A Dangerous Method (Cronenberg ,2011)

Baldanders · Dernière édition par Baldanders le Lun Sep 25, 2017 1:53; édité 2 fois

La froideur de Cronenberg, son détachement, c'est de la stupidité, de l'idiotie, rien de plus. C'est une posture face à ce qui le dépasse.
Mais à la limite, je dirai : franchement, qui ne serait pas dépassé par une histoire pareille ? Qui mêle la naissance et le développement de la psychanalyse, les conflits inter-religieux entre intellectuels, la transmission d'un savoir, la relation de maître à disciple virant à conflit père/fils, une histoire d'amour entre analysée et analysant, le questionnement des limites imposées par Freud au développement de la science qu'il est en train d'élaborer, l'attraction/méfiance entre juifs et aryens, sans parler de tout ce qu'évoquent les personnages et qui concerne des questions psychanalytiques spécifiques - qui pourrait traiter sérieusement de tout ça à la fois ? Personne. Connerie de biopic qui face à l'ampleur de la tâche se laisse choir dans la vulgarisation, que sais-je en images d'un tâcheron plus malin que d'autres.

Les dialogues : on y échange des phrases comme des marioles se vannent et se vantent dans une cour de récré (Cassel, qui plisse malignement les yeux avant chaque réplique, Mortensen qui roule des yeux, Fassbender qui se cherche un truc entre les dents avec la langue...) On cabotine à tout va, de peur de ne pas assez marquer son personnage. (Cronenberg a d'ailleurs toujours filmé des caricatures.)

La mise en scène : ça ne frappe personne, l'absence totale d'inventivité du découpage ? Tout est filmé en gros plan (ou plan poitrine), à la limite de la déformation grand-angulaire, et de face. Frontalité qui n'est pas à confondre avec une quelconque franchise, mais qui est une facilité.

La facilité, Cronenberg s'y résout par manque de sujet. Il n'a pas de sujet, d'une part parce qu'il brasse trop de sujets potentiels entre lesquels il est incapable de choisir, d'autre part parce qu'il n'a jamais traité de sujet. C'est un cinéaste superficiel possédant une culture trash et des rudiments de savoir universitaire mais qui n'a développé aucun rapport personnel, approfondi, avec quoi que ce soit. Ses films ne développent jamais rien, ils illustrent, depuis toujours. La littéralité de ses films d'horreur n'avait pour elle que cette frontalité. En-dehors de cette frontalité, il n'y a rien.

C'est ce qu'on peut voir avec ses derniers films, prétendument plus sérieux (les films de la maturité diront les critiques). Moi j'aimais bien Cronenberg quand j'étais ado et que ses "audaces" visuelles (des tripes en gros plan) me faisaient marrer, mais j'ai grandi, lui aussi. J'en demande plus, et lui s'est rangé à l'idée qu'on se fait de lui : celle d'un type qui pense. Alors il filme de la pensée, mais pas la sienne, celle par exemple de Freud, et c'est pas encore suffisant, il faut dramatiser tout ça, alors on va faire pleurer dans les chaumières sur l'amitié impossible et sur le destin tragique des juifs de génie...

Rien d'autre que du sentimentalisme et une nième illustration du mal-être début-de-siècle qui débouchera sur les génocides nazis.

Cronenberg serait important parce qu'il fait un film sur Freud ? Ou parce que, comme dit Zad, il montre les coutures dans un film sur la psychanalyse ? Il en faut plus que ce roman-photo imperturbable, produit pour supermarché de la pensée où on se sert à la louche, n'importe comment, de micro-théories et d'anecdotes sur Jung et Freud. Film de petit joueur qui me rend dingue de colère parce que la classe intellectuelle en raffole avec sa manie de glorifier, plutôt que la profondeur, ses signes extérieurs.

P.S. Buster de Balloonatic a dit tout ça beaucoup plus poliment que moi, là : http://theballoonatic.blogspot.com/2011/12/question-of-method.html

Alexia · Posté le: Mer Jan 25, 2012 1:06 Sujet du message:

T'es dur avec Cro!
Alors, je me demandais si je n'allais pas vous conseiller d'y emmener vos copines, essentiellement à cause des fringues; ça me surprend que tu zappes ça! questions belles dentelles blanches, on est servi. Les hommes sont tirés à quatre épingles aussi. Les chignons également sont très travaillés. Bref, le décor est agréable.
Moi j'ai suivi ça où ça a bien voulu m'emmener (pas très loin, c'est sûr); je ne me suis pas ennuyée. Que retenir de tout ça? la grande différence entre Yung et Freud c'est que l'un baise et l'autre pas, voilà pour le principal. Les bureaux sont également très différents (toujours dans la partie "décor", le bureau de Yung reste sobre, alors que celui de Freud est surchargé de bibelots antiques). On sent qu'il y a eu une bonne documentation donc. Du sérieux.
Cassel, ben il est bien Cassel, qu'est ce que tu lui reproches? Il campe un Otto Gross plutôt sympathique, et qui rompt avec l'ambiance chic et proprette qui règne. Intervention qui nous secoue un peu de notre ronron.
Quant à l'histoire d'amour... Bof, on nous ressert la fameuse opposition entre l' épouse et la maîtresse.. On n'accroche pas plus que ça.
Au total, c'est pas l'enthousiasme, mais pas non plus la catastrophe quoi.
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Thalatta!Thalatta!

Tiny · Posté le: Mer Jan 25, 2012 14:59 Sujet du message:

Baldanders · Posté le: Mer Jan 25, 2012 15:05 Sujet du message:

Tiny · Posté le: Mer Jan 25, 2012 15:11 Sujet du message:

enfin je pensais surtout à frissons, rage, chromosome 3 et scanners que je n'ai pas revus récemment mais qui m'avaient semblé assez tranchants à l'époque. en tout cas bien loin du côté académique dont tu parles, que je peux reconnaitre depuis crash ou existenz.

Baldanders · Posté le: Mer Jan 25, 2012 15:14 Sujet du message:

Tiny · Posté le: Mer Jan 25, 2012 19:33 Sujet du message:

et tu les trouves académiques?

Trollope · dans le coma profond Inscrit le: 04 Oct 2011 Messages: 637

ça a l'air pourtant assez rigolo, les fessées dans A Dangerous Method, la caractérisation (pour ne pas dire la caricature), Cassel dans son traditionnel (et con) rôle de faune.

Baldanders · Posté le: Mer Jan 25, 2012 20:07 Sujet du message:

Trollope · dans le coma profond Inscrit le: 04 Oct 2011 Messages: 637

Baldanders · Posté le: Mer Jan 25, 2012 21:28 Sujet du message:

Le film se termine sur des cartons nous apprenant que Freud a été chassé de Vienne en 33 et que Spielrein a été emmenée dans une synagogue russe et tuée par les nazis. Ces cartons sont trop lourds pour un film qui survole les rapports entre juifs et aryens en Europe centrale au début du siècle. Ces cartons n'étant pas absolument nécessaires à la compréhension du film, qu'est-ce qu'ils veulent dire ? Ils signifient lourdement qu'il faut considérer avec la plus grande gravité tout ce qu'on a vu avant, du point de vue de l'Holocauste et du nazisme. Mais Cronenberg a-t-il, lui, considéré avec gravité ces questions, et de ce point de vue ? Non, parce que Cronenberg est un ricaneur (comme tu l'as pressenti en regardant la bande-annonce) et qu'il n'a pas de point de vue. D'où : chantage à l'émotion, parce que Shoah, et parce que cas particuliers que sont ces juifs-là, de génie.

Trollope · dans le coma profond Inscrit le: 04 Oct 2011 Messages: 637

Kuni l'hungus · Posté le: Jeu Jan 26, 2012 12:54 Sujet du message:

Putain Phèdre, reviens, s'il te plait. Je t'en prie. Je peux pas, là... et j'en peux plus.
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Hello--Kitty · Posté le: Jeu Jan 26, 2012 13:56 Sujet du message:

Trollope · dans le coma profond Inscrit le: 04 Oct 2011 Messages: 637