napoléon III. Mais derrière la caméra s’étend le plus grand cimetière mérovingien de France. Nous ne le montrons pas. Nous voulions montrer cette terre rouge de fer.
K : Et avant ce plan on voit des rails rouillés, une voie ferrée abandonnée.
S : Les vieilles communications sont interrompues. Aujourd’hui les villages sont à nouveau abandonnés. Au cours des sept dernières années, un tiers de la population a émigré. La grande crise de la sidérurgie. Malgré tout cela, on entend sur la bande-son de nombreuses voix d’enfants et la fumée que l’on voit au fond est déjà le Luxembourg.
K : On assiste dans le film à une histoire d’amour, intense et très brève. Seulement deux dialogues entre une jeune femme et un professeur allemand. La jeune femme se demande s’il est possible d’épouser un Allemand après 35 ans d’occupation. Et elle répond au professeur Asmus  : « Non, je ne peux pas vous épouser. Je vous estime et je vous conserverai une grande amitié… »
S : J’étais fasciné par l’idée de raconter une histoire d’amour en seulement deux flashs. Cet amour est impossible. C’est trop tôt. Mais la question reste ouverte.
K : Comme reste ouverte la blessure. Mais pourquoi ouvrez-vous à nouveau cette blessure, à un moment où tout le monde est convaincu de l’amitié franco-allemande  ?
S : C’est précisément pourquoi nous avons réalisé ce film.
K : Me viennent à l’esprit d’autres titres de vos films  : Non réconciliés (1964-65), Leçons d’histoire (1972), Trop tôt / trop tard (1980-81). En voyant ce film, on se dit qu’il est arrivé quelque chose d’irréparable.
S : Alors qu’on veut nous faire croire que tout est toujours réparable et remplaçable, il est important de comprendre qu’il y a des faits « irréparables ». Les blessures restent des blessures, même si elles sont guéries. Restent les cicatrices, les traces, les déformations.
K : Le film pourrait donc aussi s’appeler « Paysages cicatrisés » ?
S : Oui. Mais les cicatrices, ce ne sont pas seulement les morts, les maisons détruites ou restées en ruines, les choses du passé racontées dans le texte. C’est aussi tout ce que l’on voit  : les rails sans trains et l’herbe haute qui indique que les gens sont partis.
K : Il y a toujours le vent qui rend les images vivantes. La lumière change continuellement.
S : Il ne se passait pas cinq minutes sans une averse. Nous avons tourné en juin, avant les grandes chaleurs.


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