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Bande dessinée et architecture

 
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Carton
dans le coma profond


Inscrit le: 09 Fév 2010
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MessagePosté le: Ven Oct 08, 2010 15:06    Sujet du message: Bande dessinée et architecture Répondre en citant



Jusqu’au 28 novembre se déroule à la cité de l’architecture l’expo Archi et BD. Après l’expo Vraoum à la Maison Rouge et la prochaine expo « Bande dessinée et art contemporain » au Havre, on ne peut que constater que la Bd s’affiche dans des événements luxueux et ambitieux. On peut s’étonner, comme Xavier Guilbert du site Du9, que ce mouvement de reconnaissance institutionnelle s’accompagne à chaque fois d’un couplage avec un art « haut » où l’on ne sait plus s’il s’agit de relever la BD ou de voir l’architecture et l’art contemporain se pencher sur le 9eme art. Pour Archi et BD, il s’agit bien d’une expo exclusivement de bande dessinée, qui cherche à travailler l’importance de l’architecture dans les planches et les œuvres.
On peut discuter de la pertinence de la scénographie qui installe un long couloir élégant mais assez peu lisible, ou la forte présence de planches tirées d’un fichier numérique et non d’originaux (même si en BD l’original n’a pas beaucoup de valeur artistique, la finalité du médium étant d’abord l’impression). Mais c’est surtout la propension de l’expo à s’en tenir à une évidence du sujet qui dérange. Le lien entre BD et architecture m’intéresse depuis quelques temps et j’en parlais déjà dans ma notule sur le livre Astérios Polyp. Pour continuer la réflexion et en prenant l’expo de la cité de l’architecture comme point de départ, j’ai envie de me lancer dans un recensement des pistes de travail dont la plupart ne sont très peu abordées par Jean Marc Thévenet, le commissaire de l’exposition. Là encore c’est un survol, juste une manière d’entrevoir les potentiels de la question.

L’axe principal de Archi et Bd est avant tout de prendre l’architecture en tant que art du décor. On peut voir alors l’importance dans certains œuvres de la ville et de sa mise en scène, parfois presque comme un personnage à part entière. C’est bien sûr quelque chose de très fécond, et du genre super-héros à la ligne clair de Hergé ou Chaland en passant par des mangas comme 20th Century Boy ou Amer Béton, la ville et les effets de perspectives sont légions. Que ce soit dans la construction d’une ambiance, ou dans l’affirmation du monumental, les auteurs qui mettent en avant le décor sont multiples et souvent intéressants. Des auteurs comme Schuiten et Peeters ou Marc Antoine Mathieu en ont même fait le sujet principal de certains de leurs livres.


Schuiten et Peeters


Marc Antoine Mathieu


Chaland

Cette prédominance du décor va parfois jusqu’à dicter une mise en page particulière ou une déformation de la case, une mise en scène qui va dialoguer avec le décor, jusqu’à une interpénétration du motif et de la forme au niveau du trait, de la problématique, voire un débordement vers un travail extérieur au genre (scénographies, travail sur le décor urbain ou construction de lieu comme la magnifique station Arts et Métiers de la ligne 11 à Paris, réalisé par Schuiten). Ainsi les planches se font géométriques, insistent sur une profondeur de champ ou une perspective, les pages épousent la verticalité des immeubles…


McCay

La contamination de la mise en page par le décor en tant qu’architecture a pu parfois mettre en relief les liens fondamentaux entre l’architecture et la bande dessinée. Des planches/gag comme celle de Fred ou de Guillaume Long, en associant la page et les cases à un bâtiment, mettent en avant ce qui est selon moi le plus pertinent dans une analogie entre architecture et bande dessinée.


Fred


Guillaume Long

On pourrait formuler ce lien comme une question commune : comment occuper un espace et s’y déplacer à travers une structure (ça marche aussi pour la peinture, excepté qu’en peinture cette structure est généralement discrète, là où l’architecture et la BD l’affiche comme support visible et base principale. Dans ces deux cas, la structure en elle-même suffit déjà à l’expression du médium).
En BD, cette question se pose selon deux axes intimement liés. La spatiotopie, qui est l’agencement des cases dans l’espace, et l’arthrologie, qui est l’articulation des cases entre elles. La mise en scène d’un espace et la question de comment s’y déplacer donc, et le sens que cela produit.
Cet aspect là suffit déjà en lui-même pour creuser les liens entre BD et architecture dans leur « langage » propre, et on aurait pu espérer que l’expo se penche plus précisément là-dessus.
Il est vrai par ailleurs que certains auteurs ont résolu cette question de manière littéraire, où c’est la narration qui prédomine dans l’organisation du sens de lecture (de gauche à droite, de haut en bas), une réponse littéraire où le récit régit la distribution et l’ordre des cases, où c’est le mouvement narratif qui est le moteur principal du passage d’une case à une autre. Dans ce ces cas là, l’unité principale de l’œuvre reste le livre dans son ensemble.
Mais d’autre ont une réponse plus spatiale, ou l’unité première peut être la page ou la double page, qui s’impose en premier lieu comme un tout graphique, qui s’avance comme un ensemble, un cadre plus large que la case et plus réduit que le livre, une unité qui frappe d’abord visuellement en tant que mise en scène graphique et rythmique d’un espace donné, et où la distribution du regard se fait de manière géométrique ou géographique plutôt que de manière littéraire ou picturale.


Joe Matt


Trondheim

Cela va parfois un peu plus loin, chez des auteurs comme Chris Ware qui par exemple travaille beaucoup sur le plan de coupe. On site souvent ce type de page :



Mais si Chris Ware est un auteur architecte, c’est bien plus par sa mise en scène que par ses motifs de maisons et d’immeubles ou l’analogie directe avec le plan d’architecte. Dans des pages comme celles-ci par exemple :



Dans ce cas là, la page se présente comme un assemblage de lieux différents, à la temporalité et au rythme variables, organisé par une mise en page qui semble distribuer le sens de lecture et le sens du récit avec le souci avant tout d’une gestion de l’espace, un travail sur l’ensemble et le particulier de la page, sur les espaces vides et pleins, qui apparait d’abord comme une topologie du récit avant d’être un récit.
Ce souci de l’espace, de l’agencement des lieux, à la fois très réglé et très libre (ses livres appellent à la déambulation dans la page, on cherche souvent son chemin) est peut être la piste la moins explorée par l’exposition et pourtant la plus fertile à mon sens, d’autant plus que dans des modalités différents, plus ou moins fortes ou molles, il n’est pas le seul à travailler dans cette direction.


Fabrice Collin et Laurent Cilluffo


Herve Carrier


Ruppert et Mulot


Tobias Tycho Schalken

Et puis il reste des pistes, plus mineures, plus réduites, mais pas moins intéressantes, comme ces bandes dessinées qui se pensent en 3D, proches de la sculpture parfois, et parfois de l’architecture comme cette planche de Killoffer pour l’OuBaPo.



Il aurait fallu aussi faire le mouvement inverse, se poser la question de ce que l’architecture empreinte à la BD, aller voir du côté de l’architecture narrative par exemple, ou insister sur le travail d’auteurs comme Gerner ou Gaume qui creusent l’idée de cartographie.

Disons que les liens entre Archi et Bd restent encore à travailler, que cette expo sous ses airs ambitieux s’arrête à la porte et se contente de constater que des villes et des bâtiments sont régulièrement dessinés en BD. Et même si « Archi et BD » aborde le sujet graphiquement, narrativement et sémantiquement, et a le mérite de se lancer sur la piste à défricher, elle laisse un goût de trop peu dans la bouche.
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Zagriban
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MessagePosté le: Ven Oct 08, 2010 20:20    Sujet du message: Répondre en citant

Intéressant quand même!

L'exemple avec Philémon me rappelle un autre exemple du même, mais impossible de m'en souvenir là, ça m'énerve!
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Carton
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MessagePosté le: Sam Oct 09, 2010 18:59    Sujet du message: Répondre en citant

Les jeux sur la mise en page et sur la structure des cases en tant que réalité physique dans un récit sont courants chez Fred. Peut être que mon exemple plus haut te fait penser à une de ces deux célèbres pages :





Sinon sur le sujet il aurait fallu creuser aussi sur les effets de rythme et de déplacement dans une page, par exemple les cases chez Ruppert et Mulot, parfois lieu de passage et parfois lieu où l'on s'attarde, comme en architecture où l'on pense les lieux en fonction de leur usage. Chez Tobias Schalken par exemple, on peut y voir un assemblage de couloir autour de deux lieux plus "fixes", la mise en page comme gestion et mise en place d'espaces aux vitesses différentes.

Et aussi, une petite nuance dans ma critique de l'expo : son sous titres c'est "La ville dessinée". Une sorte de remise à niveau d'une ambition qui aurait paru trop grande sur le seul énoncé "Archi et BD".
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Carton
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MessagePosté le: Sam Nov 13, 2010 15:01    Sujet du message: Répondre en citant

Tiens, Schuiten qui donne de l'eau à mon moulin :

SB : Architecture et bande dessinée ont-ils des liens naturels ?

FS : Pas nécessairement. Mais il y a des points de rencontres identifiables. Par exemple, l’une des choses primordiales en bande dessinée, c’est de faire entrer l’œil dans l’image, et en cela, l’architecture est un bon outil car il permet de guider, d’orienter, le regard à travers les jeux matériaux et de lumières. Ce qui m’intéresse également, c’est la composition. La planche, ça se rapproche d’une topographie, ça joue des rapports de vide et de plein. On peut donc approcher l’écriture et la composition d’une planche de bande dessinée avec des préoccupations d’architectes.

SB : Vous rapprochez d’ailleurs souvent la ville, et la bande dessinée, à des systèmes.

FS : C’est ce qui m’intéresse. On traque cela avec Benoît Peeters, le personnage pris dans un système. Comment un environnement nous construit, nous révèle ou nous détruit. Quels liens organiques la cité tisse-t-elle avec nous. Ces liens fractals qui se créent entre choses très petites et très grandes. La bande dessinée et l’architecture sont de bons outils pour en parler.

Pour lire l'intégralité de cette courte interview :
http://www.du9.org/Francois-Schuiten,1285
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